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Interview : Manon Hily revient sur sa médaille de bronze aux Championnats d’Europe de Munich 2022

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La Française Manon Hily a remporté la médaille de bronze au Championnat d’Europe de difficulté 2022, au terme d’un magnifique run dans la voie de finale. À 28 ans, la Réunionnaise avoue qu’elle a vécu « la plus belle compétition de sa vie ».

Quelques heures seulement après son podium, elle nous raconte sa compétition dans les moindres détails.


Ce Championnat d’Europe, il représentait quoi pour toi ?

Cette compétition, c’était vraiment devenu l’objectif de ma saison, depuis le moment où je savais que j’étais qualifiée pour y participer.

Je me suis super entraînée entre les Coupes du Monde, ce qui m’a valu pas mal de fatigue sur les deux dernières. Mais c’était le choix à faire pour être en forme au Championnat d’Europe.

Ça fait quoi de participer à une compétition d’une telle envergure ?

Je n’avais encore jamais fait de compétition comme celle-là, c’est-à-dire une compétition avec plein d’autres sports et d’une si grande envergure.

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Raconte-nous ta première journée de compétition en difficulté.

On va dire que ma compétition a mal commencé… J’avoue que j’étais pas mal stressée. Normalement, on a les vidéos de démonstration des voies la veille de la compétition, en même temps que l’ordre de passage. J’ai vu que je passais quatrième, ce qui n’est pas facile, mais c’est le jeu ! Et les vidéos des voies sont arrivées à 10h00 le matin même de la compétition, alors que je commence à m’échauffer à 11h00. Ça m’a vraiment perturbée.

D’ailleurs, pour la petite anecdote, le matin en regardant les vidéos, il y avait un énorme jeté en no-foot dans la voie où je commençais. En voyant ces images, j’ai eu un fou rire, c’était purement nerveux je pense. J’espérais de toutes mes forces que ce mouv ne soit pas obligatoire et en même temps j’étais excitée parce que je me suis rendu compte de la qualité de l’ouverture sur cette compétition : les voies avaient l’air dingues !

Du coup, j’ai commencé les qualifs par cette voie et j’ai réussi à shunter ce jeté. J’étais la première à le faire. J’étais vraiment à vue dans la voie, enfin presque, parce que les démos n’étaient pas super. J’ai mis un run pas si mal, mais je savais que j’aurais pu faire mieux, je n’étais pas encore à mon niveau maximal. Mais ce n’était pas grave, j’avais quand même fait le job !

Mais niveau sensation, c’était super. Je me sentais vraiment en forme et j’ai fait un super run dans la deuxième voie de qualif, ce qui m’a permis de me classer quatrième de ce premier tour. J’étais en confiance pour la demi-finale.

Justement, qu’as-tu pensé de la demi-finale ?

À la lecture, j’ai tout de suite su que cette voie pouvait me convenir, mais j’étais vraiment stressée de l’ampleur de l’événement. En isolement, puis en arrivant derrière le mur, j’ai entendu que l’ambiance était complètement dingue ! Je me suis laissé emporter et j’étais hyper relâchée mentalement pendant ma grimpe. Je grimpais en mode pilote automatique, et je pense avoir mis un run presque parfait, même si je tombe en zippant.

Quand j’ai vu le résultat, j’ai commencé à vraiment me rendre compte de la chance que j’avais d’être en forme sur cet événement. Et je me suis dit que le podium était jouable…

Mentalement, ça s’est passé comment avant les finales ?

Dans ma tête, je me suis vraiment bridée pour ne pas penser aux résultats et essayer de continuer comme ça, c’est-à-dire de grimper sans me prendre la tête et sans rien changer. Mon coach m’a bien briffé et il m’a vraiment aidé mentalement à prendre le dessus sur l’importance de l’évènement et au fait de penser seulement à ma grimpe. Du coup je suis vraiment partie dans cette finale avec seulement l’envie de bien grimper et de me laisser porter.

En voyant la voie de finale, qu’est-ce que tu t’es dit ?

Quand j’ai lu la voie, j’étais hyper excitée ! Pour moi, c’était la voie parfaite ! C’est le genre de voie que je rêve d’avoir en Coupe du Monde depuis longtemps. Dans ma tête je me suis dit : « Ça y est, tout est réuni pour que ça se passe bien ».

D’ailleurs, je ne me suis même pas pris la tête à la lecture. Quand je suis rentrée en isolement, j’ai dit à Romain [Desgranges] : « Pas besoin de lire la voie, elle est faite pour moi et ma grimpe instinctive ». Dans ma tête, je savais que j’allais juste me laisser grimper, et que ça allait marcher.

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Et dans la voie, comment ça s’est passé ?

Alors, j’avoue avoir été un peu surprise par le jump du début. J’ai vraiment cru que j’allais tomber, mais j’ai mis toute mon énergie à le faire. Et après, je me suis juste laissée aller. Je n’ai pas hyper bien grimpé et je pense que je pouvais encore donner plus. En descendant, je ne pensais pas être sur le podium même si je savais que mon run était quand même bien. Mais quand les filles m’ont dit que j’étais troisième, j’étais la plus heureuse ! C’était beaucoup d’émotions d’un coup. Je me suis dit : « Ça y est, tu as réussi, tu viens de vivre la meilleure compète de ta vie en terme d’ambiance, de niveau de forme, de flow dans la voie et de plaisir. Et en plus, tu repars avec une médaille ! »

Bref, j’ai pensé à mon coach qui m’avait dit que je serai en forme alors que moi j’étais nulle à l’entraînement deux semaines avant la compétition. Il y croyait plus que moi.

Tu réalises ?

Je savoure a 2000% cette médaille ! Elle me montre qu’il faut s’investir et que ça a marché. Il n’y a pas de secret, cette année j’ai accepté de faire des sacrifices, j’ai adoré m’entraîner, j’ai beaucoup bougé pour faire du spécifique, j’ai trouvé la meilleure partenaire d’entraînement que je puisse rêver [Ina Plassoux Djiga] . Tout ça m’a mené à cette médaille. Il n’est jamais trop tard !

Un dernier mot ?

Merci à la fédé, l’ANS et mon hôpital, sans qui tout cela n’aurait pas été possible, parce que ça fait deux mois que je ne travaille plus, pour être à fond sur l’entraînement. Et bien sûr, un grand merci à mon coach, Vincent Etchar.

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