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L’escalade est-elle interdite à Oliana ? On fait le point.

C’est une onde de choc qui a traversé la planète grimpe ces derniers jours… Oliana, l’un des temples de l’escalade de haut niveau, ferait l’objet d’une interdiction de grimper « jusqu’à nouvel ordre ».

Une décision aussi brutale que floue, prise par le gouvernement catalan, qui suscite incompréhension, colère et mobilisation du côté des grimpeurs… comme des acteurs locaux.


Un arrêté pris en toute discrétion

Le 16 décembre dernier, le Département de la Culture de Catalogne a proclamé un arrêté interdisant « les activités sportives impliquant l’escalade » dans une zone dite archéologique autour du Roc de Rumbau. Cette décision s’appuie sur une étude finalisée en juillet 2024, mais rendue publique seulement le 11 décembre, soit cinq jours avant l’entrée en vigueur de l’interdiction.

En cause : la présence de peintures rupestres préhistoriques situées dans la partie gauche de la falaise, déjà connues, protégées par un grillage, et classées depuis longtemps comme biens culturels d’intérêt national. Ces œuvres font également partie du vaste ensemble de peintures rupestres de la péninsule Ibérique inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1998. Nouveauté majeure toutefois : la mise en place récente d’une zone de protection élargie de 36 hectares, dans laquelle l’escalade serait désormais interdite.

Problème : ni les grimpeurs, ni les associations, ni même la mairie de Peramola (la commune dont dépend Oliana) ne semblent avoir été consultés ou clairement informés en amont.

Cette carte indique la nouvelle zone de protection décidée par l’arrêté (rose) et la grille de protection des peintures (rouge)

Une application encore floue…

Si l’annonce a provoqué un tollé immédiat, la situation reste pour l’instant juridiquement et concrètement confuse. Selon plusieurs grimpeurs locaux, guides et élus proches du dossier, la police locale n’aurait pas encore reçu l’ordre de faire appliquer l’arrêté. D’après un élu local, il serait encore possible, à l’heure actuelle, de grimper sans risquer d’amende.

Cette incertitude s’explique notamment par le flou entourant les limites exactes de la zone concernée : la « zone de protection » et la « zone archéologique » ne se superposeraient pas totalement, et il n’est pas clairement établi quelles voies seraient réellement impactées. Les agents ruraux eux-mêmes reconnaîtraient ne pas savoir comment interpréter précisément le texte.

Les grimpeurs injustement pointés du doigt ?

Pour de nombreux acteurs locaux, cette décision serait en partie liée aux conséquences de l’incendie de juin 2022, qui avait ravagé une large partie de la falaise. À l’époque, plusieurs voies avaient été endommagées, nécessitant purge, rééquipement et remplacement de spits et relais… Un travail largement assuré par la communauté des grimpeurs, via des initiatives bénévoles et des collectes de fonds.

Selon plusieurs grimpeurs locaux, les représentants du patrimoine auraient visité le site tardivement, plus d’un an après l’incendie, et auraient initialement mis en cause (à tort) l’activité des grimpeurs. Aucun élément ne permet pourtant d’affirmer que l’escalade aurait causé une quelconque dégradation des peintures rupestres, qui cohabitent avec la pratique depuis des décennies. Dès 2014, des ajustements avaient même été réalisés en concertation, avec la suppression du départ de certaines voies et l’installation d’une structure de protection autour des peintures.

Autre point central du dossier : la légalité même de la procédure. Les grimpeurs locaux, soutenus par des juristes et par la municipalité, estiment que le délai légal de consultation de 30 jours n’a pas été respecté. L’arrêté ayant été proclamé seulement cinq jours après la publication de l’étude, il pourrait être juridiquement attaquable, voire annulé. Un comble, alors même que la mairie de Peramola venait d’obtenir des financements européens pour développer un projet de centre d’escalade local. Une contradiction totale entre politique de développement territorial et décision administrative descendante, prise sans concertation.

Un temple de l’escalade mondiale en sursis

Depuis des décennies, Oliana est le théâtre d’exploits majeurs de l’Histoire de l’escalade. Parmi eux, le duel entre Adam Ondra et Chris Sharma entre 2009 et 2013 pour la première ascension de « La Dura Dura » 9b+, alors la voie la plus dure du monde.

Il y a quatre ans, Janja Garnbret est entrée dans l’Histoire sur cette falaise en devenant la première femme à enchaîner à vue du 8c, réalisant l’exploit deux fois sur « Fish Eye » et « American Hustle ». Plus récemment, en juillet dernier, Veronica Chik est devenue la plus jeune grimpeuse à enchaîner un 8c, à seulement neuf ans, également sur « Fish Eye ».

© Coll. Garnbret

L’histoire rappelle celle de Santa Linya, site voisin lui aussi confronté à un conflit entre archéologues et grimpeurs à la fin des années 2000. Là-bas, un compromis avait fini par émerger, avec une cohabitation saisonnière : grimpe autorisée en hiver, période clé pour la pratique, et interdite l’été pour permettre les fouilles.

Une solution similaire pourrait-elle voir le jour à Oliana ? Pour l’heure, rien n’est acté. Mais une chose est sûre : la communauté des grimpeurs ne compte pas laisser disparaître, sans dialogue, l’un des joyaux de l’escalade mondiale… Affaire à suivre !


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Publié le : 23 décembre 2025 par Nicolas Mattuzzi

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