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Interview: Dinara Fakhritdinova signe un beau comeback. Elle nous raconte…

Dinara Fakhritdinova, ça ne vous parle pas? Pourtant, souvenez-vous, en 2013, sur la place du Mont Blanc à Chamonix, elle remportait le titre de championne d’Europe! Toujours sur le circuit international, mais rarement dans le haut du classement, la « mini Rocket Russe », comme s’amusent à l’appeler les commentateurs, semble être plus motivée que jamais pour atteindre le top niveau mondial. D’ailleurs lors des tout récents championnats du monde qu’elle jouait à domicile, elle participait à sa première finale sur des mondiaux et avouait en vouloir encore plus… Alors avant de la retrouver la saison prochaine sur le circuit, voici son portrait histoire d’en connaître un peu plus sur elle.


On commence par les présentations? Qui es-tu?

Je m’appelle Dinara Fakhritdinova, j’ai 28 ans et je viens de Russie.

Comment as-tu commencé l’escalade, et pourquoi as-tu choisi ce sport?

À l’âge de 5 ans, je faisais des acrobaties partout, et j’ai commencé par faire de la gym. Je faisais souvent des galas lors d’événements, ou d’ouvertures de salles de sport. Et puis un jour, j’ai fait une représentation dans une salle où il y avait un mur d’escalade et des grimpeurs faisaient une démonstration de ce sport. J’avais 11 ans et je suis tombée amoureuse de la grimpe immédiatement.

Que fais-tu dans ta vie personnelle? Uniquement de l’escalade? 

Je fais énormément de choses, j’ai une vie bien remplie… Pour commencer, j’étudie, dans le domaine de la cosmétique. Peu de gens savent que je travaille dans la cosmétologie, et particulièrement dans les problèmes de peau qui peuvent être liés à certain produits cosmétiques. Sinon, je retape aussi mon appartement, là je suis en train de passer le permis moto, je participe aussi à beaucoup de projets et je m’implique notamment dans des oeuvres caricatives en envoyant du matériel d’escalade partout dans le pays pour ceux qui manquent de moyens pour s’équiper. Enfin voilà, je ne m’ennuis jamais !

Comment s’organise ton entraînement?

C’est une questions vraiment difficile… Jusqu’à présent, je n’avais pas de planification précise, la plupart du temps je grimpe à l’instinct, je me base sur mon intuition et sur mon expérience. Je grimpe juste énormément et à côté je fais d’autres sports qui me permettent de m’entraîner également, de la gym par exemple. Mais depuis peu, j’essaye d’être plus sérieuse et de suivre un plan d’entraînement. On verra si ça fonctionne!

On voit rarement des russes sur les compétitions de bloc ou de difficulté, comment l’expliques-tu?

À vrai dire ça a toujours été très difficile pour les athlètes Russes d’obtenir un Visa pour voyager, et du coup nous n’avons pas l’autorisation de nous rendre dans certains pays. Et puis on ne va pas se mentir, l’aspect financier joue beaucoup aussi, nous avons peu d’aide de la fédération pour nous rendre sur les compétitions internationales. La plupart du temps, j’organise moi même le voyage, et c’est vrai que ça me prend beaucoup de temps et d’argent. Depuis peu, la fédération tente de nous aider un peu plus, on sent qu’il y a du mieux, que ça progresse.

En 2013 tu remportais le titre de championne d’Europe à Chamonix, que retiens-tu de cette journée? 

Je me rappelle que j’étais très calme et détendue, je me rappelle de la musique que j’écoutais en boucle en isolement, je me rappelle aussi de Mina Markovic en isolement, c’était l’une de mes idoles et j’appelais toujours de ce qu’elle faisait. Ce jour là, je ne grimpais pas pour la première place, je kiffais juste le moment et je me suis laissée porter.

© Lucie Thomas | Planetgrimpe.com

Après une terrible agression en 2015, comment t’es-tu relevée de tout ça? 

Pour être honnête je préfère ne pas me rappeler de cette période qui a été horrible pour moi. Encore aujourd’hui, ça me fait mal d’y penser et je préfère faire comme si rien n’était jamais arrivé.

Pendant longtemps j’ai essayé de faire abstraction de ce qui s’était passé, mais au final je ne faisais qu’accumuler de la peur et de la colère en moi, et ça a été une grosse erreur. J’ai continué à m’entraîner comme avant, à participer à des compétitions, mais au fond de moi j’ai compris que tout n’allait pas bien, je me sentais mal, mon coach l’a remarqué et nous avons décidé d’arrêter de faire semblant et de travailler avec psychologue jusqu’à ce que je me sente mieux.

En 2019, on ne t’a pas vu sur le circuit non plus, que s’est il passé? 

J’étais clairement en BurnOut, c’était très dur émotionnellement dans ma vie à ce moment là. Je me suis perdue et je ne voyais l’intérêt de rien, mon monde s’est effondré et j’ai perdu la force de me battre.

Est-ce que tu as imaginé arrêter l’escalade? 

Je n’ai pas grimpé pendant très longtemps, et ça m’a permis de réaliser que la grimpe était vraiment importante pour moi et qu’il était temps de faire mon comeback. Je sentais que je pouvais être encore plus forte qu’avant et que j’adorai les compétitions d’escalade. J’ai recommencé à m’entraîner réellement en juin 2020, et après 14 mois, je pense avoir obtenu de bons résultats et je ne compte pas m’arrêter là!

Cette année tu signes effectivement un très beau retour, comment tu te sens? 

À vrai dire c’est très étrange, je ressens un énorme pouvoir en moi, je sens que je peux être très forte, mais ma faible estime de moi me gêne encore, je continue de penser que je n’y arriverai pas mais j’y travaille, j’ai besoin de temps et je profite de chaque instant.

Tu as 28 ans aujourd’hui, tu t’imagines quand même sur les JO de Paris en 2024? 

Bien sur! Il n’y a pas d’âge pour moi, et maintenant que je sens que je suis sur la bonne pente, je sens que je peux être plus forte que jamais. C’est comme si j’avais 16 ans et que ma carrière sportive ne faisait que commencer. Tant que je me sentirai jeune je continuerai d’imaginer ma vie sportive comme ça, et ça ne m’intéresse pas qu’on me dise que je suis trop vieille (rire!).

Quels sont tes prochains projets en escalade? 

Je n’ai pas de projet précis en tête, pour le moment je grimpe énormément à l’instinct, si ne ligne me plaît j’y vais, quelque soit la cotation. Mais on ne va pas se mentir, j’aimerai un jour atteindre le 9b, ou plus, mais pour le moment je préfère me concentrer sur les compétitions.

Un dernier mot à ajouter? 

Je voudrai juste vous dire de ne pas écouter quelqu’un qui vous dit que vous ne pouvez pas ya arriver, faites vos propres choix, faites ce qui est important pour vous et n’écoutez que vous même!

Publié le : 09 octobre 2021 par Charles Loury

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