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Interview: Sebastien Gnecchi, entraîneur de l’équipe de France Handi Escalade

–   Tout d’abord peux-tu te présenter et nous dire quelle est ta fonction au sein de la fédération?

Sébastien Gnecchi, professeur d’EPS et Directeur Départemental de l’UGSEL 13. J’entraine des grimpeurs de l’Equipe de France de blocs, notamment Tito Caleyron, Clementine Kaiser, ou des anciens comme Emilie Verdier, Ludivine Harmand, Mélanie Son.

J’ai pas mal travaillé aussi avec François Moutet sur les doigts des grimpeurs avec à la clé l’ouvrage que l’on a sorti ensemble : « Escalade : Pathologies de la Main et des Doigts ».

A la FFME, j’occupe le poste d’Entraineur Nationale de l’Equipe de France Handi Escalade.

 

–   Comment as-tu préparé Bercy avec l’équipe Handisport? Sur quoi as-tu axé le travail?

La préparation de l’Equipe de France Handi Escalade pour Bercy a été courte. Nous avons beaucoup travaillé à la FFME sur les épreuves, le règlement afin de pouvoir remplir au mieux notre objectif qui était d’intégrer les épreuves handicapées aux épreuves valides. De plus, nous souhaitions vraiment décerner des titres qui ait un sens avec plusieurs grimpeurs dans chaque catégorie et de différentes nationalités, histoire que le titre de Champion du Monde qui était attribué ait une réelle signification.

Pour le travail proprement parlé, nous avons réalisé un stage de 2 jours sur le Mur de Lyon où nous avons axé notre préparation sur l’efficacité et la qualité dans des voies de qualification et de finale. Mais tout était nouveau pour eux et donc, tout est à construire.

Nous n’avons pas eu le temps de tout régler, notamment au niveau de la communication avec les grimpeurs déficients visuels. Nous avons du finir nos réglages dans la chambre d’hôtel avec Arvin, Roxane et Nicolas, la veille de la compétition…

Entre le stage et la compétition, nous avons conversé par mail entre les différents membres pour axer leur préparation ou tout simplement répondre aux angoisses des grimpeurs concernant la compétition.

 

–   Après le sacre de Nicolas Moineau à Bercy, qu’est-ce qui a changé?

Pour le moment, peu de choses ont changé. On met l’accent avec la FFME pour développer cette équipe handi. Avec Nicolas, on souhaite bien sur que plusieurs compétitions aient lieu cette saison pour tenter de remporter d’autres victoires. Il a pris gout à la compétition et à cette victoire. Cela tombe bien, moi aussi !

 

–   Avec des grimpeurs malvoyants, je suppose que le guide est aussi stressé que le grimpeur, surtout à Bercy?

Stressé… Le mot est faible… Ne pas se tromper dans les méthodes, être efficace dans les consignes en étant précis, rapide, et en tenant compte des qualités, des points faibles, de la morphologie de chaque personne que tu guides. Par exemple, en finale, quand tu lis la voie, tu ne t’imagines pas toi dans la voie mais lui (Nicolas)… La morphologie n’est pas la même.

A Bercy, la finale déficient visuel avait lieu à 20h. On savait qu’il y avait 8000 personnes et des impressions que j’avais vu sur Nicolas, je savais que l’on pouvait atteindre la plus haute marche. Toute la journée, j’ai essayé d’absorber au mieux son stress pour qu’il ne loupe pas sa finale. Mais je n’avais pas pensé que je me mettrais tant de pression moi aussi… Après la finale, il m’a fallu un long moment pour me remettre…

 

–   Quelles sont les difficultés rencontrées en tant que guide? Je suppose qu’il faut connaître le grimpeur par coeur pour être capable de lui donner les informations qui lui correspondent le mieux?

La première difficulté est le langage à adapter pour se faire comprendre précisément et rapidement. Tu ne peux pas te permettre de le faire attendre sur les prises pour qu’il comprenne ce que tu veux dire… Comme on n’a pas eu trop le temps de travailler la communication entre nous, on a fini notre préparation dans la chambre d’hôtel la veille. La méthode que l’on avait utilisée lors du sélectif ne leur convenait pas complètement et il fallait absolument trouver une autre solution… Du coup, le lendemain, j’ai du porter une grande attention à ne pas me tromper de méthode.

Et effectivement, il faut tenir compte de sa morphologie mais aussi de ses qualités et de ses points faibles. Nous avons eu peu de temps pour nous préparer et de ce fait, je ne connaissais pas parfaitement mes grimpeurs. J’étais obligé de m’adapter rapidement lors du passage dans la première voie…

En tant que guide, tu dois aussi supporter la pression, le stress, t’en servir comme un compétiteur pour être performant, adapter ton langage en fonction du vécu du grimpeur. 

 

–   Quels sont les objectifs à moyen et à long terme pour cette nouvelle équipe handisport qui va voir le jour?

Les objectifs à moyen terme est de préparer au mieux nos grimpeurs handi en leur donnant les méthodes d’entrainement leur permettant d’être plus performant. Leur préparation pour le moment n’est pas planifiée.

L’objectif est également de communiquer autour de cette équipe pour que d’autres grimpeurs handi soient motivés pour s’entrainer et ainsi, créer une émulation pour élever le niveau de tous.

Nous espérons que nous aurons des compétitions cette année au niveau international afin d’acquérir de l’expérience qui nous sera nécessaire pour faire au moins aussi bien en terme de podium lors des prochains Championnat du Monde dans deux ans.

 

–   Que manque-t-il aujourd’hui pour le développement du handisport en général, et plus particulièrement le handi escalade ?

Il nous manque en handi escalade en premier lieu des compétitions, que ce soit au niveau national qu’au niveau international. Il est compliqué de s’entrainer sérieusement pour un grimpeur qui veut faire de la compétition s’il n’y en a pas…

Ensuite, d’un point de vue plus général, le développement du handisport est à mon sens lié à la communication dans les médias. L’association que la FFME a proposé à Bercy en liant les épreuves valides aux handicapées est une bonne solution pour le développement du handisport en général. L’ambiance à Bercy était extraordinaire… 8000 personnes qui ne disent pas un mot lors du passage du grimpeurs déficients visuels et qui exultent lors de la chute… c’est impressionnant… et cela donne une vrai dimension au handisport.

 

 

 

Publié le : 21 décembre 2012 par Charles Loury

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