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Interview : Anouck Jaubert revient sur les Jeux Olympiques, dernière compétition de sa carrière !

© Jon Glassberg/Louder Than 11

Anouck Jaubert était l’une des quatre françaises à prendre part à l’aventure olympique à Tokyo le mois dernier. Au terme d’une belle compétition, elle terminait 6ème des premiers Jeux Olympiques de l’Histoire de l’escalade. Mais à l’issue de cette compétition, la grimpeuse de 27 ans a décidé que les J.O étaient la dernière compétition de sa carrière. Anouck tire ainsi un trait sur sa vie de compétitrice pour se consacrer à la fin de ses études et découvrir la vie sous une autre facette.

Après plus de dix ans de compétition à haut niveau et de nombreuses victoires en Coupe du Monde, Anouck Jaubert a marqué le monde de la vitesse.

La stéphanoise a accepté de revenir en détails sur la dernière compétition de sa carrière et de nous parler de la suite de sa vie.


Salut Anouck, comment te sens-tu après ces Jeux Olympiques ?

Super bien, je suis en vacances depuis mon retour et j’en profite pour passer de bons moments avec mes proches !

Comment était l’ambiance sur place à Tokyo ?

L’ambiance était globalement très bonne. Nous avons passé une super semaine d’entraînement à Kurayoshi avant de rejoindre le village olympique. Chacun a ses propres besoins et sa propre manière de gérer les jours qui précèdent une compétition importante. On était parfois en décalé mais tout était mis en place pour qu’on puisse choisir le rythme qui nous convenait le mieux.

Sur la compétition, on se connaît tous des Coupes du Monde, donc c’est forcément sympa. Mais sur le format de compétition combiné tout va très vite alors on n’a pas vraiment le temps de papoter ! Chacun est un peu dans sa concentration…

© Jon Glassberg/Louder Than 11

Avant d’arriver à Tokyo, ton aventure olympique a été mouvementée : tu apprenais ta qualification en plein confinement, grâce à l’attribution de la place de la commission tripartite, puis tu étais contrainte de te faire opérer suite à une blessure à la cheville, quasiment un an jour pour jour avant les J.O. Te rends-tu compte de ce parcours incroyable que tu as vécu avant d’arriver à Tokyo ?

C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de rebondissements dans cette aventure olympique. J’ai eu la chance d’être très bien entourée avec la petite équipe que j’avais formée autour de moi (Mike Fuselier, Thibault Leroux Mallouf et Simon Giraud). C’est ensemble que nous avons pris toutes les décisions (stratégie d’entraînement, opération, rééducation, choix des compétitions…) et mes performances sur ces Jeux montrent qu’elles ont été bonnes. Je n’ai jamais cessé d’y croire (pour ma sélection dans un premier temps, puis pour ma rééducation) et ça a payé !

Lors du premier jour, après avoir assuré la deuxième place en vitesse, c’est notamment en enchaînant le bloc 1 des qualifications que tu empochais ton ticket pour les finales olympiques. Qu’as-tu ressenti en apprenant la nouvelle ?

J’ai fondu en larmes en voyant que j’étais officiellement 8ème et donc en finale. Car ma 2ème place en vitesse réduisait sacrément la probabilité que je sois en finale. Mais j’ai su faire mentir les statistiques en allant chercher deux belles places en bloc et en difficulté. Je suis ravie que les trois disciplines soient entrées en compte pour mon passage en finale. Là encore, un exemple qui valide les choix stratégiques à l’entraînement !

Comment as-tu géré la journée de repos entre les qualifications et la finale ?

Le retour après la soirée de qualification a été tardif. Et avec les messages et l’excitation, la nuit a été plutôt courte… L’objectif principal de cette journée était bien sûr de récupérer ! Car oui les qualifications avaient laissé des traces (notamment mes combats en bloc et diff). J’ai passé un moment en soin avec Pascal (le kiné) pour me détendre ; j’ai utilisé les bains froids pour améliorer la récupération cutanée ; je me suis reposée… J’ai planifié ma journée de finale avec tous les détails comme j’aime le faire. Je me suis ressourcée avec mes proches. Il y avait la finale des hommes avec Micka en fin de journée ; j’ai fait le choix de la regarder depuis le village (à la TV) pour garder un maximum d’énergie… Frustrant mais nécessaire pour ma propre compétition.

Tu t’étais préparée pendant de longs mois pour arriver dans la forme de ta vie physiquement et mentalement, afin d’être prête le jour J de la compétition. Penses-tu que c’était le cas ?

Je bats deux fois (presque trois…) mon record personnel en vitesse et je bats quelques-unes des meilleures mondiales dans leur discipline de prédilection. Donc on peut dire que oui ! Que ce soit sur le plan physique, technique, tactique ou mental, j’étais au maximum que je pouvais atteindre pour ces J.O.

© IFSC

En finale de la vitesse, tu faisais face à Aleksandra Miroslaw, qui semblait particulièrement en forme. Or, une première place en vitesse pouvait tout changer pour toi. Qu’as-tu pensé quelques secondes avant de te lancer dans ce duel ?

Je pensais simplement à voler sur le mur, à tout lâcher pour aller toucher ce buzzer le plus vite possible !

Peux-tu nous faire revivre avec tes mots ton impressionnant run de finale face à la polonaise ?

Difficile justement de décrire le run car en étant à fond je n’ai pas le temps de savoir ce qui se passe ! Je sentais que j’allais vite et j’avais pour seule intention d’accélérer ! Je savais évidemment qu’on était côte à côte… Sur le dernier mouvement, il fallait vite lâcher la main gauche pour aller au buzzer et je n’ai malheureusement pas eu le temps de saisir la prise correctement pour déclencher le mouvement…

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À la sortie du bloc 1 des finales, tu étais en deuxième position de cette épreuve, devant des grimpeuses de renom comme Akiyo Noguchi ou Miho Nonaka, spécialistes de cette discipline. À ce moment-là, à quoi penses-tu ?

Incroyable !!!! Je crois que c’était un des meilleurs moments de ces J.O ! Je n’en revenais pas de voir les filles revenir derrière le mur en ayant fait moins bien que moi (on avait un écran avec le classement qui s’actualisait au fur et à mesure). Jessica « yes cool », Miho « waouh », Chaehyun « oh la la c’est fou », Akiyo « mais noooon », Brooke « incroyable », et … non pas Janja faut pas abuser quand même !!! Ha ha

Évidemment j’étais à fond et je me préparais à aller casser les blocs 2 et 3 !! Bon, on connaît la suite de l’histoire maintenant et le classement a repris un ordre plus « attendu »… Mais je suis super fière d’avoir devancé ces filles sur un bloc ; tout le monde ne peut pas s’en vanter 😉

As-tu une anecdote à nous raconter sur ces J.O ?

Étant en permanence avec du monde pendant 15 jours, j’étais super frustrée de ne pas pouvoir chanter et danser sur les musiques que j’aime… Le matin des qualifications j’ai enfin pu profiter de l’absence de mes colocs de l’appart pour me faire une petite chorégraphie improvisée ; ça m’a fait un bien fou !

Quel est ton plus beau souvenir de cette compétition ?

Je garderai simplement en mémoire le plaisir que j’ai pris à chaque instant sur cette compétition !

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Si tu devais tirer un bilan de tes Jeux Olympiques, que retiendrais-tu ?

Un record personnel en vitesse, un top incroyable en bloc, un repos en grand écart en diff, des gros combats, bref le fait de me surpasser dans tous les domaines ! Mais aussi tout le chemin qui m’a menée à cette compétition, le travail, les émotions décuplées, les sourires, les larmes et le soutien incroyable venant de France !

Ressort-on grandi en tant que sportif en repartant des Jeux Olympiques ?

Bien sûr, ça a été une aventure incroyable. C’est la compétition que j’avais la plus préparée de toute ma vie. J’ai aussi constaté tout l’engouement que cet événement a créé autour de moi. On sentait que c’était une compétition « différente ». J’ai beaucoup travaillé, beaucoup appris pendant ma préparation et ça m’a permis de m’exprimer au mieux le jour J. C’est très satisfaisant de voir ses efforts récompensés !

À Paris en 2024, la vitesse sera une discipline olympique à part entière, or, on a lu que les J.O de Tokyo pourraient être la dernière compétition de ta carrière. Peux-tu nous en dire plus sur ta façon d’envisager l’avenir ?

Eh oui, pour le plaisir de tous, l’escalade de vitesse aura sa propre médaille et ça promet une magnifique compétition !! Je ne me lance pas sur ce projet mais je suivrai ça de près et si mon expérience peut apporter aux futurs olympiens, je la partagerai avec plaisir. Après 10 ans de sport de haut niveau je vais me tourner vers toutes les autres belles choses de la vie qui m’attendent : découvrir de nouvelles activités, avancer dans mes projets avec ma chérie, finir mes études…

© Jon Glassberg/Louder Than 11

Ces Jeux Olympiques ont propulsé l’escalade sur le devant de la scène médiatique et beaucoup de téléspectateurs ont été notamment impressionnés par l’épreuve de vitesse. En tant que spécialiste de cette discipline, qu’en penses-tu ?

Ce n’est pas étonnant ; notre discipline est palpitante puisqu’il peut y avoir de nombreux rebondissements dans un temps très court ! Le principe des duels se comprend très facilement et la dimension « verticale » impressionne. Il y a parfois aussi l’aspect esthétique qui ressort : avec la fluidité de mouvement, certains parlent même de chorégraphie…

As-tu un dernier mot à passer ?

Je vais profiter de l’occasion pour remercier tous ceux qui ont apporté leur pierre à l’édifice !

Je commence par le trio d’enfer qui m’a accompagné dans cette aventure olympique : Mike (Fuselier), Simon (Giraud) et Thibault (Leroux Mallouf) ; ils m’ont poussée à dépasser mes limites avec rigueur, détermination, joie et bienveillance ; c’était du pur bonheur de travailler avec eux ! MERCI

Merci au staff présent à Tokyo : Cécile (Avezou), Sylvain (Chapelle), Laurent (Lagarrigue), Pascal (François) ; ils ont tout fait pour répondre à mes besoins et me permettre de m’exprimer au mieux !

Merci à ceux qui ont organisé notre séjour à Kurayoshi : Farid, Satoshi, Keiko, Fumiko… ; nous avons été accueillis comme des rois, dans les meilleures conditions pour s’entraîner et avec un soutien sans faille !

Merci à la FFME qui a cru en moi et m’a soutenue pendant de nombreuses années.

Merci à tous les copains pour le soutien et merci spécial à Victoire (Andrier) qui a largement participé à égayer mon séjour japonais avec tous nos échanges !

Merci à mon club, Escapilade, qui m’a fait découvrir l’escalade puis qui m’a suivie et soutenue dans tous mes projets.

Petit clin d’œil au club Albanais Vertical qui m’a permis d’accéder au mur pour de nombreux entraînements ; merci pour l’accueil chaleureux.

Merci à la ville de Saint-Etienne, au comité départemental et au département de la Loire ainsi qu’à la région Rhône-Alpes pour l’aide qu’ils m’ont apportée durant toutes ces années !

Merci à ma famille qui m’a laissé vivre mes aventures et toujours encouragée !

Merci à Climb up pour leur soutien cette année.

Merci à la Caisse d’Epargne Loire Drôme Ardèche ; leur accompagnement ces deux dernières années a fait la différence.

Merci à tous les entraîneurs du pôle France, aux entraîneurs nationaux et à tous ceux qui ont pu me glisser un conseil à un moment ou à un autre ! Je me suis nourrie de chaque petit élément pour grandir.

Merci à TSF (Tremplin Sport Formation) pour les superbes infrastructures et le dynamisme sur le site d’entraînement à Voiron !

Merci aux collègues d’entraînement pour tous les bons moments passés ensemble et pour toutes les galères surmontées !

Merci à l’école de kinésithérapie de Grenoble qui m’a permis d’aménager au mieux mon double projet ; merci en particulier à ma tutrice Sophie Barth qui a toujours trouvé les solutions pour moi.

Merci à ma chérie, Marion, qui a vécu cette aventure (et toutes les contraintes que cela implique) avec moi et a été un vrai pilier.

Enfin merci à tous ceux qui m’ont encouragée, soutenue et qui ont vibré avec moi pendant ces JO et pendant ces 10 ans de compétition. Ça fait chaud au cœur !

Publié le : 08 septembre 2021 par Nicolas Mattuzzi

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