Fermeture de Vertical’Art Lyon: les dirigeants de l’enseigne répondent à nos questions

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La semaine dernière, nous vous annoncions la fermeture brutale de Vertical’Art Lyon, et nous évoquions alors les difficultés économiques que peuvent rencontrer les salles d’escalade aujourd’hui, avec des charges de plus en plus lourdes. Suite à cette annonce, c’est tout naturellement que nous avons contacté le siège de Vertical’Art à Paris. Lawrence Chapelier, Président associé du groupe Vertical’Art, s’est volontiers prêté au jeu des questions/réponses pour nous expliquer plus en détails les raisons de cette fermeture.
Interview.
La semaine dernière, vous avez annoncé la fermeture de la salle Vertical’Art Lyon, j’imagine que c’est un choix difficile. Comment s’est prise cette décision au siège ?
La décision de se séparer de Lyon ne date pas d’hier. En réalité, nous y pensons depuis que nous avons vendu et fermé nos deux salles Parisiennes en 2024. Lyon faisait partie des trois salles qui n’atteignaient pas leur point d’équilibre et perdait encore de l’argent. Nous étions en discussion depuis l’été dernier avec Climb’Up pour une reprise qui devait s’effectuer fin 2024. Cette échéance a été repoussée à l’été 2025 par le repreneur. Depuis la direction a changé, nous n’avons que peu d’informations là-dessus, mais la reprise est tombée à l’eau. Nous soutenons Lyon depuis son ouverture est pensions la mettre à l’équilibre cette année. Le contexte actuel impacte fortement les loisirs sportifs marchands et la restauration, et notre premier trimestre n’est pas à la hauteur de nos attentes.
Peux-tu revenir un peu en détails sur les 6 années de VA Lyon économiquement parlant ?
Vertical’Art Lyon était sans doute l’une des plus belles salles de ce secteur. Quand nous nous sommes installés nous avons parié sur le développement de la zone de Saint Priest et des différents programmes qui y étaient prévus notamment le développement de 22000 m2 de bureaux supplémentaires et l’arrivée du tramway prévue initialement en 2019 qui allait connecter Lyon à la zone de Saint Priest. Ces deux projets, qui étaient assez déterminants pour nous, n’ont pas eu lieu, rendant la zone moins attractive que nous le souhaitions. Lyon a malgré tout bien progressé au fil des années. Jessica notre directrice a effectué un travail remarquable et a permis à notre salle de dépasser le million de CA en 2024 mais cela ne suffisait pas. Nous pensions atteindre le point d’équilibre en 2025 mais la conjoncture actuelle repoussait cet objectif d’au moins un ou deux ans. En plus de cela, la salle commençait à avoir besoin d’investissements relativement lourds. Nous avons donc décidé de stopper l’activité.
Penses-tu que l’emplacement de la salle était problématique et que désormais, dans les grandes villes, il est important d’être situé en hyper centre ? Est-ce différent dans les villes moyennes ?
Comme expliqué précédemment je ne pense pas qu’elle était mal située mais nous avons fait l’erreur de parier sur l’avenir. L’hyper centre peut être un bon choix d’implantation dans certaines villes et une grosse erreur dans d’autres. Tout dépend de la façon dont les habitants se déplacent, l’importance des transports en commun, la présence d’un métro ou tramway, le besoin de parking plus ou moins fort en fonction des sites… A Lyon nous avions besoin du tramway mais il n’est pas arrivé. Dans les villes moyennes dépourvues de transports en commun et pour répondre à ta question, il est souvent préférable d’être en périphérie et de bénéficier de grands parkings par exemple bien que ce ne soit pas une vérité absolue.
Cette fermeture a été assez brutale au final, était-ce un choix de prévenir les salariés au dernier moment ? Y’a-t-il eu une erreur de votre part ? Un mot que tu aimerais dire aux salariés ?
Il n’est pas facile de répondre à cette question, je pense qu’il n’y a pas de bonne façon de faire et que le résultat aurait été de toute façon le même. Avec le recul nous aurions pu les prévenir un peu plus tôt, qu’ils aient le temps de se préparer, de se dire aurevoir et quitter leur salle plus sereinement. Comme je leur ai dit lors de ma visite pour leur expliquer notre démarche, j’ai été très fier de travailler avec eux et ils ont effectué un travail exemplaire. Vertical’Art Lyon n’était pas une salle facile à exploiter, il fallait travailler dur pour acquérir de nouveaux clients, fidéliser et entretenir une salle qui avait besoin d’investissements. Certains de nos salariés étaient chez nous depuis 6/7 ans, ce n’est pas un exercice facile que de les remercier. Comme nous leur avons dit, les portes de Vertical’Art leur restent ouvertes s’ils souhaitent nous rejoindre sur d’autres sites. Je les remercie tous pour le travail effectué, leur engagement pour l’enseigne et leur souhaite le meilleur pour la suite.
Certains clients de la salle, après avoir eu une pensée pour les salariés, se sont posés la question de leurs abonnements, cours, ou encore cartes 10 entrées de la dernière offre proposée par la salle. Que leur as-tu répondu ?
Des newsletters sont parties pour chaque cas de figure et la démarche à suivre pour leur abonnement ou carte en cours. Pour tout ceux qui n’ont pas reçu le mail ils peuvent nous contacter par mail à lyon@vertical-art.fr , un collaborateur est dédié pour leur répondre et leur expliquer la suite.
Après avoir fermé 3 salles (dont une vendue à Arkose), comment le groupe envisage-t-il l’avenir ?
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, bien plus sereinement. Vertical’Art continue de se développer et ouvre des salles. Nous sommes actuellement en travaux pour une deuxième salle à Toulon et allons commencer deux chantiers à Dunkerque et Lens qui devraient ouvrir respectivement en septembre et en décembre. Certains groupes lèvent des fonds très conséquents au détriment de leurs participations. De notre côté nous levons également des fonds mais dans une moindre mesure et préférons arbitrer au travers de fermeture et de ventes afin de garder le contrôle de notre société plutôt que de soutenir inlassablement certaines structures. C’est un objectif que nous avons toujours eu. Lyon était la dernière salle du groupe à ne pas être rentable. Nous rénovons actuellement les deux plus anciennes Vertical’Art Saint Quentin en Yvelines et Vertical’Art Nantes. Notre parc, une fois ces travaux réalisés, sera comme neuf et poursuivra son expansion.
Penses-tu que le développement des salles a été trop rapide et qu’aujourd’hui plusieurs structures vont en payer le prix ? Un mot sur le marché des salles d’escalade aujourd’hui ? Penses-tu qu’il faut continuer à ouvrir des salles partout ?
Oui absolument, sur certains secteurs en tous cas. Je pense que dans certaines villes notamment à Paris le développement des salles a été trop rapide et l’offre dépasse la demande. Je vois beaucoup d’indépendants se lancer dans l’aventure en installant des salles mal placées, avec peu de budget, des loyers trop chers et parfois en concurrence direct avec de grands groupes comme le nôtre. Certaines villes passent de 0 salles à 4/5/ ou 6 en l’espace de deux-trois ans. C’est beaucoup trop. Le marché de l’escalade est grandissant mais il ne faut pas aller plus vite que la musique ou imaginer qu’il suffit d’ouvrir un entrepôt avec quelques blocs pour faire fortune. Des groupes comme le notre peuvent se permettre de fermer quelques sites si nécessaire, cela ne remet pas en cause la solidité de l’ensemble, en revanche, un indépendant qui se plante n’aura pas d’autre chance et risque d’y laisser des plumes.
Il y a donc encore de la place et des façons intelligentes de se développer. Nous lançons par exemple les Corner VA qui seront installés dans des structures déjà existantes multi activités avec du paddle, du badminton, etc… Il faut que les entrepreneur(e)s qui se lancent et les groupes qui continuent de se développer choisissent leur implantation intelligemment et prennent en considération l’existant quitte à déplacer le projet. J’entends par exemple qu’une nouvelle salle ouvre en plein cœur de Lyon où il y a déjà 11 salles, quand d’autres zones en sont totalement dépourvues…
Aujourd’hui, avec le recul, quelles erreurs éviterais-tu pour VA Lyon, et sur quels points ne doit-on pas transiger pour que les prochaines ouvertures de salle soient pérennes ?
Lyon est notre troisième structure, nous développions seul et comme expliqué plus tôt nous avons parié sur l’arrivée du tramway, c’est sans doute notre erreur. Pour qu’une salle soit pérenne il faut bien évaluer le besoin local, les salles existantes et le vrai potentiel de la zone cible. J’ai parfois des franchisés qui voient des salles bien fonctionner sur un secteur et en déduisent qu’il y a la place pour une seconde ou troisième salle. Parfois c’est le cas mais parfois non.
Un dernier mot à ajouter ?
Nous avons encore beaucoup de projets pour développer ce sport incroyable qu’est l’escalade. La fermeture de Lyon nous attriste mais cela fait partie des choix difficiles qu’il faut parfois faire. Nous arrivons sur d’autres secteurs qui ont besoin de structures et avons hâte de poursuivre cette aventure.