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Hugo Parmentier: « Le sport de haut niveau n’est pas une pratique très respectueuse de l’environnement »

© Planetgrimpe

Voilà quelques temps que nous souhaitions aller à la rencontre d’Hugo Parmentier, pour parler d’escalade bien sûr, mais également d’un autre sujet qui lui tient à coeur (et nous aussi!), l’écologie, et le rôle que nous avons tous à jouer dans cette quête éco-responsable. 


Salut Hugo ! Pour commencer, comment vas-tu en ce moment ?

Écoute j’ai plutôt la forme (à part une douleur à une poulie depuis deux semaines). Mes cours de kiné sont à peu près fin pour l’année, j’ai donc plus de temps pour grimper et m’entraîner pour les prochaines échéances. Ça fait du bien d’avoir l’esprit libéré. C’est ressourçant de se consacrer qu’à une seule chose.

Tu peux nous faire un retour sur cette première partie d’année 2021 ?

Des centaines de mètres de grimpe avalés, quelques allers-retours en train à Grenoble parfois à la journée, 3 trips à Seynes, pas mal de 8A+/B essayés à Bleau, beaucoup de fatigue accumulée entre février et avril, des pages et des pages de cours englouties et des changements de mes habitudes au quotidien qui s’inscrivent dans la continuité de ma démarche environnementale.

Quels sont tes projets / objectifs sur ces prochains mois en exté et en compétition ?

Les coupes du monde de Chamonix et Briançon étaient mes principaux objectifs du début d’été. J’ai la sensation d’être capable de mieux m’exprimer cette année. Physiquement je pense avoir progressé, par contre il faut que je trouve le bon état d’esprit pour optimiser et aller au bout de mes capacités le jour J.

Après je vais retourner au Grand Capucin en espérant avoir plus de chance au niveau de la météo, la « Voie Petit » nous attend avec mon pote Martin.

Et la « Rage d’Adam » est l’objectif pour la fin de l’été.

Depuis quelque temps, on te voit énormément sur le rocher, et un peu moins en résine, je me trompe ?

C’est vrai dans le sens où je participe à beaucoup moins de compétition par rapport à mes années jeune. Mais la réalité c’est que depuis mon passage en senior j’ai beaucoup de mal à me qualifier en équipe de France. Je n’ai encore jamais fait de coupe du monde de bloc et aucune en diff à part Chamonix et Briançon… si tu me demandes pourquoi, je te dirais que le niveau est beaucoup plus élevé et les places plus chères. Aussi, mes motivations ont un peu changé et mon cœur est tiraillé entre l’outdoor et l’indoor. Mon entraînement n’est pas exclusivement dédié aux compétitions et en grandissant j’ai perdu le cadre qu’offrait mes séances au club, avec un groupe motivé et des sessions dictées par la main de fer du coach. Je te dirais aussi que c’est une période où je me cherche encore, je n’ai pas trouvé un équilibre parfait indispensable pour avoir un état d’esprit serein et enclencher le cercle vertueux de la réussite.

En suivant un peu tes réseaux et notamment ton compte insta, on se rend compte que tu partages régulièrement des storys liées à l’écoresponsabilité. En quoi ce sujet te tient-il à cœur ?

A l’adolescence, j’ai été bien bousculé en prenant conscience que l’homme avait un impact énorme sur son environnement et qu’il détruisait son habitat sans vraiment comprendre la gravité et les conséquences que cela pouvait avoir. Aujourd’hui, je comprends que l’homme a du mal à réaliser la réalité du dérèglement climatique.

Malheureusement les dirigeants politiques ne prennent pas les mesures qu’il faut pour inverser la tendance ou en tout cas pas assez rapidement pour éviter le drame climatique.

En partageant des informations sur le climat/ la biodiversité, etc. j’espère sensibiliser autour de moi sur l’urgence climatique. Ça me fait du bien car j’ai l’impression de participer au changement. C’est un sujet qui m’anime, je trouve ça sympa d’apprendre de nouvelles manières de faire, j’aime m’intéresser aux enjeux de notre époque. C’est une passion.

 D’ailleurs tout le monde a son rôle à jouer, chacun pourrait partager les bonnes initiatives ou les bonnes idées qu’il rencontre. En s’y mettant tous on limitera la casse!

Les sportifs dans le monde d’aujourd’hui et de demain n’ont plus le même rôle à jouer qu’avant. Leurs projets et leurs performances doivent s’adapter aux nouvelles normes. Je pense qu’il est important qu’ils prennent en compte l’impact de leur projet et que la société valorise les performances à faible impact.

Bleau, l’un des QG d’Hugo Parmentier.

Comment être un grimpeur de haut niveau, sans en oublier d’être un citoyen écoresponsable ? Au-delà des storys que tu partages à ta communauté, comment agis-tu au quotidien pour apporter ta pierre à l’édifice ? As-tu des petits tips à nous partager ?

Le sport de haut niveau n’est pas une pratique très respectueuse de l’environnement : déplacements très réguliers pour s’entraîner, utilisations d’outils ou d’infrastructures à l’impact élevé, compétitions …

Par exemple, les JO ou la Coupe du monde de foot sont des évènements ultra polluants : de la construction des infrastructures, aux goodies distribués en passant par le déplacement des quatres coins du monde des athlètes, de l’organisation et du public.

En terme d’alimentation par contre les deux vont de paire, il faut apporter à son corps des produits de qualité, des fruits/légumes bio et de saison pour les nutriments, peu/pas d’aliments transformés car on connaît leurs faibles valeurs nutritionnels et les risques sur la santé qu’ils induisent.

Aujourd’hui de plus en plus de grand sportifs (Novak Djokovic, Killian Jornet, Venus Williams….) se sont tournés vers une alimentation végétale, ils disent se sentir mieux dans leur corps, avoir réduit leur nombre de blessure…

Le film Netflix “The Game Changers”, bien qu’un peu subversif, a beaucoup fait parlé de lui en éclairant sur les bienfaits de l’alimentation végétale sur les performances sportives.

L’alimentation est une des principales causes des émissions de gaz à effet de serre. Ce secteur à un gros impact sur l’environnement (déforestation, appauvrissement des sols etc.). 2 petites informations à retenir, au Brésil :

  • La déforestation a pour principal but de cultiver du soja à destination des animaux d’élevages (bovins, poulets, cochons, etc.) et pour cela un terrain de foot est abattu toutes les 7 secondes ! (Source : all4trees : https://all4trees.org/dossiers/deforestation/causes/agriculture-commerciale/soja/)

  • Un hectare de terre peut nourrir 50 végétariens pour 2 carnivores. (Source : Marc Dufumier, agronome)

Finalement manger plus de légumes ça a de l’impact sur la santé et sur l’environnement : c’est tout bénéf.

Je choisis donc d’acheter quasi exclusivement des légumes et des fruits (au mieux locaux et bio) et des céréales/graines/légumineuses (riz, lentilles, quinoa, pois chiche, amande, noix, fruits secs en vrac) qui contiennent pour certaines beaucoup de protéines! Concernant la viande, j’en mange et en achète assez peu. Je valorise la qualité à la quantité, je boycotte le jambon/lardon en barquette.

Le sujet de l’alimentation amène aussi un autre sujet qui me tient énormément à cœur : les emballages et les déchets plastiques. Je me bats contre les emballages et les déchets : Acheter tous les midis une salade dans une boîte en plastique (que je jetterai dans l’heure) ? Ou remplir mon tupperware de mon plat de la veille? Mon choix est vite fait : je mange mieux, j’économise de l’argent et je pollue beaucoup moins.

De manière générale je ne suis pas un gros consommateur !  Tendre vers la décroissance est sûrement le meilleur moyen pour réduire son impact.

Quelques tips : 

  • limiter l’achat de produits neufs, aller vers des achats de produits d’occasion.

  • Privilégier les boîtes en verre et les emballages carton aux emballages plastiques. (seulement 9% du plastique qui a été produit a été recyclé)

  • Quand je pars en voyage (train/ voiture/ balade) je remplis systématiquement ma gourde d’eau, ça me permet d’économiser 2 euros et un déchet inutile (bouteille d’eau dans une station service par exemple).

  • Faire sa lessive maison est un jeu d’enfants et permet d’économiser des emballages de produits ménagé (et de l’argent!). Il y a d’autres produits que l’on peut faire soit même.

  • J’ai des couverts dans mon sac de grimpe ça m’évite de prendre des couverts à usage unique si je mange à emporter.

  • Faire un composte pour booster ses plantations.

  • Pour les déplacements ce n’est pas facile. À Paris on a la chance d’avoir des transports en communs du coup je les privilégie à la voiture. Ps: Le combo trottinette + transports est super pratique pour moi ! Mais il y a aussi le vélo ! En ville c’est le moyen de transport le plus rapide aux heures de pointe (en plus on fait du sport).

  • Avoir des sacs/ sacs en toile pour faire les courses. Pour les fruits/légumes ou n’importe quel achat ça évite les sacs plastiques. Pour plus d’infos, il y a aussi ce documentaire arté : https://www.arte.tv/fr/videos/077392-000-A/plastic-partout/

Comme tu le disais, les voyages font souvent partie intégrante du grimpeur pro, que ce soit pour se rendre sur les compétitions à l’autre bout du monde ou sur la falaise à la mode à 2000 km de chez soi, n’est-ce pas un frein pour toi quand on connaît l’impact de ces déplacements ?

C’est une sacrée question. Aujourd’hui je me limite dans mes voyages, surtout en avion. C’est sûr qu’aller en Grèce grimper pour une semaine ou découvrir 10 jours la Norvège est alléchant mais en limitant mes trajets j’ai pu explorer les perles que regorge la France, il y en a pour plusieurs vie avant d’avoir testé les meilleurs spots Français, et enchaîné toutes les voies majeures. On a vraiment de la chance! En plus avec nos pays limitrophes comme la Suisse et l’Italie on n’ est pas en reste.

Ces 2 dernières années je suis resté en France pour grimper. L’été dernier, j’ai réduit drastiquement les allers-retours entre les spots de grimpe, mais ça n’a pas vraiment été bénéfique pour mes performances. Cette année je vais essayer de trouver un équilibre entre l’utilisation de la voiture et une préparation efficace pour mes projets. Habitant à Paris, je privilégie les trips train – rejoindre les copains dans le sud – finir en voiture.

Je ne m’interdis pas de prendre l’avion mais je préfère attendre le bon moment pour découvrir Rockland ou retourner au Yosemite. Pour la Grèce ou la Norvège j’aimerai y rester longtemps et rentabiliser le billet, voir y aller en voiture pour un gros road trip.

Si tu vois un grimpeur au pied d’une falaise jeter son strap par terre, il se passe quoi dans la tête d’Hugo Parmentier ?

Ça n’arrive pas souvent, heureusement, parce que franchement je pète un câble…

Non je rigole, plutôt je vais aller voir la personne et lui dire que c’est pas très sympa et qu’on aimerait tous profiter de la nature et d’un lieu propre. Voir juste aller ramasser son strap devant lui. Perso j’aurai un peu honte si quelqu’un me faisait ça…

En falaise, je fais des tours pour ramasser les déchets, j’ai une poche à déchets dans mon sac de grimpe ou dans la poche arrière de mon pantalon. C’est quand même mieux qu’une voiture propre…. une falaise propre. Respecter notre terrain de jeux et les autres usagers est important pour pérenniser l’escalade en extérieur. Je pense que c’est aussi une bonne base pour vivre en société.

On pourrait penser que les grimpeurs ont une vision assez écoresponsable, leur terrain de jeu se trouvant en espace naturel. Quel est ton avis là-dessus ?

Je pense qu’il y a une grosse variété de profils et qu’on a tous beaucoup de contradictions. A la fois, le grimpeur a un mode de vie simple, pas trop dépensier, passe ses journées en falaise/salle, à se fighter ou chiller sur le caillou, mais il peut en même temps prendre l’avion 3 fois dans l’année, faire des allers-retours continus pour aller essayer son projet le week end et se gaver de voie sans forcément participer au renouvellement et entretien des sites, ou penser à l’impact environnementale qu’il peut avoir.

Je me sens visé en écrivant ces lignes, je suis le premier à ne pas vraiment m’impliquer pour la communauté. Je me considère égoïste et participe à “l’égoïsme du grimpeur”, sous toutes ses formes. Aujourd’hui, j’essaye de m’améliorer en me renseignant et en faisant ce que je peux pour être en accord avec mes valeurs.

L’explosion du nombre de pratiquant est une chance pour l’économie de l’escalade mais cela va aussi augmenter la fréquentation dans des sites naturels fragiles.

La connaissance et la conscience de notre impact sur le milieu naturel sont plus que jamais importantes pour que tout le monde puisse continuer à grimper sur des sites autorisés, des sites et des voies propres, tout ça dans la bonne humeur.

Un dernier mot à ajouter ?

J’espère ne pas avoir un discours de donneur de leçon car je suis loin d’être le mieux placé pour parler. J’aimerai juste profiter de ma passion sur ces questions pour informer autour de moi et essayer de changer à mon échelle les comportements.

Le dérèglement climatique est une réalité prouvée. Ses conséquences bien que souvent marginalisées par des +X °C ne sont pas forcément palpables au quotidien mais la réalité est que l’espèce humaine aura beaucoup de mal à subsister tel qu’on la connaît sur une planète dont les terres arables auront diminué de moitié et où les températures estivales frôleront régulièrement les 50°C. Et ça, dès 2025-30. (Les condis seront pourries en plus)

Nous avons chacun notre rôle à jouer, faisons de notre mieux !

Pour m’informer, je suis sur instagram des personnalités/ associations/ collectifs qui donnent des infos aux données vérifiées et simplifiées :

  • Onestpret (info)

  • Datagora (info décrypté)

  • Grainedepossible (jeune activiste qui partage des actualités et des actions de mobilisation pour le climat)

  • Girlgogreen (info et tips écologique)

  • Greenspit et Rockclimbers (association qui vivent des dons/adhésions pour entretenir et rééquiper les falaises)

  • Actforsummits (association de grimpeur/alpiniste engagé pour le climat).

Publié le : 19 juillet 2021 par Charles Loury

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