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Pierre Le Cerf : un solitaire sur les podiums

© Arkose / Pietro Sambuy

Qui connait la valeur calorique exacte de sa portion de pâte ? D’une pâte de fruits (qu’il ne mangera d’ailleurs pas pour cette raison) ? Pierre Le Cerf. En pleine période de sèche, il revient sur cette course au poids qu’il s’impose juste avant de reprendre la saison des compétitions.

Sa période de sèche s’étend sur un mois et demi. Le but ? Perdre le plus de poids mais intelligemment pour ne pas affaiblir et fragiliser l’organisme. Pour cela il ne se rapporte pas au savoir-faire d’un coach ou d’un nutritionniste mais il tente l’aventure en autodidacte.

Il n’en est pas à sa première expérience en solo. Depuis ses débuts en escalade, il s’entraine seul, il se soutient seul et il participe aux compétitions seul. « Petit, on pleure facilement après une défaite en compétition : moi je le faisais seul sur le côté de la voie ». Impossible de ne pas partager cette citation qui va faire fondre le cœur des filles. Mais pas de panique, si ce grand solitaire préfère en effet conserver son indépendance, cela ne l’empêche pas de se positionner sur les podiums français. Il détient, entre autres, trois titres de champion de France jeunes (en 2015, 2018 et 2019) et trois victoires en coupe d’Europe jeunes. Hors du circuit des compétitions, il comptabilise plus de 10 voies validées dans le 9ème degré. Palmarès plutôt impressionnant pour ce sportif qui fête ses 23 ans aujourd’hui. Malgré son engagement encore plus marqué dans l’escalade depuis son déménagement à Grenoble, il reste sur sa position, à savoir s’entrainer seul :

J’ai toujours aimé être seul et particulièrement quand je grimpe. Bien sûr j’adore grimper en groupe avec les copains mais quand je m’entraine je m’isole toujours un peu.

Il organise donc son planning au feeling, si l’on peut dire, et au jour le jour en fonction des opportunités. Ce fonctionnement lui permet d’échapper aux emplois du temps prédéfinis et aux impératifs dont il a horreur :

Je déteste qu’on me dise ce que je dois faire. Ce qu’il y a de bien avec ma manière de m’entrainer c’est que je m’écoute beaucoup et donc forcément je me fais plaisir. Après il ne faut pas perdre de vue ses objectifs et les étapes pour les atteindre.

Ce choix qui peut paraitre peu stratégique s’est pourtant révélé bénéfique en compétition. Il décrit certains de ses adversaires dépendant du conseil de leur coach si bien que lors des finales, où les coachs sont mis en retrait, leur absence devient un handicap. Aucune différence pour le niçois qui a appris à gérer le stress et les lectures de voies en solitaire.

Quand Pierre parle d’escalade, il ne mâche pas ses mots pour lui déclarer son amour. Il explique pourtant avoir découvert cette pratique un peu par hasard et avoir même risqué d’arrêter très jeune au profit d’un autre sport :

J’avais interrogé ma mère pour savoir quel sport entre le tennis et l’escalade était susceptible de rapporter le plus d’argent.

Manifestement, la maman de Pierre ne connaissait pas bien le milieu de la grimpe pour lui conseiller ce sport. Il soupçonne néanmoins sa mère d’avoir été influencée par son rejet du milieu de la compétition. Protectrice, elle ne voulait pas que son enfance soit rythmée par les championnats et influencé par les dérives négatives parfois observées dans ces milieux. Manque de chance pour elle, il s’inscrit dans une salle à proximité de chez lui et développe une aisance remarquée en grimpe si bien qu’il entre très jeune dans le milieu de la compétition. Plus tard, il s’investira en falaise et réussit également à se démarquer en outdoor :

Ce qui m’a plu dans la grimpe en falaise c’est la perf. C’est quand même stylé de valider certaines voies emblématiques. Aujourd’hui que j’en ai validé une dizaine, je n’ai plus le même intérêt.

Son intérêt actuel se concentre autour de son régime restrictif. Alors qu’un tel contrôle sur sa nourriture pourrait être considéré comme dangereux et synonyme de trouble alimentaire, Pierre le décrit tout autrement.

J’ai toujours aimé les chiffres et compter, même si j’ai lâché les maths au lycée. Alors en période de sèche ça m’intéresse de vérifier ce que je mange pour ne pas m’éloigner de mon objectif.

C’est donc avec une curiosité et une motivation débordante qu’il se lance dans cette période exigeante. Son investissement passe tout d’abord par de la documentation. Il décrit de nombreuses heures passées à lire et regarder des contenus dédiés à l’alimentation. « Je sais que ça parait un peu fou mais j’adore me documenter sur ce sujet et finalement ce n’est même plus une corvée pour moi : j’étais impatient de commencer la sèche en décembre ». Il touche peut-être du doigt sa vocation pour une vie future.

Alors qu’il se distingue par son contrôle du poids qui relève presque de l’obsession, il est également connu et reconnu du grand public par tout autre chose : ses chaussettes. « Des fois quand je suis dans une salle, les gens me reconnaissent pour mes chaussettes ». Alors que la majorité des grimpeurs les abandonne rapidement, Pierre a décidé de les conserver dans ses chaussons.

On pensait que j’en avais un peu honte alors que pas du tout donc j’ai décidé de les rendre apparentes. C’est un peu ma marque de fabrique.

Il explique ce choix atypique seulement pour une question d’habitude : n’ayant pas eu d’entraineur, on ne lui avait jamais conseillé de les retirer lors de ses premières années de grimpe. En 2023, il sera donc possible de retrouver Pierre (et ses chaussettes) sur les compétitions d’escalade bien qu’il entame une pause d’un mois suite à une blessure au coude. Il garde dans un coin de sa tête les Jeux Olympiques 2024 qui restent un idéal à atteindre pour de nombreux athlètes. Il souhaite également trouver un nouveau projet en falaise qui le motive autant que les précédents.

©Aurèle Brémond

Publié le : 12 mars 2023 par Morgane Morel

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