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Nicolas Moineau, grimpeur non-voyant, enchaîne son premier 8a !

Le Français Nicolas Moineau, grimpeur non-voyant, est entré dans le club très sélect des grimpeurs aveugles ayant enchaîné un 8a. D’après nos sources, il serait peut-être même le seul au monde. Rencontre.

Depuis petit, Nicolas souffre d’une rétinite pigmentaire, une maladie génétique qui dégrade sa rétine. Quand il commence l’escalade, Nicolas voit encore ses prises de mains et de pieds. Peu à peu, sa vue se détériore et aujourd’hui, Nicolas ne voit plus rien du tout.

Après avoir décroché le titre de champion du monde d’escalade en catégorie déficient visuel en 2012, Nicolas a eu besoin de se tourner vers de nouveaux défis. Sa soif de challenges l’a conduit sur le rocher où il sévit maintenant depuis quelques années. Comptant déjà un 7c+ et trois 7c à son actif, Nicolas rêvait de franchir les portes du 8a. Après plus d’un an d’effort, il y est parvenu.

Nicolas, peux-tu te présenter rapidement ?

Je m’appelle Nicolas Moineau, j’ai 46 ans et grimpe depuis une petite trentaine d’années. J’habite Cahors et grimpe plutôt dans le sud-ouest et en Espagne de temps en temps.

Peux-tu nous parler de ta maladie génétique ?

Je suis porteur d’une rétinite pigmentaire qui a dégradé ma vision. Je suis passé progressivement du statut de malvoyant à celui d’aveugle. On peut dire que je ne voie plus rien depuis une quinzaine d’années. J’ai été champion du monde de ma catégorie en 2012 à Bercy. Et ayant stoppé la compétition en 2018, je me mets des défis en falaise.

Parle nous de ta dernière performance, un 8a que tu as enchaîné après plus d’un an d’effort.

J’avais à mon actif un 7c+ et trois 7c jusqu’à présent. Et je suis entré dans le club très fermé des octogradistes aveugles depuis quelques jours.

Je cherchais un projet dans ce niveau de difficulté et plutôt basé sur la conti. Après conseils, je me suis mis au travail il y a un an dans cette ligne. Il s’agit d’une voie de 40 mètres en léger dévers avec quelques sections bien intenses et deux repos partiels. Il y a très peu de passages vraiment faciles, je crois que je suis tombé quasiment partout pendant les essais.

Décris-nous cette voie ?

Les dix premiers mètres sont les plus durs, avec un crux bien marqué au quatrième point qui m’a bien fait péter les plombs ! Ensuite, on peut délayer un peu sur des bacs et c’est reparti sur de la fissure un peu bouchée avec des grands mouvs sur 7 ou 8 mètres jusqu’à un repos partiel que j’ai optimisé en portant une genouillère à droite et en essayant de me relâcher la tête en bas. On quitte le repos pour remonter une colo sur quelques mètres, ce qui remet rapidement les bouteilles ! Il faut ensuite franchir un bombé bien marqué avec une arquée main gauche dure à tenir et un bac très loin, et tout ça avec des pieds fuyants. Je suis tombé de nombreuses fois à cet endroit. Deux ou trois grands mouvs plus haut, j’ai trouvé de quoi caler un autre repos partiel grâce à ma genouillère, ça me permet de me refaire avant le crux final. La dernière section consistait en une relance dynamique sur un bac, aller chercher un plat grumeleux assez mauvais, monter un pied très haut, ramener sur une épaule main droite et c’est fini ! Je viens de me refaire la voie dans la tête, ça ferait 87 mouvements de main.

© Isabelle Jaumier

Comment as-tu travaillé cette voie ?

J’ai commencé le travail de la voie il y a un an. Ça s’est passé en moulinette jusqu’à ce que je tape les premiers vrais essais en tête en juin. J’avais installé une corde fixe avec l’aide d’un pote, comme ça je pouvais m’installer la moul’ en début de séance. On peut dire que 40 mètres de remontée sur corde, ça finissait bien de m’échauffer !

Au fur et à mesure des essais, j’ai fini par tellement intégrer la voie que j’avais à peine besoin d’être guidé. Dans la première section j’ai quand même mis trois tickets pour rendre visibles trois micro pieds pour que l’assureur puisse me les indiquer. Heureusement c’était vers le troisième point, donc ça restait visible.

Qu’as-tu ressenti pendant ton run d’enchaînement ?

Pendant l’essai victorieux, j’étais assez libéré de toute pression. Je sortais à peine d’une semaine de Covid qui m’avait fatigué et du coup je me disais que ça n’allait pas le faire. Mais en même temps, j’étais dopé par les conditions qui étaient enfin revenues à la normale. J’ai tapé tellement d’essais par 30°C que finalement à 22°C s’est devenu presque facile ! Bref, quand j’ai réussi le dernier mouv j’avais du mal à réaliser.

Quels sont tes autres projets maintenant ?

Les projets de l’hiver seront moins ambitieux , j’ai deux 7c en vue vers la Dordogne sur du calcaire sableux du Périgord. J’ai besoin de changer de style et j’ai surtout envie de projets qui sortent plus rapidement. Je ne vais pas me remettre dans un chantier d’un an tout de suite.

Publié le : 18 octobre 2023 par Nicolas Mattuzzi

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