Le contenu

Témoignage d’Ukrainiennes : « L’escalade c’est ce qui me permet de tenir »

Bien que la date du 24 février 2022 soit familière à tous, elle n’est pas significative de la même manière. Quand la Russie attaque pour la première fois l’Ukraine, Mia explique que sa vie a basculé :

Mes amis m’ont demandé d’attendre pour voir l’évolution de tout cela mais moi j’avais bien compris que c’était le moment de partir.

Pour cet article un peu spécial, Planetgrimpe est allé à la rencontre de deux grimpeuses ukrainiennes, Mia et Oksana, qui sont venues se réfugier en France depuis le début du conflit. Elles ont partagé leurs souvenirs d’Ukraine, leurs sentiments et le soutien qu’a été l’escalade pour elles.

Des valises faites dans la précipitation

Le choix de la France s’est fait grâce à leur réseau de connaissances. Mia avait des amis sur Paris qui ont immédiatement proposé de l’accueillir. Elle laissait alors derrière elle ses parents et ses amis. Aujourd’hui, c’est avec une grande nostalgie qu’elle évoque « sa vie d’avant ». Bien qu’elle soit reconnaissante du soutien de tous, elle ne fera jamais le deuil de ses années en Ukraine.

Quand je suis arrivée en France, je ne parlais pas très bien français, je communiquais bien en anglais mais c’était compliqué pour m’intégrer.

Pour Oksana, le départ fut plus tardif :

Je suis restée 2/3 mois en Ukraine avant de rejoindre des amis qui m’ont proposé de m’accueillir.

La trentenaire quitte alors son pays seule et vient s’installer en Franche-Comté.

Pour parler de ce matin de février, les deux habitantes de Kiev ont les mêmes mots : on s’y attendait mais on n’y croyait pas.

Oksana explique avoir été réveillée par son conjoint à 5h du matin. Lui était surpris, elle non : plusieurs signes avant-coureurs l’avaient alerté tels que le départ de diplomates du pays.  Un conflit armé en Europe lui paraissait tout de même impossible. « Quand j’ai appris la nouvelle, j’étais chez mes parents. J’ai sorti ma valise et j’ai dit à ma mère qu’on devait partir » explique Mia.

Finalement, ils ne pourront pas partir avec elle à cause de leur âge avancé et de leurs problèmes de santé.

Une passion qui traverse les frontières

« A mon arrivée à Paris, le seul repère que j’avais, c’était l’escalade ». Les premiers mois en France de Mia se sont révélés très difficiles. C’est à Bleau qu’elle explique s’être réfugiée à plusieurs reprises :

Mes amis ne grimpaient pas donc je prenais mon Crash Pad et je partais à la découverte avec topo qu’ils m’avaient offert.

Au-delà de la situation dans son pays qui l’affectait beaucoup, la barrière de la langue a rendu très compliqué son intégration malgré le soutien de ses amis.

Quand Mia parle d’escalade, son discours est plus léger, plus fluide et naturel. Elle grimpe depuis qu’elle est toute petite et a souvent voyagé en Europe pour élargir son terrain de jeu. « J’ai toujours aimé grimper dehors. Petite, j’étais un peu comme un petit singe ». Quand elle grimpe en France cela lui permet de ressentir un sentiment familier et confortable.

Pour Oksana, le coup de cœur avec ce sport se fait plus tardivement. Elle le découvre par hasard dans une petite salle à l’intérieur d’un centre commercial. La jeune femme s’investie alors dans l’escalade et se crée un petit cercle d’amis. Plusieurs fois elle réalise des voyages pour grimper. C’est d’ailleurs en Thaïlande qu’elle rencontre ses amis bisontins. Son très bon niveau en anglais et français lui permettent de tisser plus facilement des liens avec les étrangers.

Oksana

Pour pallier à son isolement, Mia s’inscrit sur Facebook :

Je n’étais pas sur les réseaux sociaux avant d’arriver en France. J’ai trouvé plusieurs groupes Facebook d’ukrainiens émigrés.

Entrer en contact avec des personnes qui partagent son histoire lui a permis de s’ouvrir sur le monde et de surmonter au mieux cette période. Bien que beaucoup ne vivaient plus en Ukraine bien avant le conflit, ils lui ont tout de même permis d’élargir son groupe d’amis.

Ils connaissaient déjà des grimpeurs ici, alors ils m’ont présenté et maintenant je suis amie avec eux.

Oksana a une histoire similaire. En arrivant en France, elle s’inscrit immédiatement dans la salle d’escalade la plus proche pour pratiquer sa passion au quotidien. Cela lui permet d’entretenir un contact social en plus de celui que lui créaient ses amis sur place.

Un soutien au quotidien

Au-delà du lien social, l’escalade a été un moteur pour les deux jeunes femmes tout au long de leur vie et tout particulièrement depuis un an.

Mia s’est réfugiée depuis toute petite dans la grimpe :

Dès que j’avais un problème dans ma vie, j’allais grimper et ça me permettait de souffler. Aujourd’hui, l’escalade c’est ce qui me permet de tenir.

Tous les grimpeurs pourront comprendre le sentiment que Mia décrit : une impression de lâcher-prise lors de ses séances de grimpe.

Avant quand je grimpais, j’avais l’impression que mes problèmes n’étaient plus si importants et ils disparaissaient. Cela me permettait de prendre du recul sur certaines situations. Après une séance de grimpe, je reviens toujours plus forte et en ce moment on a besoin d’être forts.

Oksana ne s’éternisera pas autant pour décrire ses sentiments. Elle ne cache pourtant pas le soutien qu’a été l’escalade pour elle. Le sentiment de bien-être que provoque ce sport chez elle l’a souvent permis de faire face et de surmonter les épreuves de sa vie.

Le milieu de la grimpe : une communauté mobilisée

La guerre en Ukraine a réveillé un sentiment de solidarité. De nombreux grimpeurs ont participé à soutenir la population de multiple manière.

Les meilleurs grimpeurs du monde s’étaient exprimés contre la guerre dans une vidéo : voir la vidéo ici.

Au-delà de la simple prise de parole, l’Allemand Alex Megos et son entourage s’étaient mobilisés pour accueillir des ukrainiens fuyant l’invasion russe. Un mois après le début des combats, le groupe comptait déjà 15 personnes dont sa petite amie, la grimpeuse Jenya Kazbekova, des membres de sa famille et d’autres grimpeurs qui trouvaient alors refuge en Allemagne.

Le mot de la fin

Aujourd’hui, Oksana habite toujours en France et compte certainement rester dans la ville de Besançon où elle a rencontré son conjoint. L’escalade est toujours dans sa routine quotidienne.

Mia est retournée dans son pays en décembre 2022. Elle explique sa résolution avec le manque important que provoquait l’absence de ses proches. La situation en Ukraine est toujours très compliquée et c’est avec des mots de soutien à son pays qu’elle clôture l’interview :

Certaines personnes extérieures au conflit se sont habituées à cette situation mais les ukrainiens de s’habitueront jamais et auront toujours besoin de l’aide de leurs voisins européens. Tout le monde peut faire un geste pour aider à sa manière et il n’y a pas d’acte inutile.

Publié le : 01 février 2023 par Morgane Morel

# Actualités PG

guerre en ukraine