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Capucine Viglione : « Mon objectif, c’est de gagner la première médaille française des Jeux Olympiques ».

À seulement 20 ans, Capucine Viglione est en pleine ascension © Julien Crosnier / KMSP

Capucine Viglione est l’une des grimpeuses françaises les plus rapides. Ne la provoquez pas en duel, elle déteste perdre ! C’est d’ailleurs comme ça qu’elle a compris qu’elle était faite pour l’escalade de vitesse. Avec un record personnel de 7″24, elle détient aujourd’hui le deuxième chrono français, juste derrière Aurélia Sarisson.

Née à Marseille en décembre 2002, Capucine a gravi les échelons un à un. En 2016, elle participait à sa première compétition sous le maillot bleu. Un an plus tard, elle montait déjà sur son premier podium international jeune,  et deux ans après, elle était décorée de la plus belle des médailles. Comme pour beaucoup de compétiteurs, sa transition en senior ne s’est pas faite sans encombre. Mais la saison dernière, Capucine a brillé de mille feux sur la scène internationale. Elle s’est classée 7ème mondial (meilleure performance tricolore), signant cinq tops 10 consécutifs sur les premières Coupes du Monde de la saison. Elle a ensuite terminé 4ème des World Games, avant de finir en beauté par une première place sur la Coupe d’Europe organisée à Laval.

Comme nous l’explique la jeune française de 20 ans, cette compétition a marqué un tournant dans sa vie de grimpeuse. C’est comme si cette compétition avait brisé des barrières mentales qu’elle s’était mise. Si bien que lors du Championnat de France 2023, Capucine a survolé la compétition, décrochant pour la première fois le titre de Championne de France de vitesse.

Alors qu’elle vient d’atterrir à Séoul pour disputer la première Coupe du Monde de vitesse de l’année, nous nous sommes entretenus avec Capucine. Ses yeux bleus sont rivés sur un seul objectif : décrocher sa place pour les Jeux Olympiques de Paris et devenir la première grimpeuse française à être décorée d’une médaille olympique.


Salut Capucine ! Tu avais terminé la saison 2022 par une première place à Laval. Tu commences 2023 par une première place au Championnat de France de vitesse. Ça fait quoi de surfer sur une telle réussite depuis quelques mois ?

Ça fait super plaisir ! Ces deux saisons ont été séparées par une grosse pause hivernale, à base d’entraînements très intenses, et j’avoue que je ne pensais pas arriver autant en forme au Championnat de France. En fait, je pense que mentalement, j’ai débloqué quelque chose à Laval. C’était ma première victoire à l’international chez les seniors, et tu ne peux pas imaginer le bien que m’a fait cette médaille or.

Tu sens qu’il y a eu un avant et un après cette médaille ?

Oui, c’est dingue ! Durant cette compétition à Laval, ma préparatrice mentale était là. J’étais très stressée, car après les qualifications j’étais première et je n’avais pas l’habitude d’avoir cette position là. J’étais devenue « la chassée », tout le monde voulait prendre ma place. J’ai donc beaucoup parlé avec ma préparatrice mentale, on a abordé des sujets qui m’ont fait extrêmement de bien, c’est quelque chose qui m’a marqué. J’ai passé l’hiver dessus, à réfléchir à ce qu’on s’était dit.

Et c’est vrai que sur le Championnat de France cette année, je suis arrivée en étant bien mentalement, je n’avais pas de pression car je savais que j’étais déjà qualifiée pour toute la saison suite à mes résultats de l’an dernier. Le seul enjeu était le titre national, c’est vrai que je ne l’avais encore jamais eu, mais ce n’était pas mon objectif principal de la saison. Je voulais mettre en place tout ce que j’avais compris lors de la Coupe d’Europe à Laval, et tout s’est super bien passé. C’est la preuve que ça marche, j’espère que ça va continuer comme ça !

Il y a plein de choses qui avancent en ce moment dans ma tête, et je suis contente que ça se passe maintenant. J’ai eu du mal à faire la transition entre mes années jeunes et la catégorie senior. Pourtant, je participe à des Coupes du Monde depuis que je suis cadette, mais je n’avais pas la même intention, avant j’y allais plus dans le but de prendre de l’expérience, c’était plus du bonus. Maintenant, c’est différent, c’est ma vraie catégorie. En fait ma victoire à Laval m’a permis de légitimer ma place en senior.

Sa première place lors de la Coupe d’Europe de Laval semble avoir débloqué certaines barrières mentales © Jean-François Quinebêche

L’année dernière, tu as réalisé la meilleure saison de ta carrière, durant laquelle tu t’es classée 7ème mondial. Qu’est-ce que cette saison 2022 t’a appris ?

J’ai appris tellement de choses… Déjà, j’ai pu continuer à prendre de l’expérience sur chaque compétition. J’ai beaucoup grandi. Lors de la première Coupe du Monde à Séoul, je me souviens avoir été stressée comme jamais auparavant. Je suis allée voir mon entraîneur, j’avais limite envie de pleurer, je me disais : « Mais Capucine, qu’est-ce que tu fais là ?! ». Mais ensuite, assez rapidement, je me suis rendu compte à quel point j’adorais faire ça ! Cette saison m’a prouvé que j’avais envie de faire ça le plus longtemps possible.

D’un point de vue plus technique, j’ai changé certaines de mes méthodes dans la voie au cours de la saison. Après les Championnats d’Europe qui se sont très mal passés pour moi (cette compétition a été une grosse déception, la plus grosse de ma carrière), j’ai décidé de changer de méthode.

Tu étais la meilleure française du classement général mondial 2022 et tu viens maintenant de remporter le titre de Championne de France 2023. Comment vis-tu cette position de n°1 au sein de l’équipe de France ?

Je n’ai pas du tout l’impression d’être la « leader » de l’équipe de France. Comme tu le sais, en vitesse, tout peut aller très vite, dans un sens comme dans l’autre. À haut niveau, tout se joue à d’infimes détails, les retournements de situation sont donc courants. Et actuellement, je n’ai pas le meilleur chrono français [NDLR, c’est Aurélia Sarisson qui détient le meilleur chrono français].

Au sein de cette équipe, on a toutes un bon niveau. C’est très serré entre nous et ça va être très serré pour la sélection aux Jeux, on le sait.

Le 18 mars dernier, Capucine Viglione décrochait son premier titre de Championne de France senior.

Comment se prépare cette saison 2023 pour toi ? Comment te sens-tu ? As-tu changé des choses ?

Je me sens plutôt bien, car je me suis bien entraîné cet hiver, c’est sûrement ma meilleure préparation hivernale. J’ai pas mal avancé dans ma vie perso, j’ai grandi, j’ai évolué, je comprends mieux les choses, je sais où je vais.

Au mois de décembre, il y a plein de petits trucs qui n’allaient pas, j’avais quelques petits soucis. J’ai pris les choses en main et décidé de m’envoler pour la Nouvelle-Calédonie et ça m’a fait beaucoup de bien ! Le fait de partir loin, de couper de mon quotidien, de changer de paysage, m’a beaucoup apporté. Je me suis retrouvée, ça m’a fait un bien fou ! En fait c’était un réel besoin d’aller là bas, je l’ai fait comprendre à mes entraîneurs [NDLR, Sylvain Chapelle et Léo Imbert], et tout s’est bien passé. On était en contact quotidiennement, tout était super bien ficelé au niveau de l’entraînement. Je suis donc resté deux mois là bas, de janvier à mars. C’était génial de découvrir un nouvel environnement d’entraînement.

Comment s’est passé ton retour en France ?

Je suis rentrée seulement deux semaines avant le Championnat de France, ressourcée et motivée comme jamais ! Le Championnat de France était donc plein de mystères pour moi. Physiquement et au niveau des chronos, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, mais par contre moralement, je me sentais super bien !

J’ai atterri en France le 6 mars, deux jours plus tard il y avait un sélectif national. J’ai décidé d’y participer ,même si je n’avais pas vraiment besoin car j’étais déjà sélectionnée, mais ça m’a permis de voir où j’en étais. Et c’était la catastrophe ! Je n’ai pas fait un seul run en dessous de 7,74 secondes. Alors, autant te dire que je n’étais pas du tout en confiance avant le Championnat de France… Et pourtant, lors de cette compétition, la magie a opéré. Je grimpais et je me disais : « Oula, mais qu’est-ce qu’il se passe là ? ». J’avais la sensation d’être en mode pilote automatique, c’est mon corps qui contrôlait tout. Cette sensation, j’aimerais bien la retrouver cette année sur les Coupes du Monde.

Capucine a eu besoin de se ressourcer et s’est exilé en Nouvelle-Calédonie quelques semaines © IFSC

Parlons des Jeux Olympiques. Tu en rêves ?

Clairement oui ! Depuis que je sais que l’escalade est aux Jeux Olympiques, je veux y participer. S’il avait fallu que je me mette au combiné, alors je m’y serais mise. Par chance, la vitesse est maintenant une discipline olympique à part entière. C’est une réelle opportunité ! Surtout que vu le niveau en France actuellement, je pense que l’on a une réelle carte à jouer à Paris. Mon objectif c’est de gagner la première médaille française des Jeux Olympiques.

Est-ce que cette course olympique a changé l’état d’esprit au sein de l’équipe de France ?

Personnellement, j’essaye de ne pas du tout me comparer aux autres. J’essaye juste de me dire : « Que la meilleure gagne ! ». J’espère que ce sera le cas, que ce sera vraiment la meilleure d’entre nous qui ira défendre nos couleurs aux Jeux Olympiques. Si ce n’est pas moi, tant pis, je veux que ce soit la meilleure. Bien sûr, j’espère de tout coeur que ce sera moi !

Dernière question, si tu pouvais remonter dans le temps, que dirais-tu à la Capucine d’il y a quatre ans ?

De continuer à kiffer ce qu’elle fait ! Je lui dirais de profiter de tous les instants. Et surtout, de croire en elle.

Capucine a maintenant les yeux rivés sur son prochain objectif : être la première grimpeuse tricolore à décrocher une médaille olympique © IFSC

Publié le : 27 avril 2023 par Nicolas Mattuzzi

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