Le contenu

Rencontre avec Simon Lorenzi, troisième ascensionniste de « Burden of Dreams » 9A

© Gilles Charlier

Le 27 décembre 2023, après plus de six semaines de lutte acharnée au coeur de la Finlande, Simon Lorenzi réalisait la troisième ascension de « Burden of Dreams », connu comme le premier 9A bloc au monde. Après avoir déjà enchaîné « Soudain Seul » et « Alphane », le Belge de 27 ans est devenu la première personne de l’Histoire à se rétablir au sommet de trois 9A.

Nous sommes donc allés à la rencontre de Simon Lorenzi, afin qu’il nous parle un peu plus de son histoire avec « Burden of Dreams ». Il s’est livré sans concession sur son état d’esprit, ses difficultés dans le bloc, sa manière de le travailler, la façon dont il compare « Burden of Dreams » aux autres 9A qu’il a déjà enchaînés et ses futurs projets.


Salut Simon ! Comment te sens-tu un mois après avoir signé la troisième ascension de « Burden of Dreams » ?

C’est de la joie à l’état pur ! J’ai l’impression que tout est plus beau et agréable autour de moi !

Après avoir été en autarcie pendant plusieurs semaines, comment s’est passé ton retour à la civilisation ?

À vrai dire, ça fait assez bizarre… C’est cool de retrouver ses habitudes, mais d’un autre côté, ça me manque et je suis un peu nostalgique, c’est comme si je n’avais maintenant plus de buts aussi concrets à court terme qui permette de guider ma vie. Du coup, je suis de retour à l’entraînement pour les compétitions et je me rends compte qu’ici on est pressé et tout doit aller vite, alors qu’en Finlande on avait la chance de prendre le temps pour tout.

© Gilles Charlier

Est-ce que le fait de travailler ce bloc sur sa réplique avant de partir pour la Finlande t’a aidé ?

Au final, beaucoup moins que ce que je pensais… Un pied a cassé pour le mouv 2 donc dès le premier jour j’ai dû changer la méthode que j’avais travaillée comme un fou sur la réplique. Et pour le reste des mouvements, il n’y a rien que j’ai fait identiquement à la réplique. Donc c’était cool, mais c’est indispensable d’avoir essayé le bloc en vrai pour bien monter la réplique et savoir exactement sur quelle méthode s’entraîner.

Qu’est-ce qui a été le plus dur à gérer pour toi pendant tout le processus de travail de ce bloc ?

Devoir être patient face aux problèmes de peaux et de météo. C’est vraiment dur de se sentir impuissant et devoir attendre face à des problèmes sur lesquels on a presque aucun contrôle !

© Gilles Charlier

As-tu pensé à abandonner ?

Non, c’était assez inconcevable dans mon esprit ! Mais j’aurais été sans doute contraint d’abandonner à un moment car mon petit doigt était enflammé et devenait vraiment douloureux, même avec des anti-inflammatoires.

Que représente « Burden of Dreams » pour toi ?

C’est un mythe, une légende et c’était vraiment incroyable de me retrouver sur ce caillou, moi qui avais idolâtré Nalle [Hukkataival] et sa performance à l’époque. Cela dit, une fois lancé dans le projet, je vois le bloc comme un enchaînement de mouvements à réaliser et je finis par oublier toute la légende qu’il y a autour.

A-t-il la même saveur qu’ »Alphane » ou « Soudain Seul » ?

Tous sont différents mais je dirais que le plaisir se rapprochait plus de l’enchaînement de « Soudain Seul »,  il y avait vraiment un truc spécial où on se sentait hors du temps et du monde normal ce qui a vraiment donné une saveur particulière à cette aventure.

© Gilles Charlier

Une fois arrivé en Finlande, comment t’y es-tu pris pour travailler ce bloc ? Quelle a été ta méthode ?

Je me suis d’abord attaqué à la fin du bloc car le premier mouvement est particulièrement agressif pour la peau. Dès le premier jour, j’ai trouvé une nouvelle méthode avec une lolotte, ce qui me permettait d’éviter un mouvement aléatoire. Ensuite, j’ai travaillé chaque mouvement individuellement jusqu’à ce que je sois réellement satisfait de mes méthodes. Après environ quatre séances, je faisais tous les mouvements de la fin avec une consistance satisfaisante. À ce moment-là, le but fut alors de caler le premier mouvement pour mettre des essais du début. La première séance dans le premier mouv fut vraiment prometteuse donc après ça, c’était parti pour des runs ! Malheureusement, j’ai cassé le pied gauche que j’utilisais et n’ai plus réussi à refaire le mouvement pendant deux semaines… J’ai donc du tout réajuster pour ce mouv, tant dans ma méthode que dans la stratégie globale, mais la persévérance aura fini par porter ses fruits !

© Gilles Charlier

Tu es maintenant le seul grimpeur au monde à compter trois 9A bloc à ton actif. Qu’est-ce que cela représente pour toi ?

Je ne sais pas, rien n’a vraiment changé en soi donc je vois ça comme la continuation de mon apprentissage en bloc extérieur. Ça me donne confiance pour la suite, j’ai l’impression que peu de choses ne peuvent me résister si j’y consacre le temps qu’il faut et que je continue à prendre du plaisir comme c’est le cas actuellement.

Tu es resté en Finlande pendant plus de 40 jours. Comment as-tu géré ce « siège » ? 

Au début, j’ai beaucoup grimpé dans le bloc, trop même. J’ai fait beaucoup de séances avec plusieurs doigts strappés ou dans de mauvaises conditions. Et après quelques semaines, je me suis rendu compte que c’était très contre-productif. Le fait de grimper beaucoup est une stratégie efficace pour se rassurer quant à nos chances de réussir. Ça permet de se nourrir par le biais de confirmations, donc de rester plus facilement motivé et optimiste. Mais ici, j’ai dû me rendre à l’évidence : je n’avais pas le choix que de me reposer plus afin de laisser à ma peau le temps de se refaire. Je suis passé de deux jours de grimpe pour un jour de repos à un jour de grimpe pour deux de repos environ. Ça fait beaucoup de temps à ne rien faire et à cogiter ! Heureusement, la vie en Finlande est assez paisible et j’allais en salle à Helsinki pour garder la forme sans me poncer la peau. J’ai vraiment appris à être patient, à attendre le moment optimal pour grimper, et c’est dur mentalement car ça enlève une part de contrôle.

À la fin du trip je me renfermais de plus en plus dans une bulle, je ne parlais plus beaucoup et passais beaucoup de temps dans mes pensées. J’ai aussi fait beaucoup d’insomnies à cause du stress d’une nouvelle coupure au doigt ou de l’excitation liée à l’idée d’enchaîner ce bloc… Ce genre de processus, c’est vraiment une stimulation émotionnelle et cognitive hors du commun et avec un peu d’introspection, on en apprend beaucoup sur notre façon de fonctionner en tant qu’humain. Après réflexion, je sais maintenant que je suis un optimiste dans l’âme car à chaque problème qui survenait, j’avais toujours plusieurs solutions en stock que je m’empressais de tester. Si ça ne marchait pas, j’étais dépité pour quelques heures jusqu’à ce que mon cerveau imagine de nouvelles solutions ou tourne la situation de manière positive pour la séance d’après. J’ai de la chance de fonctionner comme ça car c’est difficile de réellement se décourager en fonctionnant de cette manière !

© Gilles Charlier

Parle nous de la journée et de ton run d’enchaînement. Qu’est-ce qui a fait la différence selon toi ?

Je n’étais pas sûr de grimper ce jour-là car je m’étais légèrement percé la peau la veille. Me sentant dans une forme incroyable j’avais décidé d’aller au bloc m’échauffer pour voir comment ma peau réagissait. Ma peau était ok, je pouvais donc mettre quelques essais. À mon deuxième essai je parviens à passer le premier mouv mais je zippe juste après et les quatre essais suivants, je tombe au premier mouvement. Je décide de mettre un dernier essai avant de prendre un plus gros repos au chaud dans la voiture. Je m’élance et là tout est parfait : je fais le premier mouvement sans même perdre le pied, j’empile les deux mouvs suivant et arrive au dynamique final où j’avais échoué il y a quelques jours. Je prends bien le temps de réajuster la main gauche et lance dans la dernière prise, maîtrise le balant à un bras, crie puis je me rétablis et crie à nouveau plusieurs fois. Une vingtaine de secondes venaient d’éclipser un mois et demi de travail… Quelle drôle de sensation !

Le manque de souplesse me suit partout et il m’aura suivi jusqu’à ce que je réalise que c’est ce qui faisait la différence. Étant à l’aise dans la fin, la clé résidait vraiment dans le premier mouv et c’est seulement la veille de l’enchaînement que j’ai réalisé à quel point la souplesse jouait un rôle primordial. Bien qu’étant dans ma plus grande forme avec des conditions parfaites, je n’avais pas réussi le premier mouvement une seule fois ce jour-là… Après réflexion, la seule chose qui avait changé par rapport au jour où je l’ai fait plusieurs fois c’est que j’avais passé moins de temps à étirer mes hanches. Le jour de l’enchaînement je n’ai donc pas lésiné sur la dose d’étirement ! Comme quoi, avant de croire que vous n’êtes pas assez fort pour un mouv, étirez-vous d’abord à deux fois!

© Gilles Charlier

Tu as trouvé de nouvelles méthodes dans ce bloc. Comment les compares-tu par rapport à celles de Nalle Hukkataival et William Bosi ?

Après le premier mouv, je mets une lolotte qui me permet de croiser et d’aller directement à l’avant-dernière prise. C’est vraiment plus direct et moins aléatoire. Pour les petits, je suis certain que c’est bien plus efficace que l’autre méthode, mais pour les grands, ce n’est pas sûr car c’est un peu une boîte.

Quels sont tes prochains projets ? As-tu envie de rendre visite à « Return of the Sleepwalker » aux USA ?

C’est exactement ça ! Dans tout juste un an ce sera direction les États-Unis pour « Return of the Sleepwalker » et « Megatron ». Je suis vraiment impatient, mais d’abord je vais tenter de me qualifier aux Jeux Olympiques !


Lire aussi

Boum ! Simon Lorenzi enchaîne « Burden of Dreams » 9A !

Publié le : 31 janvier 2024 par Nicolas Mattuzzi

# Actualités PGInterviewsInterviews et portraits

simon lorenzi