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Portrait: Simon Lorenzi, le Belge en forme du moment!

Simon Lorenzi, ce nom commence doucement à raisonner dans le monde du bloc, notamment suite à ses très belles réalisations à Bleau ces derniers mois avec une facilité parfois déconcertante. De nationalité Belge, Simon Lorenzi est un passionné, un vrai, et nous sommes allés à sa rencontre histoire d’en savoir un peu plus sur le phénomène…


Avant de commencer, peux-tu te présenter à nos lecteurs ? Qui est Simon Lorenzi ?

Je suis un jeune belge de 23 ans, né d’un papa d’origine italienne (comme mon nom de famille l’indique) et d’une maman belge. À côte de l’escalade, je suis actuellement en 4e année d’éducation physique (STAPS) à l’Université de Louvain-la-Neuve et je suis soutenu financièrement comme sportif de haut niveau par la fédération Wallonie-Bruxelles.

Reviens un peu sur tes débuts en escalade, comment as-tu eu le déclic ?

J’ai commencé très très jeune car mon papa est un passionné de l’escalade. C’est d’ailleurs lui qui a ouvert le premier 8c en Belgique en 1994, qui n’avait pas connu de répétition depuis… Jusqu’à cette année où j’ai fait la première répétition, pour la petite anecdote. J’ai donc commencé très tôt, mais je ne m’y suis pas réellement intéressé tout de suite. Ce n’est que vers 11 ans que j’ai commencé à grimper plusieurs fois par semaine, et ensuite vers 14/15 ans que j’ai commencé à m’investir plus sérieusement. La passion et l’envie sont dès lors devenues plus importantes d’année en année.

Ton nom est très souvent revenu sur le devant de la scène ces derniers mois suite à de très belles réalisations en bloc, tu peux nous en faire un petit bilan ?

En effet, je suis venu à Fontainebleau 4 jours en septembre et ici 3 jours en octobre. Ça a été plutôt productif étant donné que j’ai enchainé sur ces deux weekends cumulés, 9 blocs dans le 8e degré, dont trois annoncés 8C, un 8B/+, un 8B, trois 8A+ et un 8A. Mon précédent weekend à Fontainebleau datait d’avant le confinement et j’en avait également profité pour faire mon premier 8B flash avec « l’insoutenable légèreté de l’être ». La forêt me convient donc bien on dirait !

Tu as proposé une décote pour pas mal de blocs extrêmes, c’est assez rare de nos jours ! Quel est le processus qui amène à proposer une décote ? As-tu eu des retours suite à ces propositions ? ²

Oui, c’est vrai que j’ai décoté plusieurs blocs lors de ces derniers séjours. En réalité lorsque je fais ces propositions, j’essaie de me baser un maximum sur des faits et non sur mes sensations du moment, comme beaucoup de personnes ont tendance à penser. Une fois que j’ai enchainé et que j’ai ma propre opinion, je la compare à ce que je vois sur bleau.info et sur 8a.nu pour le bloc en question. A partir de là je donne mon avis sur la cotation. Beaucoup de gens ne proposent pas de décote mais disent pourtant « soft » ou « pourrait être une cotation plus bas ». Quand je vois que cet avis est partagé par plusieurs grimpeurs et que, après avoir grimpé le bloc, je ressens ça aussi, je n’hésite juste pas à annoncer une cotation à la baisse.  J’ai effectivement eu pas mal de retours vis-à-vis de ça, mais pas encore vraiment de retours négatifs. Soit c’est positif, soit les gens se posent un peu des questions mais pour l’instant le fait de remettre en question certaines cotations est assez enrichissant car ça pousse à la réflexion je trouve.

Aujourd’hui c’est un peu la course à la cotation en falaise ou en bloc, qu’en penses-tu toi ? Comment tu te positionnes par rapport à ça ?

Je pense qu’au-delà d’être la course, le niveau est encore en train de s’élever. On voit beaucoup de grosses croix tomber ces derniers temps car certaines personnes très fortes, qui s’entrainent depuis longtemps, prennent plus le temps d’aller se frotter aux blocs durs. Je pense évidemment à Drew Ruana pour n’en citer qu’un. Cependant, il y a un phénomène de course au chiffre qui, je pense, est global et touche tous les niveaux. Il y a un besoin de valorisation qui passe par la cotation et on préfèrera aller faire son premier « 7b » si celui-ci est très abordable que d’aller se mettre dans le mal dans un 7a exigeant pourtant bien plus beau. Même si tout le monde n’est pas comme ça, c’est quelque chose d’assez présent, également dans le haut niveau. Je trouve ça dommage car dans ce cas, la cotation est régulièrement utilisée à des fins médiatiques. Personnellement, je grimpe avant tout dans les blocs/voies qui me font envie de par la ligne et les mouvements. La deuxième chose que je prends en compte est la difficulté du passage, car je prends plaisir à me confronter à mes limites. En fait je suis avant tout passionné par la grimpe en elle-même. Je passe par exemple beaucoup de temps lors de mes repos entre deux runs ou deux blocs en forêt à juste toucher la texture et les préhensions du moindre bout de caillou autour de moi. Et je crois que c’est cette passion qui aide à se détacher un peu de la cote car, on ne va pas se mentir, elle est dans une certaine mesure aussi importante pour moi !

Au regard de tes dernières performances, on imagine facilement un projet plus dur pour toi… le 9A bloc de Nalle Hukkataival t’inspire ? ou un 8C flash ?

J’aimerais trouver un projet dans lequel m’investir vraiment et « Burden of Dreams » est une très belle ligne mais pour l’instant je préfère y aller petit à petit et commencer par faire 8C+ dans un endroit moins isolé. Le assis de « Big Island » me tente énormément et je compte m’investir dedans dès que j’en aurai l’occasion! Quant au 8C flash je crois que c’est peu probable, mais qui sait, peut-être un jour avec de la chance, car je me sens déjà physiquement capable de flasher un 8B+ qui me conviendrait bien. En tout cas, j’essaie de ne pas me mettre de barrières mentales à ce sujet-là.

À ce sujet, comment comptes-tu occuper la fin de l’année 2020 ?

Actuellement je m’entraîne uniquement pour le championnat d’Europe à Moscou, on verra s’il a lieu. Après ça j’aimerais foncer à Bleau pour travailler le assis de « Big Island » ! J’envisage aussi de partir en Suisse et en Espagne début 2021.

Du coup les compétitions dans tout ça ? Juste pour t’amuser ou de réels objectifs derrière ?

A la base c’est mon objectif principal et c’est pour ça que je m’entraine, tout en sachant que ça me rend fort pour l’extérieur (pour l’instant l’entrainement porte d’ailleurs mieux ses fruits en dehors de la compétition). J’aimerais intégrer plus de moments pour aller grimper en extérieur dans mon planning car ça nourrit vraiment ma motivation et ça me booste pour la compet. J’aime la compétition mais je sais que quand je serai plus vieux je grimperai uniquement pour la falaise et le bloc dans le but de me faire plaisir.

Et si on parlait entraînement ? Dis-nous comment ça se passe pour toi… Tu t’entraînes seul ? Avec un entraîneur ? Nombre d’entraînement ? Plutôt physique ou technique ? Des conseils à donner ?

Je suis venu faire mes études à Louvain-la-Neuve car mon entraineur est basé ici. On a un mur de difficulté et un pan mais pas de vraie zone de bloc donc on doit souvent se déplacer. En général je m’entraine 5 jours par semaine et j’ai régulièrement deux entrainements sur la journée. On travaille beaucoup sur le physique mais on l’a un peu trop fait ces dernières années, au détriment d’autres choses. Depuis un peu plus d’un an maintenant on réajuste le tir avec plus de mise en situation, et pas que du pan. Je pense que le meilleur conseil que je puisse donner serait de travailler sur ce dont on a le plus besoin pour progresser et donc se concentrer sur ses points faibles, sans pour autant négliger ses points forts. Et pour être confronté à ses lacunes il faut essayer de grimper dans des situations variées. La polyvalence, c’est super important en escalade !

Comment expliques-tu l’explosion de ton niveau ces derniers mois ? Qu’est-ce qui a fonctionné dans ton entraînement pour en arriver là ?

J’ai pas mal réfléchi à ce que j’ai fait de différent ces derniers mois et j’ai relevé deux choses. D’une part, j’ai grimpé plus en extérieur et d’autre part j’ai progressé en souplesse et en mobilité (j’étais très raide avant). Je ne crois pas être physiquement plus fort qu’il y 6 mois mais j’ai l’impression que la mobilité me permet d’utiliser mon corps à un plus haut potentiel. Je pense aussi qu’auparavant je n’avais pas eu, ou pas saisi, l’occasion de montrer ce dont j’étais capable car je grimpais trop peu dehors.

As-tu encore une marge de progression ?

Oui, je pense que j’ai encore une belle marge de progression car il y a certains aspects de l’entrainement sur lesquels je n’ai encore jamais vraiment eu le temps de bosser. Jusqu’ici, je n’ai pas encore eu besoin de m’investir plus d’une ou deux séances dans les blocs que j’ai enchainé. Je n’ai pas non plus eu le temps de consacrer plus de séances à des blocs « plus durs », chose que j’aimerais faire cet hiver. On verra ce que ça donnera !

© John Janssens

Quand tu te fixes un objectif sur un bloc en particulier, quel processus mets-tu en place jusqu’à l’enchaînement ?

Dans les blocs vraiment durs j’essaie toujours de fonctionner de façon méthodique en travaillant les mouvements un par un ou par sections. Une fois que j’ai fait tous les mouvements, je répète et je trouve de petits ajustements pour ceux qui me posent un problème, mais je ne perds pas d’énergie à répéter les mouvements moins durs. Lorsque tout est calé, je prends des bons repos et je mets des essais en étant concentré à 100% et prêt à tout donner. Enfin, il faut aussi que mes chaussons soient parfaitement propres et que la gomme colle !

Le mot de la fin ?

J’espère que la crise sanitaire actuelle ne m’empêchera pas de mener à bien mes projets pour l’année à venir… mais tant qu’on nous laissera grimper dehors, je survivrai !

Publié le : 28 octobre 2020 par Charles Loury

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