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Polémique sur la disqualification de Romain Desgranges et Sean McColl [Mise à jour]

Les Championnats du Monde d’Innsbruck font couler beaucoup d’encre depuis quelques jours. Le déclassement de Romain Desgranges et Sean McColl fait polémique. Pour mieux comprendre ce qu’il se passe, nous vous proposons de revenir sur ce qu’il s’est exactement passé et nous vous donnons quelques éléments d’explication (ou d’incompréhension…)

Retour au vendredi 07 septembre 2018.

C’est au tour des hommes de faire leur entrée dans la plus grosse compétition de l’année. Depuis plus d’un an, tous les athlètes s’entraînent en vue de performer sur ces Championnats du Monde. Pour 99% des grimpeurs présents ici, c’est l’Objectif de l’année, avec un grand O.

Pour Romain Desgranges, cet événement est encore plus spécial. À 35 ans, le Chamoniard nous a prouvé la saison dernière qu’il était plus fort que jamais. En 2017, il remportait le titre de Champion de France, puis quelques semaines plus tard celui de Champion d’Europe avant de rafler le classement général des Coupes du Monde, pour la première fois de sa carrière.

Seul un titre manque à son incroyable palmarès: celui de Champion du Monde. Depuis plus d’un an, Romain Desgranges a donc mis en place tout ce qu’il pouvait pour être performant aujourd’hui, atteindre la finale des Championnats du Monde d’Innsbruck et ainsi tenter d’aller cocher cette dernière croix qui manque à son palmarès.

Mais la compétition prendra un tout autre tournant pour notre français. Pourtant, en qualification, il monte très haut dans ses deux voies et sera l’un des seuls à atteindre le dernier mouvement de la voie 1. Une performance qui le classait 2ème du provisoire, juste derrière Adam Ondra, seul grimpeur ayant topé les deux voies.

Cette pancarte publicitaire n’est pas prête de sortir de la tête de Romain Desgranges | © Eddie Fowke

Mais quelques secondes après le passage de Romain Desgranges dans la voie 1, un appel est lancé. Notre français aurait pris appui avec son pied sur un encart publicitaire vissé sur le mur. Tout comme poser son pied sur un spit est interdit, les règles de la fédération internationale stipulent que ce genre d’incident doit être sanctionné. Pour ce faire, le score du grimpeur est redescendu à l’endroit où il a commis la faute.

Après visionnage de la vidéo et de longues minutes de délibérations, le verdict des juges tombe: Romain s’est servi de ce panneau publicitaire dans son ascension et son score est donc revu à la baisse. Ainsi, il passe de la 2ème place du classement général à la… 49ème, ce qui le prive de demi-finale.

Scénario identique pour le canadien Sean McColl, qui commet la même erreur que Romain. Lui aussi est déclassé et se retrouve 37ème, bien loin des 26 premiers demi-finalistes. Mais il s’avère qu’Adam Ondra aurait, semble-t-il, lui aussi posé son pied sur ce panneau publicitaire, mais n’a pas été déclassé comme Romain ou Sean. Polémique.

Une vidéo signée Udo Neumann, montrant le passage de Sean McColl, Adam Ondra et Romain Desgranges:

Qu’est ce que ce panneau publicitaire faisait vissé à cet endroit ?

Nous n’avons pas obtenu de réponse de la part des ouvreurs, qui sont pour le moment dans le rush de la compétition. Mais qui donc a bien pu visser ce panneau publicitaire, et surtout, pourquoi à cet endroit ?

Ces panneaux de plastique, épais de quelques millimètres, servent à afficher les sponsors de la compétition. Généralement fixés sur le mur par les ouvreurs une fois qu’ils ont terminé de tracer les voies, ils permettent aux marques de faire de la publicité auprès des spectateurs sur place, mais aussi auprès du public qui visionne la compétition à distance en streaming, ou bien encore sur les photos prises lors de cet événement.

Ce type d’encart publicitaire, le mur extérieur d’Innsbruck en était truffé vendredi lors des qualifications masculines. Sur les quatre voies tracées sur le mur, 17 panneaux de ce genre étaient fixés sur la structure.

Situé en fin de dévers, ce panneau noir Black Diamond était clairement le moins bien placé. S’il y avait bien un endroit où il ne fallait pas visser quelque chose, c’était là. Pour cause, juste après, le mur se redresse. C’est un passage où les compétiteurs doivent être gainés au maximum pour ne pas perdre les pieds et ainsi continuer leur progression. À cet endroit, les grimpeurs utilisent donc l’adhérence du mur avec leur pied gauche pour rester coller le plus possible à la paroi et ainsi avoir un appuie supplémentaire pour aller chercher la prise suivante.

Cette pancarte était donc vissée au plus mauvais endroit possible.

Cet italien n’a pas pris appui sur le panneau publicitaire, mais cherche à trouver de l’adhérence en posant son pied contre le mur | © Sytse van Slooten

Un soucis d’équité entre les grimpeurs?

Ce qui fait également polémique, c’est l’équité entre les grimpeurs. Dans tous sports, les compétiteurs se doivent d’être jugés de la même manière. Et l’escalade ne déroge pas à cette règle. Les juges assis aux pieds des voies lors de chaque compétition sont d’ailleurs là pour ça. Ils veillent à ce que les règles soient respectées, pour que les grimpeurs soient classés de manière équitable et ainsi que le meilleur gagne.

L’équité… C’est ce qui fait polémique depuis vendredi. Car Romain Desgranges et Sean McColl ne sont pas les seuls, semble-t-il, à avoir pris appui sur ce panneau. Adam Ondra, numéro 1 des qualifications, aurait lui aussi posé son pied au même endroit. Mais lui, n’a pas été déclassé par les juges.

Nous ne critiquons en aucun cas la performance d’Adam, qui a été impressionnant vendredi en étant le seul à s’offrir un double top. D’ailleurs, même si les juges avaient revu le score du tchèque à la baisse comme ils l’ont fait pour Romain et Sean, Adam Ondra aurait toujours fait partie de la liste des demi-finalistes suite à sa performance dans l’autre voie.

Des mois de travail réduit à néant pour Romain Desgranges à cause d’un malheureux panneau publicitaire.

Alors pourquoi ne pas avoir traité tous les grimpeurs de la même manière ? Parce qu’on ne déclasse pas Adam Ondra, le premier grimpeur de l’Histoire à avoir enchaîné un 9c ? Parce qu’au moment de le déclasser on ne savait encore pas comment il allait grimper dans sa deuxième voie et donc il pouvait potentiellement être privé de demi-finale à cause de cet incident ? Oui nous sommes volontairement dans l’excès (on l’espère tout du moins…), mais des questions se posent tout de même.

Pourquoi lui et pas Romain Desgranges ou Sean McColl ? Il y a une injustice, tout du moins si on en croit  la vidéo située plus haut dans cet article. D’autres angles de vue seraient intéressants. Quoiqu’il en soit, la grosse boulette ne vient pas d’Adam, mais bel et bien de ceux qui ont posé ce panneau pub, et de ceux qui ont validé ce positionnement de la pancarte dans l’axe de la voie.

Adam Ondra  a réagit il y a quelques minutes à ce sujet:

Bientôt le départ des demi-finales, mais je suis vraiment triste que Sean McColl et Romain Desgranges ne soient pas à mes côtés.  Il manquera 2 légendes…

C’était clairement une grosse erreur de l’ouvreur au départ, en plaçant la bannière là où il était clairement naturel de placer son pied. Difficile de dire comment les juges auraient dû réagir, mais laisser cela se produire est très triste.

Les vidéos / images de comparaison passées sur les médias sociaux ont toutes été prises du côté droit. Je n’ai aucune idée de ce qui a amené les juges à conclure que ça passait pour moi mais pas pour Sean et Romain, mais sur cette vidéo – prise à gauche – je semble utiliser le mur juste au-dessus de la bannière. Je ne pense pas que je la touche.

Un autre petit point important, dans mon cas, j’aurais fait les demi-finales de toute façon grâce à mon Top dans l’autre voie. De plus, le résultat des qualifs n’a aucune importance pour les tours suivants an cas d’égalité en raison de la séparation des grimpeurs en 2 groupes sur ce premier tour: il n’y a donc pas de retour en arrière en cas d’égalité.

Hier, Sean McColl prenait la parole en tant que Président de la Commission des Athlètes de l’IFSC, pour s’exprimer suite à cette injustice et tenter de trouver une solution:

Pour commencer, je tiens à dire que je ne veux critiquer aucun athlète dans mes propos. En tant que Représentant des Athlètes de l’IFSC, je me bats pour les droits des compétiteurs et leur droit d’être jugés et notés de manière impartiale et équivalente dans tous les domaines.
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Durant les qualifications de la difficulté aux Championnats du Monde 2018, j’ai grimpé une voie presque jusqu’au sommet, mais après un appel, on m’a attribué un score beaucoup plus bas sur la voie en raison d’un «contact» sur un panneau publicitaire vissé sur le mur. Le même appel et le même score ont été attribués au français Romain Desgranges (qui a également presque enchaîné la voie) pour la même raison. Le problème est que nous n’avons pas été jugés comme tous les autres athlètes. Adam Ondra a touché le panneau publicitaire EXACTEMENT de la même manière (discutable comme toujours) et n’a pas reçu le même traitement et score que moi ou Romain.
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Nous sommes tous d’accord pour dire que ce panneau était mal placé. Le problème majeur est la différence et l’erreur dans le jugement (même après appel) durant ce tour.
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Je ne m’en prends pas à Adam Ondra, il n’a rien fait de mal et je l’admire, le respecte et l’idolâtre. Ce qui est étrange, c’est que même si les officiels l’avaient déclassé puisque lui aussi touchait le logo, il a tellement bien grimpé dans l’autre voie de qualification qu’il aurait encore fait partie de la liste des demi-finalistes. Cela s’ajoute donc au casse-tête dans mon esprit, qui se demande pourquoi ils n’ont pas traité tous les athlètes de la même manière.
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Je m’exprime maintenant parce que je ne veux qu’AUCUN athlète de notre sport ne soit traité différemment pour AUCUNE raison. Il y a encore beaucoup de jours au programme de ce Championnat du Monde, moi-même j’ai encore deux autres disciplines à disputer, et je ne veux plus d’erreurs.
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Ce que je veux, et c’est ce pourquoi j’ai fait appel (ainsi que ma fédération nationale) auprès de l’IFSC, c’est qu’ils admettent que cette pancarte était mal placée et qu’ils retirent le score de tout athlète affecté. Cela qualifierait Romain et moi-même pour les demi-finales. Je n’appellerai pas à un nouveau calcul, ce qui expulserait deux grimpeurs des demi-finales, plutôt que +2 compétiteurs supplémentaires dans le round de demain. »

Malheureusement, la fédération internationale ne semble pas avoir entendue Sean McColl.

Le staff français a également fait tout son possible pour que Romain Desgranges fasse partie des demi-finalistes. Cécile Avezou, entraîneur de l’équipe de France déclarait:

Nous avons fait plusieurs appels mais aucun n’a abouti. C’est une grande déception pour notre leader de la discipline.

Et la performance sportive dans tout cela ?

Qu’il est difficile pour Sean McColl et Romain Desgranges d’être victime d’une telle situation. Ils s’étaient entraînés pendant des mois, si ce n’est des années, pour être performants ce week-end. Ils travaillaient dur chaque jour et avait mis en place toute une planification, une hygiène de vie, pour atteindre un pic de forme aujourd’hui, et aller se battre à la loyale pour aller décrocher le titre de Champion du Monde.

Un titre qui était censé revenir à celui qui aurait le mieux grimpé, à celui qui serait monté le plus haut, qui aurait serré cette prise que les autres n’auraient pas tenu, qui aurait gainé ce mouvement que les autres n’auraient pas réussi, qui aurait fermé le bras quand les autres se seraient fait rattraper par la gravité.

Et non pas devoir rendre les armes sans s’être battu. Tant d’efforts réduits à néant à cause d’une simple affiche publicitaire vissée au mauvaise endroit.

Le chemin vers les Jeux Olympiques est encore long quand on voit de telles aberrations gâcher et salir notre sport. Le mot « honte » est celui que nous lisons le plus suite à cette histoire. Une honte que sur une telle compétition, qui se veut être une répétition avant les J.O de 2020, l’un des grands favoris soit éliminé, à cause d’un incident comme celui-ci. Une honte.

Espérons maintenant de tout coeur que Jessica Pilz ne soit pas déclassée pour avoir pris appuie sur ce panneau publicitaire en redescendant de sa voie de finale… 😉

Jessica Pilz, sacrée Championne du Monde hier soir | © Johann Groder