Le contenu

Tanguy Merard: rencontre avec celui qui a occupé l’espace médiatique cet été en falaise

© TLC Prod

Tanguy Merard, ce nom ne vous dit rien? Peu probable au regard de l’été incroyable du jeune Gardois de 19 ans en falaise. On vous laisse juger :

  • 22 avril Biographie, 9a+
  • 22 juillet Crotte de Geek, 9a
  • 1er août A muerte bilou, 9a
  • 3 août Trip Tik Tonic, 9a
  • 6 août Just two fix, 9a/+
  • 7 août Kinematix, 9a
  • 12 août Punt’x, 9a+
  • 14 août Inga, 9a
  • 17 août Kick ass, 9a
  • 29 août Beyond, 9a+

Comme vous pouvez le constater, l’été de Tanguy aura été très prolifique en terme de croix en falaise, avec presque un déclic après l’enchainement de « Biographie » qu’il travaillait déjà depuis plusieurs années. C’est donc tout naturellement que nous sommes allés à sa rencontre histoire d’en savoir un peu plus sur lui, ses habitudes, et ses projets.


Avant de rentrer dans le vif du sujet, peux-tu te (re)présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Tanguy Merard, j’ai 19 ans et je grimpe depuis un paquet d’années déjà. Je vis à Grenoble pour les études et la grimpe, et cette année je rentre en L2 STAPS .

D’où te vient ta passion pour la grimpe ?

Quand j’étais petit, je faisais du handball, et un jour le club a arrêté les entraînements et vu que mon père faisait de l’escalade je m’y suis mis. La passion est venue assez rapidement, toute la semaine j’attendais le weekend pour aller grimper dehors, et depuis je ne me suis jamais arrêté.

Cet été, on a beaucoup entendu parler de toi avec de nombreuses croix en falaise dans le 9ème degré, tu peux revenir sur cet été impressionnant ?

Ça a commencé avec « Biographie », c’était l’objectif de l’année et le fait de l’avoir enchaîné le premier jour de la saison ça m’a permis de me libérer l’été et de découvrir d’autres falaises. Au final je me suis remis dans un projet dur assez vite avec le « Pamphlet » à Entraygues: j’ai essayé de mi-mai à mi-juillet. Sur la fin j’ai régressé dedans, ça m’a rapidement agacé, j’avais besoin de changer d’air.
Je suis resté vers l’Argentière pour passer du bon temps avec les collègues durant la période du TAB. J’ai fait une petite pause de 3/4 jours puis je me suis mis à réessayer « Crotte de Geek » 9a à Ailefroide. J’ai enchaîné le jour des finales du TAB, c’était parfait pour aller voir les copains et faire la fête.

Après ça j’ai eu l’occasion de partir en trip et de découvrir de nouveaux endroits. J’ai commencé avec la Saume, puis je suis allé à la Ramirole, Déversé dans les gorges du Loup et pour finir au Pic Saint Loup. Je suis vraiment content car l’idée c’était de découvrir toutes ces falaises et j’ai réussi à tout visiter en un mois. Et puis petite cerise sur le gâteau, j’ai enchaîné pas mal de voies dures, donc c’est tout bénéf !

Comment choisis-tu tes voies ?

Ça dépend, à la Saume j’y étais pour deux jours et les voies les plus dures sont côtées 8c/8c+. Là par exemple je voulais juste faire le maximum de 8c.

Après à la Ramirole j’y étais pour 5 jours, je m’étais fixé comme objectif de faire un 9a dans cet énorme dévers. J’ai décidé la voie que j’allais essayer une fois sur place. J’ai bien regardé toutes les lignes et je me suis lancé dans « A muerte Bilou », 9a, car la voie n’avait pas été refaite depuis la FA de Seb Bouin et la ligne était folle.

À Déversé je savais que je voulais faire « Trip Tik Tonic », 9a, et pour le reste j’y suis allé un peu à l’instinct et à l’envie. Pour « Beyond » au Pic Saint Loup, c’était totalement différent, j’avais vu la vidéo de Seb Bouin dedans et ça m’a beaucoup plu.

Comment expliques-tu cette énorme progression cette année ?

Effectivement depuis janvier j’ai beaucoup progressé, je pense que ça vient du fait que je commence à trouver mon équilibre entre entraînements et les projets dehors qui me motivent, et surtout je commence à être à l’écoute de mon corps et de ma tête.
Je me suis aussi beaucoup entraîné cette année et ça a payé. Je dirais que je me suis entraîné de manière plus réfléchie parce que je commence à avoir du recul sur ce que j’aime, sur ce qui me fait progresser, sur ce dont j’ai besoin et surtout mon coach Esteban Daligault m’a accompagné toute l’année.

Après il ne faut pas confondre progression et concrétisation, tu me poses cette question parce que j’ai fait beaucoup de voies dures ces derniers temps mais ça ne veut pas forcément dire que j’ai progressé ce dernier mois. Cette année j’ai d’avantage concrétisé que progressé. En fait ça faisait longtemps que je n’avais pas essayé d’autres voies dures autre que « Biographie » car c’était mon gros projet.
Alors forcément, après 3 ans à m’entraîner pour la même voie, à n’essayer que cette voie et à ne pas concrétiser, quand je découvre de nouvelles falaises et de nouvelles voies moins dures, tout de suite j’enchaîne plus facilement.

Et puis je pense que j’ai passé un petit cap mental, je suis plus ambitieux, j’ai de plus en plus confiance en mes capacités et à chaque essai je me dis que je peux faire la voie. En fait je sais de quoi je suis capable et je me donne des projets de plus en plus durs.

Tanguy Merard à l’assaut de « Punt X », 9a | © H2M Images

 

Penses-tu avoir les moyens d’aller encore plus loin ? As-tu déjà des idées en tête ?

Oui, après les moyens il faut se les donner mais si je continue sur cette lancée, et j’ai envie de continuer sur ma lancée, alors oui j’irai plus loin. Pour l’instant j’ai deux idées de projets dans ma tête qui sont un cran plus dur que ce que j’ai déjà fait.
C’est « Rastaman Vibrations » 9b à Céuse et « La rage d’adam » 9b/+ à la Ramirole: ce sont des voies qui me font rêver et j’ai besoin de voies comme ça si je veux m’investir dans quelque chose de plus dur.

Ces voies me motivent de par leur beauté mais également car c’est hyper motivant d’essayer des voies de top niveau mondial, de se rapprocher de ça petit à petit, ça me donne beaucoup d’envie et d’énergie.
Pour l’instant je vais plutôt essayer « Rastaman » car ce n’est pas très loin de Grenoble, j’ai déjà commencé à y mettre sérieusement les doigts et j’adore le style de la voie.

Quels sont tes points forts et tes points faibles ?

Mon plus gros point fort c’est la combativité. Après physiquement je dirais que c’est la continuité, la rési et l’endurance de force.
Quelque chose qui m’aide beaucoup en falaise c’est la capacité à trouver des bonnes méthodes. Mes points faibles c’est la force, l’explosivité, les mouvements physiques, les mouvements d’épaule et les pinchs avec les doigts tendus (pinchs main à plat).

Et la compétition dans tout ça, tu en es où ?

Cette année c’était ma première année en senior. Ma première compétition de l’année c’était la coupe de France d’Arnas et je n’ai pas tellement aimé grimper. Ensuite je me suis inscrit au sélectif équipe de France. Mais au final, plus je me rapprochais de l’échéance, plus je me srendais compte que je n’avais pas envie de le faire. Je l’ai quand même fait vu que j’étais inscrit. Du coup suite à ça j’ai décidé de ne pas faire les championnats de France et d’arrêter la compétition. En plus ça faisait quelques années déjà que j’avais un double projet falaise et compétition, et ça ne me convenait pas de m’investir à moitié dans les deux. J’avais bien envie de m’investir à fond en extérieur donc c’est ce que j’ai fait.

Parle nous un peu de ton quotidien, que fais-tu dans la vie, comment est-ce que tu jongles avec l’entrainement et les projets en falaise, …

Ça dépend des périodes et des projets… Par exemple cet été, vu que j’étais en vacances j’ai grimpé en falaise 6 jours sur 7.
Après dans l’année, c’est différent je dois aller un peu en cours, c’est un autre rythme. Globalement cette année je me suis entraîné la semaine (pano/rési/endurance de force) et le weekend je suis allé grimper dehors. Une semaine type qui avait bien marché pour moi en début d’année, c’était training du lundi au jeudi, vendredi repos et le weekend les projets en falaise.

Sinon mon quotidien à Grenoble c’est grimpe avec les potes, quelques cours à la Fac et quelques sorties pour discuter, voir les potes et se marrer. Cette année ça va être différent, je n’ai plus de coach, je vais d’avantage grimper à l’envie et puis je vais tester de nouvelles choses à l’entraînement pour voir ce qui me convient bien.

J’en avais marre de suivre une planification stricte et d’écouter quelqu’un me dire ce qui est le mieux pour moi, j’avais besoin de trouver par moi même ce qui marche pour moi. Cette année j’aimerais grimper d’avantage dehors et me focaliser uniquement sur la falaise, donc forcément mon entrainement va changer: je vais m’inspirer un peu de la manière dont s’entraîne Seb Bouin.
J’ai l’impression que ça peut bien me convenir et j’ai vraiment envie d’essayer.

Le bloc très peu pour toi ?

On va dire que le bloc en extérieur c’est pas trop mon kiff, en fait j’adore grimper et du coup quand tu essayes un truc dur en bloc dehors, souvent ta séance se résume à essayer un mouv dans la séance ou à enchaîner 2 mouvs max . Et ça, ça me gave car j’ai l’impression de ne pas grimper.
Par contre j’adore faire du pano sur du mur, c’est ce que je kiff le plus en escalade je pense.
C’est hyper convivial, j’adore bourriner  et souvent quand je fais du pan je me retrouve dans un état d’influx assez exceptionnel et j’adore ça. Quand je suis dans cet état je suis drogué et je n’arrête pas de grimper, j’enchaîne des 6h de pano en étant surexcité.
Du coup j’adore le pano mais pas trop le bloc en exté.

Peux-tu nous raconter ton meilleur souvenir en falaise ?

Comme ça j’en vois 3, le meilleur je pense que c’était cet été dans les Gorges du Loup.
J’avais pour objectif de faire « Trip Tik Tonic » à la séance. Lors de mon premier jour à la falaise je me suis mis directement dedans. J’ai essayé toute la journée, j’ai du mettre 5 montées dedans, et lors de mon dernier run je suis tombé au crux et la nuit est arrivée. Je me suis posé 5min puis je me suis dit que j’allais remettre un run à la frontale car il y avait peut être moyen que j’enchaîne.
J’ai mis mon run à 22h, les potes étaient là pour m’encourager et vu qu’il faisait nuit je voyais juste les prises qui étaient devant moi.
Je n’ai jamais été aussi proche de tomber sur les mouvements et pourtant je me suis retrouvé au relais, de nuit, c’était juste un moment magique.

Le jour où j’ai enchaîné « Biographie », c’était mythique aussi, je ne réalisais pas ce que je venais de faire. J’avais hésité à remettre un essai et puis finalement j’ai mis le combat de ma vie et ça a marché. C’était fou j’étais sous le choc.

Et le dernier c’était « Sacrilège », un 8b+ à Berlin, c’était le dernier jour du trip, j’ai mis un run alors que la nuit tombait, je n’avais pas de frontale et je n’avais pas calé le 7c de fin. Je me suis donné comme jamais et c’est un miracle que je sois arrivé au relais. Arrivé là haut c’était magique tout était si calme, la  vie et l’ambiance étaient ouf.

Un dernier mot à ajouter ?

Merci à mes sponsors : Tenaya, Petzl, Nograd, Au vieux campeur, Boma

Publié le : 19 septembre 2023 par Charles Loury

# Actualités PGInterviews

Tanguy Merard