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Portrait d’Agathe Calliet : « Tout ce que je vis est un peu fou et inattendu »

© Ryo Kubota

Agathe Calliet commence l’escalade malgré elle à 8 ans, évolue progressivement et lentement dans un petit club à côté de Valence avant de s’investir plus intensément en intégrant le club Minéral Spirit. Désormais Agathe est membre de l’équipe de France de bloc. La grimpeuse de 20 ans partage son évolution « inattendue » et l’équilibre qu’elle a mis en place entre le sport de haut niveau et sa vie de jeune adulte.


Il n’a pas été difficile de récolter les informations nécessaires pour la rédaction de cet article : très avenante (et un peu pipelette sur les bords), Agathe a volontiers partagé ses anecdotes pour permettre de mieux la cerner.

Quand on l’interroge sur le choix de ce sport, Agathe ne parle pas de révélation :

J’ai commencé parce que mon oncle et mon père faisaient beaucoup d’escalade. Je ne voulais pas du tout en faire : je faisais de l’athlétisme et j’aimais beaucoup ça. J’ai un peu été forcé par ma mère et finalement dès la première séance ça m’a plu et j’ai continué.

Son immersion dans le monde de l’escalade se fait avec le club de Chabeuil, à quelques kilomètres de Valence. Elle entame la compétition dès ses premières années, et persiste sur cette voie malgré les résultats peu satisfaisants. « Je me rappellerais toujours d’une compète où j’avais été très nulle et où j’avais pleuré dans les bras de mon père à l’annonce des résultats ». Loin de la décourager, cela la pousse à s’inscrire dans un autre club pour s’investir plus intensément. Elle intègre alors le club Minéral Spirit à Valence et passe d’un entrainement d’une heure par semaine à trois entraînements de deux heures. Sa détermination paye mais pas à la hauteur de ce qu’elle avait espéré : elle parvient à se hisser en finale lors des Championnats de France de difficulté à Tournefeuille en 2018 alors que l’année précédente, elle se plaçait dans les 40ème à Brest.

Le premier résultat dont je suis fière est mon podium en coupe de France à Valence alors que j’étais en minime 2 : j’ai terminé 2ème et c’était totalement inattendu. J’étais super contente parce qu’il y avait toutes les filles fortes et c’est là que j’ai commencé à être piquée. Je me rappelle avoir adoré l’ambiance : lors de la finale il y avait des lumières, le public, tout était trop bien.

Elle entre finalement pour la première fois en équipe de France lorsqu’elle termine 3ème au championnat de France de difficulté à Marseille en 2019. Les portes des compétitions européennes s’ouvrent alors à elle : Suisse, Autriche, Russie…. « C’était le début d’une belle aventure que je n’ai pas encore achevée ». Ses premiers résultats révèlent une polyvalence impressionnante mais qui ne lui permettent pas de se qualifier pour les compétitions du circuit mondial. « C’était génial parce que j’avais fait un bon classement mais en même temps c’était horrible parce qu’il fallait être sur le podium pour aller au monde. » Cette année là, en 2021, elle termine 4ème en bloc et 9ème en difficulté au Championnat d’Europe en Russie.

Pendant cette période, elle combinait le sport à haut niveau et le lycée. La difficulté d’agencer les deux l’a encouragé à faire ses études supérieures à Grenoble l’année suivante et d’intégrer le pôle de Voiron pour acquérir un environnement encore plus propice aux progrès.
S’investir dans sa carrière d’athlète de haut niveau ne signifie pas pour elle abandonner la « vraie vie ».

Je n’ai jamais voulu arrêter mes études parce que j’ai envie d’avoir un peu deux vies. Après l’escalade, je veux avoir un métier : je suis en licence en sciences humaines appliquées et je vais intégrer une école de management l’an prochain. La formation est en distantiel et me permettra de m’entrainer plus souvent.

L’équilibre entre sport et étude mis en place repose sur une démarche personnelle qu’elle juge indispensable pour son bien-être. Bien qu’elle ne compte pas ses heures à la salle d’entraînement, elle souhaite garder un lien social avec des personnes extérieures à ce milieu.

Il y a 2 ans, en junior 1, j’étais quand même dans un cercle vicieux parce que je n’avais pas pu aller au championnat du monde. J’étais au fond du trou mais finalement le pôle et mes relations extérieures à l’escalade m’ont aidé à prendre du recul et à devenir plus mature. Cette déception me permet désormais de relativiser et de prendre plus de plaisir en compétition : je suis un peu libérée. Finalement j’ai été championne de France de bloc jeune l’année suivante en junior 2.

Elle réussit également à se qualifier pour ses premières coupes du monde de bloc en junior 2 en remportant la Coupe d’Europe en Autriche. Lors des championnats du monde jeune à Dallas en 2022, elle termine 4ème : « C’était ma dernière compète jeune et c’était un peu un clap de fin ». Agée alors de 18 ans, elle participe également aux évènements séniors tels que le championnat d’Europe à Munich et certaines Coupe du monde, mais déplore un petit syndrome de l’imposteur qui l’empêche de réellement performer.

© Victor Hall

Cette année, nous la retrouvions lors des championnats de France de bloc à Valence. Bien qu’elle soit dans un environnement familier et poussée par un public fier de sa championne locale, elle ne parvient pas à se qualifier en finale. La déception de ses supporters est toutefois supérieure à la sienne :

Le fait que ce soit chez moi, ça m’a mis une pression horrible même si j’étais très reconnaissante de pouvoir vivre ça. Finalement j’ai l’impression que les autres étaient plus déçus que moi de mon résultat. Je ne dis pas que je ne m’attendais pas à mieux mais la réaction de soutien des autres m’a surprise. Pour moi, mes résultats sont fous d’autant plus que je reviens de très très loin. Finalement je me suis rattrapée sur les sélectifs que j’ai gagnés et c’est ce qui m’a permis de partir avec l’équipe de France pour les deux coupes du Monde en Asie.

Lors de la Coupe d’Europe à Chambéry, quelques mois plus tard, elle parvient à se hisser sur le podium. Malheureusement, elle joue de malchance lors des Coupes du monde. Elle ne parvient pas en demi-finale lors de la première qui s’ouvrait au Japon et se blesse lors de la seconde en Corée du Sud. La saison sur le circuit mondiale s’arrête donc prématurément pur elle cette année à cause d’une poulie partielle. Sa motivation et sa détermination ne s’en trouve que renforcer pour les années suivantes.

Fidèle à elle-même, elle achève l’entretien avec un discours teinté de positivité. Elle tente de rétablir au mieux sa blessure pour reprendre les entrainements habituels le plus tôt possible.

Publié le : 20 juin 2023 par Morgane Morel

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