Interview : Max Bertone, la révélation de l’année sur le circuit senior

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À 18 ans, Max Bertone est de ceux qui incarnent l’avenir de l’escalade française. Originaire de La Réunion, ce jeune grimpeur a fait une entrée fracassante sur la scène internationale en 2024, sa toute première saison chez les seniors. Plus qu’un simple passage dans la cour des grands, cette année a été une révélation : des demi-finales systématiques sur chaque étape de Coupe du Monde, deux finales marquantes, et surtout, une capacité rare à se hisser parmi les meilleurs dans une discipline en constante évolution.
Mais derrière ces chiffres impressionnants se cache un athlète en pleine construction, un grimpeur à la recherche d’un équilibre entre polyvalence et excellence. Max, guidé par une passion insatiable pour l’escalade, a su transformer ses défis en opportunités et ses erreurs en tremplins. Son choix de se concentrer sur la difficulté la saison dernière, après une entrée mitigée en bloc, témoigne d’une maturité qui dépasse son âge. Avec une technique raffinée, un mental d’acier et un entraînement millimétré aux côtés de son père, il a su faire de cette saison une pierre angulaire pour son avenir.
Dans cette interview, Max nous ouvre les portes de son univers : ses moments de gloire, comme sa finale enflammée de Briançon, ses déceptions, comme son déclassement controversé aux Championnats de France, et ses rêves, qu’il construit patiemment entre la résine des compétitions et le grain du rocher.
Découvrez un grimpeur ambitieux, attachant et profondément inspiré, qui écrit les premières lignes d’une carrière qui s’annonce déjà grandiose !
Hello Max ! Tout d’abord revenons un peu sur ton année 2024. Tu as participé à ta première saison chez les seniors en 2024 et tu es rentré en demi-finale de toutes les Coupes du Monde auxquelles tu as participé, signant même deux finales. Quel bilan tires-tu de cette première année chez les grands ?
En fait, j’avais des objectifs en bloc et en diff l’an dernier, mais avec ma 5ème place au sélectif de Karma et ma 12ème aux Championnats de France à Valence, je n’ai réussi à me qualifier que pour des Coupes d’Europe seniors en bloc. Du coup, j’ai fait le choix de ne pas me disperser et de ne participer qu’à la saison de diff.
Mon bilan c’est que je n’avais pas encore la maturité physique pour jouer en bloc chez les seniors alors le choix de se tourner vers la diff a été judicieux car j’ai pu mieux m’exprimer sur des qualités de tenue de prise et de résistance. Au final, le travail qu’on a fait avec mon père a été efficace ; on a beaucoup appris et avancé du côté de l’entraînement. J’ai hâte de voir comment ça va évoluer cette année !

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As-tu atteint tous les objectifs que tu t’étais fixé en 2024 ?
Mes objectifs en diff étaient de faire de « bonnes demi-finales » et d’accrocher au moins un top 10 sur une Coupe du Monde. Du coup, je suis très content de ma saison, malgré deux étapes où je n’ai pas été très brillant (Chamonix et Séoul).
Les deux finales auxquelles j’ai participé ont été la cerise sur le gâteau ! Il y a eu tout d’abord Briançon, où je suis passé juste à côté du podium, mais le vrai objectif de performance atteint a été ma 6ème place à Koper. Car sur cette étape, il y avait presque tous les forts grimpeurs et j’ai réussi à mettre des runs à ma limite et sans erreurs de lecture.
Quel est ton plus beau souvenir de l’année ?
Deux souvenirs me viennent à l’esprit. Le premier (sans doute le plus beau et le plus mauvais à la fois), c’est celui des Championnats de France à Tarbes, où j’ai fait la meilleure performance de la finale… Avant d’être déclassé 7ème sur une décision difficile à comprendre (et qui a failli me coûter la sélection en équipe de France !).
Le second est celui de la finale à Briançon où je me suis retourné vers le public en début de voie et j’ai vu la foule à fond derrière moi. J’ai senti le mur vibrer sous mes mains tellement il me poussait fort ! Je n’oublierai jamais cette ambiance de ouf et cette sensation ! C’est d’autant plus fort aujourd’hui qu’on sait qu’il n’y aura malheureusement plus d’étape à Briançon…

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À l’inverse, si tu pouvais remonter le temps et modifier quelque chose cette année, que changerais-tu ?
À part cette grosse erreur de lecture en demi-finale aux Championnats d’Europe à Villars qui me sort de la finale, je n’ai pas d’autres regrets. Mais c’est aussi ce genre d’erreurs qui permettent d’apprendre et de rebondir.
Tu as récemment passé un peu de temps à Bleu, peux-tu nous parler de tes dernières performances ? Quels blocs t’ont le plus marqué récemment ?
J’y suis encore ! J’ai réalisé « La Proue d’Acléaude » 8A en trois essais et « Gecko Assis » 8B+ en trois sessions, avec la complicité de Mejdi. Nous avons partagé nos méthodes et l’avons sorti coup sur coup au troisième essai de la séance. C’était une super expérience de grimpe, tant pour la beauté de la ligne que pour le moment de partage.
En début d’année 2024 j’avais aussi réalisé « Mécanique Élémentaire », sous les encouragements de la famille Tournus. Mais je ne compte pas ce bloc là comme un 8B+ car je l’ai sorti au premier essai du bas, après le calage des mouvs à l’échauffement. Ce qui est sûr c’est que je regrette de ne pas avoir plus de temps pour grimper dehors avec la saison des compétitions…

Y a-t-il un bloc en particulier qui t’a donné du fil à retordre et que tu es particulièrement fier d’avoir enchaîné ?
Si je dois être sincère pas trop… Sur « Gecko » s’est allé assez vite, comme « Mécanique Élémentaire ». Peut-être qu’il faut que je m’attaque des projets plus durs ou moins dans mon style.
Justement, quels sont tes prochains projets sur le rocher ?
J’ai mis quelques sessions sur « La Picharête » un bloc proposé à 8C. J’ai enchaîné très vite le 8A de sortie et j’ai calé tous les mouvs. Les condis sont difficiles en ce moment, mais je sens que c’est faisable si j’arrive à trouver une journée sans trop d’humidité !

© Jan Virt
Comment organises-tu ton entraînement pour la saison à venir ?
Probablement un peu comme tous ceux qui jouent les deux disciplines. D’abord un focus sur le bloc jusqu’en février, puis une bascule progressive vers la diff car il y a déjà un sélectif mi-mars à Valence. C’est assez compliqué de jouer la polyvalence sans se disperser… Ca va être le défi cette année, avec des saisons de diff et de bloc qui se télescopent.
As-tu identifiés des pistes spécifiques sur lesquels progresser cette année ?
Sans doute le physique. Je suis encore très en deçà du niveau requis en senior pour pouvoir m’exprimer dans des styles basiques en « gros muscles ». Pour l’instant je compense en serrant fort les prises et en misant sur la qualité de grimpe et la technique. Si tu grimpes juste tu peux te permettre d’avoir moins de force je pense. De toute façon ça va venir progressivement.

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Quels sont tes objectifs principaux pour 2025 ?
Un premier objectif serait de participer à quelques Coupes du Monde de bloc. Malgré mes limites physiques, je pense que j’ai une chance d’y arriver selon les scénarios des sélectifs.
Un second objectif serait de refaire des finales en Coupe du Monde de diff et, pourquoi pas, monter sur la boîte cette fois-ci !
As-tu un rêve ou un projet en particulier que tu voudrais réaliser en 2025 ?
Pas spécialement… Faire un 8C bloc me plairait assez et surtout, trouver le temps de mettre quelques séances dans « La Moustache qui Fâche » 9a+ à Entraygues. Je suis tombé au tout dernier mouv dur l’an dernier et je pense que cette année, sans l’étape de Briançon, je vais pouvoir y retourner.
Comment vois-tu l’évolution de ta carrière à long terme ? Prévois-tu de te spécialiser dans un domaine particulier ?
Pour le coup non. Je suis encore dans la polyvalence, même si en diff j’ai réussi à m’exprimer plus vite. Je me donne encore au moins cette année, voire la prochaine, pour faire un choix de spécialisation (ou pas !). Il y en a qui arrivent à jouer sur les deux disciplines… J’aimerais bien que ça soit mon cas aussi !

© Jan Virt
Parle nous de ta relation avec ta sœur, Oriane. Passez-vous beaucoup de temps ensemble à vous entraîner ? Peut-on dire que c’est une vraie source d’inspiration pour toi ?
En ce moment on se voit pas mal. Elle est venue plus d’un mois à La Réunion en octobre/novembre et on grimpe beaucoup ensemble dehors en ce moment. Mais globalement, depuis qu’elle est partie à Paris en 2021, on ne s’entraîne plus vraiment ensemble… Elle a été mon modèle pendant toute mon enfance sur le caillou comme en compét… Jusqu’à ce que je la dépasse 🙂 ! Mais elle reste la grimpeuse la plus badass du circuit quand même !
Un dernier mot à ajouter ?
Merci à Planetgrimpe de me suivre et de suivre l’évolution du plus beau sport du monde : l’escalade. Ne changez rien !!
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