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Vidéo : dans les coulisses d’un stage équipe de France avec Micka Mawem

Retour en janvier 2023. Sept mois avant les Championnats du Monde de Berne, dix des meilleurs grimpeurs français avaient rendez-vous à Colmar, en Alsace, dans la salle d’escalade désormais célèbre des Frères Mawem.

Quelques semaines auparavant, Micka, co-gérant de la salle avec son frère Bassa, avait proposé à la fédération française d’ouvrir les portes de son établissement pour accueillir un stage national chez lui.

On a quand même la chance d’avoir les trois disciplines réunies sous le même toit : le bloc, la difficulté et la vitesse. Donc pour faire des simulations de combiné, c’est parfait ! Et puis organiser un stage dans une nouvelle salle, ça permet aussi d’amener du renouveau. Certes, nos structures ne sont peut-être pas de classes internationales, mais en terme d’organisation, tout était optimisé : la gestion de la simulation s’est super bien passée, j’avais fait venir des kinés et des masseurs suédois pour notre récupération, j’avais géré toute la partie nourriture pour qu’on mange un repas équilibré et qu’on ne soit pas obligé d’aller acheter des cochonneries au supermarché (comme on fait d’habitude), etc. Ça m’importait aussi de montrer ce dont nous étions capables de faire dans notre salle !

Micka Mawem

Habitué à vivre à mille à l’heure et à jongler entre sa vie perso, ses entraînements quotidiens de haut-niveau et la gestion de son entreprise, Micka avoue qu’il était difficile d’être à la fois l’hôte et le participant de ce stage. Surtout lorsque l’on est aussi perfectionniste que lui et que l’on veut que tout soit réussi.

Accueillir ce stage, c’était beaucoup de travail ! Je participe à des stages depuis longtemps, alors je connais les attentes que l’on a en tant qu’athlète. J’ai donc essayé de faire en sorte qu’il y ait tout ce qu’il fallait pour l’équipe, les coachs, etc. C’était un réel plaisir d’accueillir ce stage national, c’est top pour notre salle et ça permet à nos clients de côtoyer les meilleurs grimpeurs français. Mais c’était aussi très compliqué de me mettre en mode « compétition » alors que j’étais chez moi ! En tant qu’organisateur, je voulais que tout se déroule bien, alors j’avais toujours un oeil qui regardait partout. Je ne peux donc pas dire que j’étais à 100% focus sur moi et ma grimpe, mais c’était quand même une expérience enrichissante et tout s’est bien déroulé d’un point de vue organisationnel !

Et puis, c’était quand même magnifique pour moi d’accueillir un stage France dans ma salle, à la maison. Ça concrétise tout le travail que j’ai fait ces dernières années, car peu de salles peuvent se vanter d’avoir accueilli un stage pour l’équipe de France. Et cerise sur le gâteau, accueillir ce stage chez moi à Colmar m’a aussi évité de bouger : pour une fois, je n’avais pas besoin de me déplacer, et ça, ça fait plaisir !

Micka Mawem

L’objectif du stage pour les dix athlètes présents était de profiter d’une vraie simulation de compétition combinée, à l’image de celle qu’ils allaientt rencontrer à Berne, quelques mois plus tard, lors des Championnats du Monde. Une équipe de quatre ouvreurs avait pris soin de leur concocter huit blocs et deux voies de difficulté de niveau international, dans lesquels les grimpeurs allaient pouvoir s’affronter.

Mon objectif était de me donner des repères. Ce qui m’intéresse lors de stages comme ceux-ci, c’est de voir le nombre de blocs que j’arrive à faire, l’endroit jusqu’où je monte dans la voie, mes sensations, et aussi de voir comment je me positionne par rapport aux autres. Au quotidien, je m’entraîne très peu avec les autres membres de l’équipe de France, alors lors de stages nationaux, je regarde qui a fait mieux que moi, et je cherche à comprendre pourquoi, afin de peaufiner mes réglages en vue des échéances internationales.

Lors de ce stage, je n’étais pas en pleine forme, car c’était une période où je m’entraînais beaucoup… En plus, quelques jours avant, j’étais malade. Physiquement j’étais très entraîné, mais techniquement, je n’étais pas au niveau, du coup ça a été compliqué pour moi de me donner à 200%. L’énergie était là, mais je n’arrivais pas à la transmettre dans ma grimpe, notamment dans ma gestuelle. Mais comme je dis toujours, on ne sera jamais à la fois au top mentalement, au top physiquement et au top techniquement ; ce qui compte, c’est d’essayer de tout donner avec ce que l’on a au moment présent. C’est ce que j’essaye toujours de faire.

Micka Mawem

Lors de ce stage, Micka Mawem n’était en effet pas au top de sa forme. Pourtant, 197 jours plus tard, alors que personne ne l’attendait, il montait sur la première marche du podium des Championnats du Monde de bloc, au terme d’une finale qui restera gravée dans les annales. La médaille d’or autour du cou, il réalisait son rêve de gosse : celui de devenir Champion du Monde.

C’est la preuve que ce qui se passe pendant les stages, ce qui se passe pendant les simulations, ce qui se passe pendant toutes les journées où on s’entraîne… Ça ne reste que de l’entraînement ! La finalité, ça reste les compétitions ! Il faut être le plus fort, il faut être à notre meilleur niveau le jour J ! Alors sur un stage comme celui-ci où je n’étais pas content de moi, je me force à me rappeler que la finalité, ça reste la compétition.

Micka Mawem

Dans la vidéo ci-dessus, réalisée, tournée et montée par Thibaud Herr, vous verrez comme vous ne l’avez encore jamais vu un stage équipe de France de l’intérieur. Dix des meilleurs grimpeurs français s’affrontent dans une simulation de compétition combinée de bloc et difficulté, commentée par les entraîneurs nationaux.


Interview des membres de l’équipe de France

Afin d’en savoir plus, nous sommes également allés à la rencontre des membres de l’équipe de France d’escalade, pour connaître leurs attentes et leurs façons de vivre des stages nationaux, qui font maintenant partie intégrante de leurs entraînements.

Pour toi, à quoi ressemble un stage équipe de France réussi ?

Mejdi Schalck : Pour moi, un stage équipe de France réussi, c’est un stage où il y a une bonne émulation entre toute l’équipe (ce qui est pratiquement tout le temps le cas) et où les situations proposées nous permettent de se rapprocher le plus de ce que l’on retrouve en compétition.

Manu Cornu : Pour moi, un stage équipe réussi, c’est un stage où je vais avoir atteint des objectifs que je me suis fixés avant le stage et/ou rentrer à la maison avec quelque chose de nouveau. Ça peut aller de simples discussions avec les autres qui vont t’ouvrir de nouvelles visions, au travail d’un mouv à plusieurs etc.

Selma Mimoune : Un stage réussi, c’est un stage où on a pu tirer profit des situations et voir dans notre routine et dans notre manière d’aborder le circuit ce qui va et ce qui ne va pas. Ça nous permet de pouvoir corriger ça avant les compétitions.

Paul Jenft : Un stage équipe de France réussi est un stage où les simulations sont les plus proches possibles de la compétition, où il y a une bonne ambiance et où on se tire la bourre entre nous.

Fanny Gibert : Un stage est réussi pour moi si je repars en ayant appris quelque chose. Ça peut être un apprentissage technique, quelque chose de mental, avoir partagé quelque chose émotionnellement avec quelqu’un de l’équipe, etc. Je dirais aussi que plus on se rapproche d’un scénario réel sur la simulation proposée, mieux c’est. Si les blocs sont dans la même intensité que ceux proposés en compétition, si on est vraiment dans une situation qui nous rappelle l’atmosphère retrouvée en compétition (le bip des chronos, l’ambiance, etc.), alors c’est réussi !

Sam Avezou : Un stage réussi c’est un stage qui colle avec les situations retrouvées en compétition. Quand les blocs et les voies proposées sont de qualité et qu’on arrive à se mettre dans le même état que lors d’une compétition, alors je dirais que le stage est réussi.

Agathe Calliet : Pour moi, un stage réussi, c’est une simulation de compétition où l’on peut essayer des blocs d’un niveau élevé et d’une qualité d’ouverture supérieure à celle qu’on rencontre habituellement. Et bien sûr, grimper avec les autres de l’équipe et utiliser l’émulation de manière positive.

Que cherches-tu à tirer d’un stage comme celui-ci ?

Mejdi : En stage, je cherche premièrement à appliquer mes routines et à me mettre dans des dispositions identiques aux compétitions. Je viens aussi en stage pour grimper avec les autres membres de l’équipe : ça me permet de prendre des repères et à la fois simplement de créer une émulation qui tire tout le monde vers le haut.

Manu : Les stages sont un super moyen de pousser le curseur et de grimper avec les autres gars de l’équipe, mais ça peut aussi être un piège. Il ne faut pas que le stage devienne une évaluation qui va tirer vers une source de sur-confiance ou de coup de mou. Personne n’est vraiment prêt pour un stage, c’est un outil d’entraînement comme un autre, et la comparaison avec les autres ne veut pas dire grand chose. Je viens pour m’investir au max, avoir un état d’esprit au plus proche de ce que je vais devoir reproduire sur les compétitions, qu’elles soient dans la continuité du stage ou dans mon objectif de saison.

Selma : D’une part, l’émulation avec les autres, car ça nous permet de grimper tous ensemble. Et surtout les conditions, qui se rapprochent beaucoup de celles retrouver en compétition. Ça nous permet de nous entraîner avant les compétitions, de nous régler avant le début de la saison.

Paul : Ça sert principalement à s’entraîner au format de compet grâce aux simulations et aussi c’est un moment où il y a une bonne émulation.

Fanny : Ce que je cherche à en tirer, ce sont des situations proches de celles retrouvées en compétition, de me challenger sur des situations que je ne peux pas reproduire toute seule à l’entraînement et de profiter de l’émulation du fait d’être avec les meilleurs grimpeurs français.

Sam : Ce que je peux tirer des stages, c’est de l’apprentissage sur la gestion des circuits, de l’apprentissage sur la stratégie et aussi techniquement, en terme de gestuel, de l’apprentissage dans les mouvements. Ça permet aussi de voir notre niveau de forme par rapport aux autres gars de l’équipe.

Agathe : Je cherche à profiter d’être avec d’autres grimpeurs forts pour apprendre d’eux. Je regarde leur manière de faire, leur manière d’aborder les blocs et je pense que c’est une vraie source de progression. Ça permet aussi d’avoir affaire à un type d’ouverture plus poussé, souvent avec des concepts. On rencontre souvent en stage des mouvements qui ne sont pas encore sortis en compétition, qui sont encore en expérimentation.

Quelle est selon toi l’importance d’avoir ton/tes coach(s) avec toi à un stage équipe de France ?

Mejdi : Les coachs ont un œil extérieur sur ce que l’on fait, ils peuvent nous faire des retours sur des choses qu’on aurait peut-être oubliées de mettre en place et des choses qui ont été positives.

Manu : J’ai la chance d’avoir le coach avec moi sur quasiment l’intégralité de ma préparation. Sur les stages, c’est bien pour des retours techniques en direct mais c’est surtout pour lui que c’est intéressant, pour voir où j’en suis par rapport à ce qu’il imaginait et pouvoir ajuster la suite si besoin.

Selma : Si mon coach est présent lors d’un stage national, ça lui permet de voir comment je me comporte et comment je réagis face au circuit, ça nous donne ensuite des pistes de travail.

Paul : ⁠Le fait qu’il y ait les coachs France avec moi et pas mes coachs me permet d’avoir d’autres points de vue sur ma grimpe et cela apporte un vrai plus dans mon entraînement.

Fanny : Avoir mon coach sur le stage, c’est sûr que c’est un plus parce que du coup je n’ai pas besoin de lui débriefer comment ça s’est passé. Mais ce n’est pas gênant non plus de le faire sans son coach et de lui raconter à posteriori comment ça s’est déroulé.

Sam : C’est important d’avoir des coachs sur le stage, d’une part pour organiser des événements comme ça et aussi au moment de la simulation pour gérer les chronos, filmer les runs et ensuite nous faire des retours sur notre grimpe. Ça permet d’avoir des conseils d’un regard extérieur et c’est toujours bénéfique.

Agathe : C’est important d’avoir son coach avec soi en stage car il peut analyser lui-même notre façon de grimper, qui peut être différente de nos ressentis et du débriefing qu’on va lui faire à la fin du stage. Ça nous permet aussi d’avoir un retour direct sur notre circuit.

À quoi ressemble l’ambiance d’un stage équipe de France ? Pendant la simulation, en dehors de la simulation, entre les grimpeurs, entre les coachs et les grimpeurs ?

Mejdi : Pendant la simulation tout le monde est très concentré sur l’instant T, c’est une bonne chose selon moi car ça permet à tout le monde d’être focus. Entre les grimpeurs et les coachs, on est tous très proches, un peu comme une bande de potes et c’est ça qui fait la force de l’équipe selon moi.

Manu : On a la chance aujourd’hui d’avoir une équipe de France avec un superbe état d’esprit, il y a une bonne émulation, beaucoup de partage et d’entre aide alors que nous sommes quelque part en concurrence directe, et ça tire tout le monde vers le haut, les résultats de l’année passée en sont un bon exemple. Après, quand l’heure de la simulation sonne, pendant 1h il y a plus d’amitié qui tienne, c’est la guerre !

Selma : L’ambiance est plus détendue car en compétition, on est souvent plus stressés. Lors des simulations, on se met dans notre bulle, avec nos écouteurs, il n’y a pas beaucoup d’interactions, mais par contre à la fin, on échange beaucoup entre nous, on grimpe ensemble et on se tire tous vers le haut.

Paul : ⁠On s’entend tous bien parce que ça fait longtemps qu’on se connaît, c’est sympa de se retrouver et c’est vraiment motivant du coup pour grimper fort. Pendant la simul : on est tous motivés pour grimper au max de notre niveau et ça tire tout le monde vers le haut

Fanny : Pendant les simulations on essaye d’être concentrée (selon les stages c’est plus ou moins réussi). Mais après les tours c’est toujours sympa de discuter entre nous, de retourner dans les blocs tous ensemble, de se partager les méthodes, il y a vraiment de purs moments d’émulation et ça c’est hyper cool !

Sam : L’ambiance est souvent sympa ! ça dépend aussi du moment de la saison, par exemple en début d’année le groupe est assez grand, il y a beaucoup de monde. À l’inverse, en fin d’année, à l’approche des échéances importantes, le groupe est réduit, du coup on passe plus de moment ensemble. Il y a aussi un peu plus de pression et de comparaison, mais ce sont souvent les stages les plus intéressants.

Agathe : Au début du stage, on est tous un peu concentrés, dans notre bulle, car le but est de se mettre en mode compétition. Mais dès que le circuit est fini, on échange, on s’aide, on partage les méthodes, on se tire la bourre dans les blocs, etc.

Comment trouves-tu les ouvertures des blocs et voies des stages par rapport aux ouvertures des compétitions internationales types Coupes du Monde ?

Mejdi : C’est en général très similaire en terme de style, même si c’est généralement plus dur qu’en compétition (ça reste de l’entraînement ahaha). Ça a tendance à être un peu moins spectaculaire mais c’est normal, il n’y a pas d’intérêt spécifique

Manu : On a des moyens mis en place pour nous mettre dans les meilleures conditions, donc on essaye d’être au plus proche de ce qu’on va retrouver sur le circuit, après trop facile, trop dur peu importe nous on est là pour s’adapter, sur ce point là on n’a quand même pas à se plaindre.

Selma : Beaucoup d’ouvreurs français sont des ouvreurs internationaux donc ils connaissent le niveau, ils connaissent le style alors c’est un grand avantage ! Même si chaque structure, chaque compétition, chaque simulation est différente, ça nous aide quand même bien.

Paul : ⁠Sachant qu’on a de très bons ouvreurs en France, les ouvertures sont semblables à celles qu’on peut retrouver en Coupe du Monde mais comme on est moins en forme, on fait moins de blocs. Ça nous permet quand même de travailler le format.

Fanny : Ça dépend des stages, parfois il y a des ratés (l’ouverture n’est pas une science exacte !), mais globalement, on a beaucoup d’ouvreurs très bons en France ce qui nous permet d’avoir des blocs de qualités, qui se rapprochent beaucoup de ceux proposés en compétition. Alors c’est vrai qu’il nous arrive de râler un peu, car parfois les ouvreurs sont un peu trop ambitieux (c’est chouette parce qu’ils sont ambitieux pour nous) et les blocs sont parfois vraiment dur. Mais en général les blocs sont dans la bonne intensité et d’une bonne qualité.

Sam : ça dépend complètement ! Parfois c’est superbe, parfois un peu moins. Mais c’est comme en compétition, parfois les blocs marchent bien, parfois non. Mais globalement, les blocs et les voies proposées en stage sont vraiment d’une qualité et d’une intensité élevée.

Agathe : On a de la chance d’avoir un vivier de bons ouvreurs en France et c’est ce qui nous permet d’avoir cette marge technique sur le reste des grimpeurs à l’international. Et souvent lors des stages, les blocs sont fidèles à ceux que l’on rencontre en compétition !

(Re)voir l’épisode 1 consacré à l’ouverture des blocs et des voies de ce stage :

Publié le : 05 février 2024 par PlanetGrimpe vues

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