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« Cerro Torre, pas l’ombre d’une chance » avec David Lama

A 19 ans seulement, le multiple champion d’Europe et des catégories jeunes David Lama est considéré comme l’enfant prodige de l’escalade. Ayant pratiqué surtout en salle, son expérience dans les montagnes reste limitée. Cela ne l’em- pêche pas d’envisager l’ascension libre du légendaire Cerro Torre, l’une des plus belles montagnes du monde mais aussi l’une des plus difficiles à escalader.

Aucun grimpeur n’est parvenu à vaincre en escalade libre l’«Aiguille de granite» du merveilleux panorama montagneux de Patagonie, un défi considéré comme irréalisable. C’est précisément ce qui a motivé David Lama et son compagnon d’escalade. Mais ils voient leur rêve s’évanouir lorsque leur premier essai finit par un désastre. David n’est en effet pas de taille à affronter la mon- tagne et les caprices de la météo. Pire encore : le milieu international de l’alpinisme s’insurge contre les dispositifs de sécurité supplémentaires installés dans la paroi par l’équipe de tournage.

David comprend alors que s’il veut vaincre le Cerro Torre, il devra non seulement améliorer ses performances d’alpiniste mais aussi s’impliquer davantage au niveau de l’équipe et du tournage.

 Synopsis 

Avec en toile de fond les paysages à couper le souffle de la Patagonie, David Lama, jeune prodige de l’escalade, s’attaque à la fameuse face Sud-Est du Cerro Torre, mon- tagne dont il se dit encore aujourd’hui qu’elle est la plus difficile au monde.

Aucun homme n’a jamais escaladé ce pic de granite en escalade libre. Mais c’est précisé- ment ce que David et son partenaire Peter ont l’intention de faire. Alors qu’il est confronté à des défis naturels et logistiques, David finit par réaliser la vraie nature de son projet et se rend compte de ce qu’il lui faudra accomplir pour atteindre le sommet.

Entre amitié et dépassement de soi, ce documentaire nous plonge dans le par- cours initiatique d’un homme à travers la pratique de l’escalade.

A l’occasion du festival Montagne en Scene, le film documentaire sera diffusé dans 11 villes en France. L’avant-première aura lieu à Paris au Grand Rex le 31 avril en présence de David Lama.

 Interview de David Lama 

Comment t’est venue l’idée de ce projet ?

J’avais bien sûr déjà entendu parler du Cerro Torre et de l’histoire de la Voie du compresseur. Je suis tombé par hasard sur une photo du headwall sur laquelle je pouvais voir des structures situées à droite de la voie initiale et qui semblaient pouvoir être escaladées. J’étais à la recherche d’un défi, d’un projet dont le résultat n’était pas garanti car cela ne me motive pas vraiment de faire des as- censions plus courtes qu’il est probable de réussir. J’ai plutôt tendance à préférer les situations où le «facteur de l’impossible» joue un rôle important.

Existe-t-il un lien entre tes ambitions et le fait que tu avais un physique différent de celui des autres enfants autrichiens ? Est-ce pour cela que tu voulais faire tes preuves ?

J’ai découvert l’escalade très jeune mais je ne sais pas si cela a un quelconque rapport avec mon physique. Je pense que si beaucoup de personnes aspirent à faire de grandes choses ou à devenir célèbres, c’est parce qu’elles ont l’impression de laisser des traces de leur passage sur terre. C’est peut-être une sorte de quête de l’immortalité ou quelque chose de ce genre. En ce qui me con- cerne, j’étais très attiré par les premières ascen- sions. Avoir en premier l’idée d’une ascension et la réaliser est à mes yeux un héritage beaucoup plus important que la stricte performance athlé- tique.

Beaucoup ont critiqué les pitons et les cordes fixes utilisés par l’équipe de tournage, qui ont été retirés par la suite. Cela n’aurait-il pas été beaucoup moins compliqué de simplement es- calader la voie, sans équipe de tournage et lo- gistique ?

Oui, cela aurait certainement été beaucoup plus simple. Il est toujours plus facile de ne se préoc- cuper que de soi-même. Mais j’ai vu dans le projet de film une occasion unique et il était clair pour moi que cela pouvait donner naissance à quelque chose d’extraordinaire. L’ascension libre a toujours été ma priorité, donc si le projet de film avait été interrompu, cela n’aurait pas changé mes plans. Ce qui m’importait, c’était que le film documente fidèlement ce que nous avons vécu là-haut. Pen- dant l’escalade, le poids supplémentaire (les caméras, le matériel de son, les batteries etc.) était parfois agaçant. Mais en regardant le film main- tenant, je pense que cela en valait vraiment la peine.

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Quels sont votre meilleur et votre pire souvenir ?

Le meilleur moment a clairement été lorsque Peter et moi avons atteint le sommet pour la première fois en 2011. Cela a vraiment été déterminant pour moi. Nous étions sur le point de rentrer chez nous et il nous semblait que nous n’allions pas atteindre le sommet pour la deuxième année de suite, sans parler de le gravir en ascension libre. J’avais l’impression d’être dos au mur. C’est notamment pour cela que nous avons fait tout notre possible, même si tout semblait s’être ligué contre nous. Lorsque nous avons atteint le sommet, cela n’im- portait plus pour moi de savoir si nous avions es- caladé en libre ou non, je trouvais simplement cela fantastique d’être là-haut. C’est à ce moment que j’ai eu un déclic et j’ai commencé à moins penser comme un grimpeur et plus comme un alpiniste. Le moment le plus difficile, en ce qui me concerne, fut de devoir gérer la controverse concernant les pitons après la première année. Ce n’est pas moi qui les avais installés, et je n’en avais pas non plus besoin pour mon ascension libre. Cependant, tout le monde de l’escalade semblait en colère contre moi. C’était une situation difficile à gérer. Peut-être pas tant le fait que quelqu’un était furieux contre moi, mais plutôt le fait que je ne comprenais pas pourquoi. Cela m’a pris un certain temps pour ad- mettre que c’était également ma responsabilité. Si je n’avais pas choisi de réaliser mon projet d’as- cension libre, il n’y aurait pas eu de projet de film. J’étais donc finalement aussi responsable du bon déroulement des opérations.

Tu étais concentré en permanence sur l’escalade. Comment cela s’est-il passé pour toi au niveau du tournage et avec l’équipe qui t’accompagnait ?

Parfois je me demandais si le film me montrerait tel que je le souhaitais. Mais j’avais une grande confiance en Philipp (Manderla), Guido (Kruetschnigg) et Dirni, le réalisateur.

Les membres de l’équipe Red Bulls Athletes Special Projects, qui me suivent depuis des années, étaient eux aussi bien obligés de me faire confiance. Les perspectives n’étaient pour- tant pas réjouissantes, surtout la première année. Toutes les personnes concernées ont quand même continué jusqu’au bout à croire en moi et au projet.

Les personnes qui faisaient partie du projet d’escalade libre du Cerro Torre ont, comme moi, évolué en même temps que le projet. Des liens d’amitié solides se sont tissés au fil des ans et j’ai beaucoup apprécié les moments passés au mon- tage. Je suis vraiment très content du film.

Quels sont tes projets pour l’avenir ?

J’envisage d’escalader les grandes montagnes aux quatre coins du monde. Ce qui m’intéresse, ce sont les défis qui n’ont pas encore été relevés. Je viens de rentrer du Pakistan. Peter et moi sommes allés là-bas examiner la face nord-est du Masherbrum qui n’a encore jamais été escaladée. Pour l’instant, cette paroi représente mon plus grand défi en alpinisme. Même si je suis persuadé que l’escalade est faisable, c’est un quand même un pari très difficile, un autre projet de longue haleine et aussi passionnant que le Cerro Torre.

Publié le : 23 mars 2014 par Charles Loury

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