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Ce qu’il faut retenir de ces premiers JO de l’escalade

© Léo Zhukov | IFSC

Ça y est, les premiers jeux olympiques de l’escalade se sont terminés vendredi, et ce n’est pas sans un petit pincement au coeur! On aurait aimé que ça continue, car oui, c’était beau, c’était grand, c’était magique, c’était historique! Alors que fallait-il retenir de ce ces 4 journées qui ont marqué, sans aucun doute, l’histoire de notre sport?

Les français, au top lors des grands rendez-vous

Avouons-le, nous étions très fiers que 4 athlètes tricolores représentent la France sur ces premiers JO de l’escalade, mais nous avions peu d’espoirs de les voir en finale. C’était sans compter sur les énormes performances des frères Mawem et d’Anouck Jaubert en qualifications.

Qui aurait pu s’attendre à voir pointer Micka Mawem en tête des qualifications du combiné, notamment grâce à un circuit de bloc impérial où il surclassait tout le monde. Et bien il l’a fait, il a répondu présent et n’aura pas fait mentir son frère Bassa: « Micka, il y a des hauts et des bas, mais sur les grands rendez-vous il est toujours présent » . Au dessus des JO il n’y a rien, et Micka l’avait bien compris! De son côté, Bassa faisait le boulot, remportait les qualifications de la vitesse, posait un chrono à 5,45 secondes (établissant ainsi le record olympique) et se qualifiait en finale. On ne reviendra pas sur la blessure qui l’empêchera de concourir sur ces finales, mais nous retiendrons plutôt l’énorme engouement que les deux frères ont su créer autour de l’escalade.

Pour Anouck, c’était également une très belle surprise. Contrairement à Bassa qui avait fait le choix de tout miser sur la vitesse, Anouck avais pris le parti de la polyvalence en s’entraînant dans les deux disciplines dont elle n’est pas spécialiste (bloc et difficulté), et le moins que l’on puisse dire c’est que ça a payé! En effet, après avoir pris la seconde place de la vitesse en qualification, elle brillait sur le premier bloc en décrochant un top qui lui permettra par la suite d’obtenir son ticket pour les finales!

Julia Chanourdie sera la seule tricolore à ne pas se qualifier pour les phases finales. Elle n’aura pas réussi à se libérer et à se faire plaisir en grimpant, laissant place à la pression des jeux.

Résultats de nos français sur ce combiné olympique:

– Anouck Jaubert 6ème
– Julia Chanourdie 13ème
– Micka Mawem 5ème
– Bassa Mawem 8ème

© FFME

Alberto Gines Lopez défie tous les pronostics

Sur le papier, personne n’aurait imaginé le jeune Espagnol devenir le premier champion olympique de l’histoire de l’escalade. Spécialiste de difficulté, il n’avait jusqu’à présent pas fait mieux que quelques finales en coupe du monde (ce qui est déjà énorme me direz-vous…!), bien loin des cadors en piste sur ces jeux, entre autre Tomoa Narasaki, Adam Ondra, Jakob Schubert ou encore Alex Megos!

Bien que spécialiste de difficulté donc, c’est l’épreuve de vitesse qu’il remporte finalement avec un peu de chance, personne ne dira le contraire. Le jeune Espagnol élimine l’américain Duffy en quart, puis se retrouve face au moins rapide des finales, Adam Ondra, pour enfin affronter Tomoa Narasaki, ce dernier zippant au départ de la voie et laissant donc Gines remporter le classement avec un run à 6,42s! Pour comparer, Narasaki avait poser un 6,02 s au tour précédent, et le record olympique établit 2 jours avant par Bassa Mawem était de 5,45 s…

Cette victoire inattendue en vitesse permettra au jeune Espagnol de remporter la médaille d’or de ces premiers JO d’escalade après une 7ème place en bloc et une 4ème place en difficulté.

Janja Garnbret résiste à la pression et assume son statut d’ultra favorite

Qui n’imaginait pas Janja Garnbret en or sur ces jeux olympiques? Personne. Il faut dire que la machine slovène domine très largement le circuit international ces dernières années en affichant une grosse polyvalence en bloc et en difficulté, bien que dernièrement ce soit notamment en bloc qu’elle écrase littéralement la concurrence…

De la pression, il y en avait, c’est une certitude, preuve en est avec ses 2 zippettes en qualification sur ses 2 runs de vitesse… Mais rien ni personne n’aura ébranlé la championne Slovène en finale: un beau parcours en vitesse, complètement intouchable en bloc en étant la seule à toper, et n’1 de l’épreuve de difficulté, elle remporte ces premiers JO de l’histoire de l’escalade avec classe et sans bavure. Janja était déjà entrée dans l’histoire de l’escalade de par son incroyable palmarès à seulement 22 ans, la voici au sommet de l’olympe! Rendez-vous à Paris 2024, où, du haut de ses 25 ans, elle aura à coeur de doubler la mise…

© Coll. Garnbret

Adam Ondra: « la vitesse c’est terminé » !

Bien que chez les hommes il était plus difficile de déterminer des favoris, Adam Ondra en faisait incontestablement parti. Le meilleur grimpeur de la planète se consacrait depuis 2 ans maintenant à cet objectif des JO, malgré une dent contre la vitesse. Oui, si vous ne l’aviez pas encore compris, la vitesse ce n’est pas sa tasse de thé, et pourtant, il n’aura pas démérité, notamment sur le tour final où il bat son record personnel trois fois de suite, 7,44, 7,03 puis 6,86. 4ème de l’épreuve de vitesse grâce à la blessure de Bassa Mawem qui n’a pas pu prendre le départ,  il n’aurait pas pu espérer mieux, et les étoiles semblaient alignées pour que la finale se déroule au mieux. Hélas, le bloc aura laissé des traces: avec seulement 1 top et 2 zones, il termine 6ème de l’épreuve, loin, très loin de ses attentes… En difficulté, malgré un beau run, il ne prendra que la seconde position, ce qui le propulse à la 6ème place du général. Il sera sans doute difficile pour Adam d’avaler la pilule. Une chose est sure, vous ne le verrez plus sur un mur de vitesse! L’année prochaine, il sera également très peu présent sur le circuit de compétition, préférant retrouver sa passion première, la falaise. Quant à Paris 2024, c’est encore loin pour lui, et rien n’est pour le moment décidé!

Jakob Schubert, le maître dans l’art de ne rien lâcher

On imaginait bien l’Autrichien sur le podium, il faisait parti de ces grimpeurs capables de tout et pouvant résister à la pression. Et pourtant c’était bien mal parti: en affichant l’avant dernière place du combiné après l’épreuve de bloc, Schubert ne pouvait plus que compter sur la difficulté, certes sa discipline de prédilection. Mais en face, il y avait du lourd, et notamment une très belle perf d’Adam Ondra dans cette voie résistante. 7ème du provisoire, ce n’est pas ce qui aura fait vaciller Jakob Schubert… Il réalise un run magistral sur la voie de diff, en étant le seul à clipper la chaîne! Et cet exploit n’était pas sans incidence puisqu’il lui permet de monter sur le podium olympique avec une médaille de bronze! Jakob aura donc été à son image: un guerrier au mental de fer. Bravo!

© OOC / GEPA

Un nouveau record du monde de vitesse féminin

SI chez les hommes Bassa Mawem a posé le nouveau temps de référence olympique (5,45) sans pour autant battre le record du monde, chez les femmes, la polonaise Aleksandra Miroslaw explose le record du monde en affichant un temps à 6,84! Ce sera également pendant les 3 prochaines années le record olympique en attendant l’ouverture des jeux de Paris en 2024. Et la vitesse étant pour l’occasion une discipline à part entière, autant vous dire que des records devraient tomber puisque tous les grands spécialistes seront de la partie.

Que penser de l’ouverture en bloc des finales hommes et femmes ?

Sur cette épreuve finale de bloc du combiné, la tâche des ouvreurs était loin d’être simple… Tout d’abord, il n’y a que 3 blocs pour départager les grimpeurs, donc attention à ne pas faire trop simple sous peine de voir des égalités. Ensuite, il ne s’agit pas d’une coupe du monde de bloc avec uniquement des spécialistes de bloc, le dosage du niveau doit donc être plus fin. Et c’est ce qui a manqué un peu, en finale, aussi bien chez les hommes que chez les femmes.

Certes, l’objectif de départager les grimpeurs a été respecté à la lettre, et il s’agissait surement d’un très gros impératif pour les jeux, éviter les égalités… En revanche côté spectacle, le compte n’y était pas. Chez les hommes, le bloc 1 semblait trop facile, avec 6 tops sur 7, tous à vue sauf pour Ondra… Le bloc 2 semblait beaucoup mieux ajusté, Nathaniel Coleman est le seul à toper, mais d’autres sont tout proche, et notamment Micka Mawem qui aurait pu faire la différence sur ce bloc. Quant au bloc 3, c’est un échec complet… Tous les grimpeurs valident la prise de zone à-vue, et…. c’est tout! personne ne bouge beaucoup plus loin dans ce bloc qui semblait très difficile à appréhender. Tout le monde se casse les dents sur le même passage, et à regarder, avouons que c’était un peu long…

Sur la finale bloc féminine, le niveau était extrême. D’ailleurs, une seule grimpeuse parvient à valider des blocs, Janja Garnbret bien évidemment, qui tope les 2 premiers blocs en 5 essais (ça annonce la couleur quand on a l’habitude de la voir faire des circuits entiers à vue…). Vous l’avez compris, il n’y aura en tout et pour tout que ces deux uniques top de Garnbret sur la finale. Aucune autre finaliste ne validera un bloc. Alors quoi en penser? Oui, clairement, les grimpeuses ont été départagées, Janja sur des tops, et les 7 autres finalistes sur des zones. On aurait franchement préféré que le classement se fasse avec quelques tops supplémentaires, du moins pour le spectacle! Alors oui, Brooke Raboutou n’était pas loin d’y parvenir, et elle a contribué elle aussi à nous faire vibrer. Mais soyons honnêtes, ces finales de bloc féminines étaient un échec pour les (télé)spectateurs, car ne l’oublions pas: comme le soulignait Christopher Hardy lors d’une récente interview, « même si beaucoup de grimpeurs préfèrent que ce soit dur plutôt que trop facile, là il ne faut pas oublier que c’était les JO, qu’on passait à la télé devant des millions de gens, et que ça aurait été plus fun pour le public que les grimpeuses s’épanouissent pour choper un peu plus de tops plutôt que voir des filles au tapis les ¾ du temps »

Mais n’oublions pas non plus que l’ouverture n’est pas une science exacte, que des ratés il y en a eu et il y en aura toujours, alors malgré tout un grand respect pour les ouvreurs qui ont fait le job, cette échéance olympique n’était pas des plus simples, nous en sommes bien conscients, et l’essentiel est là: dans la globalité des 4 journées, on a kiffé voir notre sport sur ces jeux!

Le combiné, des bons et des mauvais points…

Oui, l’épreuve du combiné est loin d’être parfaite, oui on a parfois l’impression que les résultats ressemblent à une loterie (notamment chez les hommes) avec les multiplications des scores qui font basculer dans un sens ou dans l’autre le classement. Tout le monde en a conscience, aussi bien nous que les instances sportives, IFSC et CIO compris.

Mais il ne faut pas oublier l’objectif premier qui était d’intégrer l’escalade aux jeux. Avec une seule médaille proposée par le CIO, il a été fait le choix du combiné plutôt que d’une seule discipline au détriment des autres. Ce choix du combiné est également un choix stratégique permettant de mettre en lumière toutes nos disciplines aux yeux du grand public, de plaire au plus grand nombre, et donc à terme de se voir attribuer d’autres médailles. Ce sera déjà le cas pour Paris 2024, avec une médaille pour la vitesse et une médaille pour le combiné bloc/difficulté. En 2028, sur les jeux de Los Angeles, tout le monde a bien compris l’objectif: avoir une médaille pour la vitesse, une pour le bloc, une pour la difficulté, et pourquoi pas une pour le combiné ou une médaille sur un tournoi pas équipe?

Concernant le choix qui a été fait de multiplier les scores pour établir un classement, la raison est toute simple: c’était la meilleur chance d’avoir des spécialistes de chaque discipline sur ces jeux, et notamment au moins un spécialiste de vitesse. Sans ce choix, aucun grimpeur de vitesse n’aurait pris sa place pour les JO, ce qui aurait été malvenu pour un combiné.

L’escalade aux JO, des dérives annoncées?

Oui aujourd’hui l’escalade est aux JO, oui il peut y avoir des dérives, il faut en être conscient, mais ne voyons pas tout en noir… L’escalade aux JO, c’est aussi plus de moyens pour le développement de notre sport, plus de médiatisation, plus de reconnaissance, plus de jeunes qui se lancent dans ce sport et qui en découvrent ses valeurs, etc…

Concernant les éventuelles dérives, nous avons tous un rôle à jouer pour que l’escalade reste ce qu’elle est. Continuons d’inculquer nos valeurs aux jeunes pratiquants, sans oublier d’aborder la pratique en milieu naturel et les conséquences que peuvent avoir une pratique non respectueuse de l’environnement. Nous pouvons être fiers de notre sport, de ce qu’il représente et de l’image qu’il véhicule, alors à nous (fédérations, médias, clubs, encadrants, …) de poursuivre l’aventure dans cette direction.

Et pour les quelques sceptiques qui voudraient avoir une salle ou une falaise rien que pour eux (parce que le monde c’est chiant!), il va falloir vous y faire! L’escalade n’est plus la pratique old school des années 80 réservées à une petite minorité élitiste de grimpeurs.

Publié le : 09 août 2021 par Charles Loury

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