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Micka Mawem, seul français actuellement qualifié pour les JO, revient sur son championnat du monde 2019

© Planetgrimpe

Alors que les championnats du monde seniors se sont clôturés il y a quelques jours, nous sommes allés à la rencontre de Micka Mawem, le seul français qui réussi à prendre son ticket pour les JO actuellement.

Il nous fait un retour sur l’ensemble de sa compétition en plusieurs points…

L’avant compétition

Pour commencer, on est parti avec toute l’équipe le 4 aout pour une compétition qui démarrait  le 11. L’idée c’était de pouvoir se préparer correctement et récupérer du décalage horaire. Vis-à-vis de l’équipe il y avait une bonne ambiance entre les athlètes, le staff et tous ceux qui étaient du voyage. C’était l’un des premiers voyages avec toute l’équipe où on a eu une aussi grande cohésion entre nous. On a vraiment senti qu’on était une équipe malgré les enjeux qui étaient énormes. Après, c’est sur qu’il y a toujours des moments où chacun reste dans sa bulle mais tout le monde était là pour se soutenir les uns les autres, et ça c’était vraiment top !

Championnat du monde de bloc

Concernant le début de compétition, ça a commencé par le championnat du monde de bloc pour moi. Personnellement je suis arrivé sur ce championnat avec beaucoup moins d’attente que d’habitude. Bien sûr l’idée c’était de faire le meilleur résultat possible, j’y suis allé pour gagner, mais cette saison j’ai eu beaucoup de coups durs, je n’ai pas réussi à grimper à mon niveau, je n’ai pas retrouvé mon flow en compétition. Donc je suis arrivé sur ce championnat du monde avec beaucoup d’interrogations : et la plus grosse était de savoir si j’avais le niveau pour avoir ma qualif pour les JO, le niveau pour aller jouer avec les meilleurs…

Du coup j’ai attaqué le bloc sans savoir ce qui allait se passer. J’y suis allé à fond. On est tombé sur des circuits extrêmement durs. En général toutes les compétitions étaient dures mais le circuit bloc l’était vraiment. Je parviens à grimper dans tous les blocs, j’atteins les zones et les derniers mouvs. Je fais l’un des blocs les plus simples en coordination mais tous les autres étaient vraiment très durs. Pour rentrer en demi-finale il fallait toper deux blocs malheureusement ça ne passe pas et je me classe douzième de ma poule. Donc oui, je suis déçu de ne pas rentrer en demi-finale, le résultat n’est pas top, mais je limite la casse en étant tout proche…

© The Circuit Climbing | IFSC

Championnat du monde de difficulté

Ne pas être pris en demi-finale m’a donné un jour de repos le lendemain avant d’attaquer la difficulté qui est la discipline où je m’entraîne le moins. J’ai commencé à en faire il y a deux mois, j’ai seulement grimpé en diff sans faire d’entrainements « purs » juste pour trouver mon style de grimpe, ma façon de grimper. Donc mon objectif était d’être à mon maximum et c’est ce qui s’est passé: sur les qualifications je me place 45eme. Je ne m’attendais pas à un meilleur résultat. Je suis déjà content de ne pas avoir fait d’erreurs et d’être tombé dans mes voies en étant à bout de force.

Championnat du monde de vitesse

Après les qualifications de la diff, c’était déjà presque plié pour le combiné puisque j’étais 33 ou 34. Tout montrait que rentrer dans les 20 premiers c’était quasiment impossible. A partir de là je savais qu’il fallait que je me mette en condition pour la vitesse, non pas en me disant de faire un résultat que je n’ai jamais fait mais plutôt en me disant de me donner à fond, de ne pas lâcher, de faire comme si je pouvais entrer dans les 20 qualifiés du combiné.

Je suis donc arrivé très concentré sur mon premier run de vitesse. J’ai fait 6,28s, je bats me records qui était de 6,32s donc j’étais super content de moi, je me disais voilà j’ai fait ce que je pouvais. Tout faisait penser que je n’allais pas rentrer dans les 20 premiers car ça dépendait aussi des résultats des autres. Et finalement, ne rien lâcher, avoir fait ce que je savais faire à l’entrainement m’a permis de rentrer dans les 20. C’était un soulagement énorme à ce moment là!

J’étais vraiment fier de ne rien avoir lâché. Ça résume parfaitement mon année où j’ai reçu beaucoup de claques, où tout le monde me répétait que je n’avais pas le niveau, mais je n’ai rien lâché, je savais où je voulais aller et mon objectif de l’année se concrétise Au final et c’était une réelle fierté. C’était vraiment un très bon moment pour moi.

En étant dans les 20, tout était encore à jouer. Je ne pouvais qu’améliorer ma place en bloc et en diff, et en vitesse il fallait seulement que je continue de faire ce que je sais faire. Être dans les 20 engendre forcément énormément de stress, mais voilà, l’objectif était atteint et j’ai profité. Je me suis dit« Profite de ces moments, alors oui il y a l’objectif des J.O mais tu fais parti de la poignée de grimpeurs à être sélectionné pour le combiné donc profite à fond ». Je suis totalement sorti de ma routine, de ce que j’avais l’habitude de faire à l’entraînement pour me laisser grimper librement.

Championnat du monde du combiné

Pour le combiné, sur les qualifs j’ai commencé par la vitesse qui est vraiment la discipline la plus stressante, surtout que je savais  que pour arriver à me classer je n’avais pas le droit à l’erreur. Il fallait absolument que j’arrive à faire autour de 6,30s. Si j’arrivais à être régulier sous les 6,50 c’était déjà bien. Donc je fais mon premiers run, j’y vais à fond, je fais 6,25s et là c’est magnifique, je bats à nouveau mon record et je me classe en troisième position de la vitesse donc c’est vraiment super.

Une troisième place dans les 20 c’était déjà très bien mais il faut tout de suite switcher et aller au bloc. Le bloc c’était ma vengeance. J’y suis allé en me disant que c’était là où je devais m’exprimer et faire quelque chose que je n’avais pas fait cette année : grimper. J’ai appréhendé la compète comme ça, le circuit était encore une fois plutôt relevé mais j’ai fait le job, j’ai retrouvé le Micka qui sait faire des blocs, le Micka efficace, qui sait se battre, qui n’hésite pas et qui est plutôt relâché. Ça me permet de me placer en milieu du tableau dans les 7 ou 8 sur 20, donc je reste dans une bonne moyenne.

Je ressors de ce circuit content de moi, bien sûr on peut toujours mieux faire mais par rapport à tout ce que j’ai pu montrer cette année c’était vraiment bien.

Après sur la diff, mon objectif c’était de me donner à fond et de descendre de ma voie en me disant que j’avais tout donné comme sur les qualifications de la diff quelques jours plus tôt. J’aurais pu rentrer deux trois mouvs en plus mais ça n’aurait pas changé grand-chose à mon classement. Quoiqu’il en soit, je suis descendu en me disant « Yes tu as grimpé, tu n’as pas hésité, tu as tout donné ». Après ça, j’étais assis à côté du frangin et on voyait qu’il était possible de rentrer dans les 7 qualifiés aux Jeux Olympiques, mais ça dépendait aussi des résultats de certains, jusqu’au dernier moment j’ai cru que c’était foutu et finalement ça l’a fait ! Et pour couronner le tout, Adam Ondra qui fait l’erreur de poser son pieds sur le spit et de pousser dessus me permet de rentrer en finale.

Bassa et Micka | © Planetgrimpe

C’était un gros soulagement, et c’était difficile de se remettre en mode compétition pour la finale après avoir eu ma sélection aux JO, mon objectif de l’année! Mais bon pas le choix, j’attaque la finale du combiné pour gagner.

Donc j’ai réattaqué la compétition avec les duels en vitesse où il y avait vraiment beaucoup de stress. Pour résumer je fais une compétition avec pas mal d’erreurs mais je parviens à limiter la casse et à terminer 4eme sur les 8, ce qui était pas mal même si j’étais capable d’aller chercher la deuxième place.

Après sur le circuit de bloc, ils nous ont concocté 3 blocs vraiment extrêmes, on se prend tous des claques sur le premier. Et sur le deuxième pareil ! Les autres avancent un peu plus que moi. J’essaye vraiment d’y aller à fond mais je sais que je n’aurais pas pu faire mieux.

J’ai attaqué mon troisième bloc sans me dire que c’était mort mais plutôt en me disant de ne pas avoir peur de ce qui pouvait se passer. Les minutes défilent, le départ du bloc est vraiment dur, je décide de bien gérer mes repos. À la dernière minute je pars pour faire mon run et je me bats comme jamais : je savais que j’étais lancé pour finir en beauté. J’arrive sur la fin où certains étaient tombés et là je sors ce bloc ! C’était un réel plaisir de sortir un bloc et surtout au dernier moment, le dernier essai, d’autant que je prends la 4èmeplace, donc plutôt bien après la 4èmeplace en vitesse.

Pour la diff, je m’en sors plutôt bien dans le début avec toujours l’objectif de me donner à fond, j’arrive dans le crux de la voie, et en clippant mon poignet se déboite. C’est une ancienne blessure que j’ai depuis un moment, mes poignées sont laxes et ils peuvent se déboiter légèrement. Donc sur ce mouvement j’essaye de ramener mon autre main pour soulager mon poignet, et en me concentrant trop sur mes mains je zippe du talon et c’est terminé.

C’est quelque chose que j’aurai pu anticiper, c’est quelque chose que j’ai aussi sur mon poignet gauche, je l‘avais strappé sur toute la compétition, et avant la diff j’ai senti quelques picotements dans mon autre poignet, mais je ne l’ai pas strappé. Je le regrette, car j’aurai pu terminer en beauté dans ce style de voie. Mais l’essentiel est là, j’ai ma qualif pour les JO !!!

Du coup j’ai 3 mois de préparation supplémentaires car si je devais participer au TQO j’aurai du rester en forme jusque en décembre alors que là je vais pouvoir commencer à me concentrer sur mes points faibles et les travailler pour les JO.

Maintenant je crois les doigts pour que mon frère prenne sa place à Toulouse. Tout est possible quand tu es capable de bien scorer en vitesse ! Je mets ma main à couper qu’on sera aux JO entre frangins en 2020 à Tokyo, ce serait la plus belle chose qui puisse nous arriver !