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Interview: Manu Cornu dresse le bilan de sa saison 2017 et nous parle de ses nouveaux projets !

La saison internationale de bloc s’est achevée ce week-end à Munich. Pour beaucoup de grimpeurs, il est l’heure de dresser le bilan cette année 2017, après des milliers d’heures passées à s’entraîner, à silloner le globe et tenter de monter au sommet de tous les blocs de compétition.

Manu Cornu, premier français au classement général, a accepté de faire ce bilan avec nous. Point par point, il revient sur les hauts et les bas de cette saison et nous parle de ses nouveaux projets. Son objectif maintenant ? Remporter les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020.

Ça y est Manu, la saison 2017 sachève déjà. Comment te sens-tu, à chaud, quelques jours seulement après la fin de cette saison ?

Détendu, content que cette saison se termine pour pouvoir souffler deux ou trois semaines avant de réattaquer pour la saison prochaine.

Faisons le point sur cette année. Que retiens-tu de cette saison ? Quels étaient tes objectifs avant dattaquer cette saison, et ont-ils été atteints ?

Mon objectif cette saison était clair : je voulais devenir champion d’Europe.
Je suis passé à côté, en finissant 7ème, même si je n’étais pas loin de réaliser les blocs et de prendre le titre…

Donc mon objectif principal n’est pas atteint, mais j’ai fait une bonne saison, j’ai été régulier. L’an passé était la révélation au niveau international, aujourd’hui je grandis à mon rythme dans la cour des grands, je passe les étapes petit à petit… Je ne retiens que du positif de cette saison 2017.

Il y a un peu moins dun an, tu terminais la saison 2016 de la plus belle des façons, montant sur le podium des Championnats du Monde à Paris. Ce podium a dû changer beaucoup de choses pour toi, tant dans tes objectifs que dans tes entraînements, ou même dun point de vue mental. Ce podium a-t-il été un déclic pour toi ?

Ce podium était l’accomplissement d’une phase de travail très longue, qui m’a montré que tous les sacrifices, les heures d’entraînement et l’implication que je mettais au quotidien dans mes projets servaient à quelque chose.

Mes objectifs sont toujours les mêmes vu que je ne peux pas les mettre plus haut qu’ils ne sont déjà, mais ils ont un goût différent. Avant j’étais un vrai outsider je n’avais rien à perdre, et si je rentrais en demi, c’était déjà cool. Aujourd’hui tout le monde sait que je peux le faire. Il y a une attente en plus que j’ai eu du mal à gérer.

Justement, en remportant cette médaille de bronze à Paris, les regards du monde entier se sont tournés sur toi. Tu n’étais plus le petit Manu à la coupe branchée, mais le grand Manu Cornu, capable de se transcender en finale dune compétition internationale. Comment l’as-tu géré ?

Ahah ça colle avec la fin ma réponse du dessus, et bien du coup difficilement, et à la fois, je n’ai pas fait grand chose pour que cela change.

C’est difficile à gérer parce que tu as des doutes qui t’envahissent, une pression qui se rajoute, une envie de revivre ça sur chaque compet, des gens qui attendent que tu réitères et d’autres qui rêvent de te voir tomber… Je voulais confirmer à tout prix que je méritais ma place, mais au final, tout ça c’est dans la tête et c’est en pensant à tout ça que tu t’égares… Alors je me suis juste concentré sur mon premier objectif de la saison en me disant que tout ira bien et ça l’a fait.

Puis il y a eu ta préparation hivernale. Avant de commencer cette saison 2017, te sentais-tu en forme ?

J’ai pris une bonne pause après Bercy, de quasiment deux mois sans grimpe. J’avais besoin de souffler… Puis j’ai repris doucement, avec le plein de motivation et ça allait, je me sentais bien !

En tout cas, elle a plutôt bien commencé cette saison, avec une belle médaille dargent sur les Jeux Mondiaux militaires à Sotchi. Comment as-tu géré cette première compétition depuis les Championnats du Monde ?

C’était une compétition spéciale, je ne savais pas à quoi m’attendre. Je me suis dit que l’intensité n’allait pas être celle d’une coupe du monde et que ce serait une reprise cool ! Puis quand je suis arrivé à l’hôtel et que j’ai vu Domen et Jakob discuter au bar… je me suis dit « Oula, je ne suis pas prêt pour ça moi… ». Finalement ça a été, mais je me suis fait surprendre à forcer beaucoup plus que ce à quoi je m’attendais.

Viennent ensuite très rapidement pour toi les Championnats de France. On se dit alors que tu es en forme, et que tu vas (enfin) remporter ton premier titre de Champion de France senior. Mais ça ne sera pas pour cette année non plus… Peut-on mettre cette 4ème place sur le compte de la fatigue ?

Oui c’est vrai que les deux compétitions se sont vite enchaînées, j’ai eu le temps de rester seulement 20h chez moi entre les deux déplacements. J’aurais peut-être fait mieux avec plus de repos, mais devant moi il y a de gros clients aussi. On verra l’an prochain 😉

Suite à cela, place aux Coupes du Monde. Dans quel état d’esprit étais-tu lors du lancement officiel de la saison à Meiringen ?

La première étape n’est jamais un moment facile, tu veux bien faire, tu veux savoir si ta préparation a été bonne, si tu es prêt… Je pense que j’ai grimpé un peu avec le frein à main toute la compet. Alors ça a suffi en qualif, mais pas en demi, où il faut être bien plus joueur.

Mais j’ai pu voir où j’en étais par rapport aux autres et j’ai fait ce qu’il fallait pour les étapes qui ont suivi.

Ne participant pas aux étapes de Vail et Mumbai, pas de compétition internationale pour toi pendant plus de trois mois ! Cette grosse trêve n’a pas été trop frustrante pour toi, au beau milieu de la saison ?

Effectivement ce n’est pas facile à digérer, mais je ne vise pas forcément le général pour le moment. Mon but est de gagner, j’ai eu deux chances en rentrant en finale sur deux étapes, mais je n’ai pas su concrétiser. Alors retourner à l’entraînement en sachant que l’objectif était les championnats d’Europe, c’est ce qu’il fallait !

Qu’est-ce qui a donc pu te faire défaut cette année ?

Je pense que le gros plus que j’ai pu avoir l’an passé c’était mon mental. Cette année, je pense que c’est ce qui m’a fait défaut, je n’ai pas su être concentré à 100% sur l’instant présent dans les moments décisifs. Il y a deux compétitions où je tombe aux derniers mouvements des blocs qui m’envoient en finale… Il m’a manqué de la concentration et du calme pour faire une saison encore plus belle.

En ayant manqué deux étapes sur sept, tu passes tout de même de la 19ème place en 2016 à la 13ème place cette année au classement mondial. Cest également la meilleure performance française masculine. Au bilan, cest 100% de demi-finales à ton actif et deux finales. Quest-ce quil te manque justement en finale, pour aller chercher ton premier podium en Coupe du Monde ?

Du temps. Je dois prendre encore de l’expérience pour pouvoir rivaliser en finale. Aujourd’hui, les finales et podiums sont souvent pris par les mêmes grimpeurs, alors réussir à les bouger tandis que c’est leur 10ème finale n’est pas quelque chose de facile. Ils ont une expérience dans la gestion d’une finale qui est énorme, moi j’apprends petit à petit.

Nous avons pu voir de belles performances cette saison, de la part de tous les membres de l’équipe de France (tes deux finales consécutives, le top 10 de Maëlys Agrapart à Munich, ou encore la 4ème place de Micka Mawem à Tokyo). Pourtant, au classement des nations, la France occupe la 5ème place cette année, le moins bon résultat depuis 2013. Comment expliquer ce manque de concrétisation de la part de l’équipe ?

Je ne sais pas, on n’est jamais passés loin mais on n’a pas su concrétiser… Il peut y avoir plein de raisons. Je pense que le niveau est de plus en plus élevé et qu’une toute petite erreur coûte cher, ce qui n’était pas le cas avant… On va s’adapter !

Ta carrière prend maintenant un nouveau tournant. Tu quittes le Pôle France de bloc de Fontainebleau pour rejoindre le Pôle France de Voiron et maintenant mettre laccent sur le combiné. Peux-tu nous en dire davantage ?

En effet, je pars me préparer pour les J.O à Voiron, à partir de septembre. Un gros challenge ! Pour cela, je serai entouré de Sylvain Chapelle qui va organiser mon entraînement avec Mike Fuselier et Seb Valran, je pense que c’est essentiel pour continuer ma progression, je suis entre de bonnes mains. Et puis, il va y avoir une nouvelle émulation avec les grimpeurs de la diff, de la vitesse et avec les jeunes qui sont sur le Pôle, ça va être top !

En septembre dernier, tu devenais également vice-champion du monde du combiné. Le fait de participer aux trois disciplines est-il quelque chose qui ta toujours plu, ou bien ce changement est-il uniquement dû aux J.O ?

Non, avant de faire du bloc je faisais de la diff. Grimper dans les trois disciplines, c’est quelque chose qui me plaît, je ne vais pas me forcer pour les J.O, juste me faire plaisir ! 🙂

Peut-on affirmer sans trop se tromper que ton objectif à long terme est d’être le premier champion olympique descalade ?

Oui !

Ton entraînement ne sera dorénavant plus seulement consacré qu’à une discipline, mais à trois. Sais-tu précisément comment cela va sorganiser tout au long de l’année ?

Non pas encore, j’en discute avec les coachs, on est justement en train de mettre des choses en place, fixer des objectifs… J’en saurai plus bientôt.

Est-ce quune « équipe de France du combiné » est en train de naître ?

Ahah, je ne sais pas, mais un projet est né ça s’est sûr ! Si en plus on peut être en équipe pour dynamiser le projet, tant mieux !

C’est aussi la fin de ta collaboration avec Nicolas Januel. Après plus de trois ans passés ensemble, on peut maintenant dire que l’élève a dépassé le maître ?

J’espère pouvoir répondre à cette question au prochain Championnat de France, s’il n’est pas trop vieux… 😉

Tu as récemment fait un post sur Facebook, pour t’expliquer suite à des rumeurs te concernant. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

C’est vrai que beaucoup de petites choses me sont remontées jusqu’aux oreilles… La réussite provoque de la jalousie, certains ragent derrière leurs écrans et préfèrent se persuader que je triche au lieu d’aller s’entraîner et de se donner les moyens.

C’est bien dommage pour eux, moi il ne me dérange pas, mais j’avais fait ce post pour qu’ils le sachent. Personnellement j’avance le sourire aux lèvres, ils me font de la peine d’être aussi aigris…

La suite du programme maintenant pour toi ?

Aller au parc des princes voir PSG-ASSE, mon déménagement à Voiron, j’ai également un projet qui a été tourné et qui devrait bientôt voir le jour sur Netflix… Et puis retour à l’entraînement !! 🙂


Cette saison en un mot ?

Enrichissante !

Ton étape mondiale préférée ?

Innsbruck.

Un mot à dire aux japonais ?

Tomoa, je suis ton père !

Bloc, diff ou vitesse ?

Bloc.

Champion du Monde de bloc ou Champion du Monde du combiné ?

Les deux !

Enchaîner tous les blocs à vue en finale des Championnats de France de bloc 2018 ou parvenir au bout du parcours de Ninja Warrior ?

Enchaîner tous les blocs à vue en finale des France.

Tokyo 2020 ou Paris 2024 ?

Les deux !

Un mot pour Nico Januel ?

Merci !


Photos: Lucie Thomas, Pavlo Vekla, Szymon Aksienionek.

Publié le : 24 août 2017 par Nicolas Mattuzzi

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