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La désillusion des JO pour Manu Cornu

© Planetgrimpe

2016. Oui, c’est en 2016, année de son podium en bloc sur les championnats du monde de Paris Bercy, que Manu Cornu a décidé de s’engager dans la course aux JO. Il était l’un des premier à se lancer dans le combiné, à envisager les jeux, et pourtant, il ne fera pas parti des français à aller à Tokyo en 2020. Plus d’un mois après la désillusion du TQO, nous sommes allés à sa rencontre pour papoter de tout ça…

Raconte nous ce qui t’a décidé en 2016 à t’engager dans la préparation olympique.

Après les championnats du monde de Bercy, je n’avais plus d’objectif sur le papier, il fallait en trouver de nouveaux.

Au même moment l’escalade rentrait aux JO sous un format combiné. Avec la 2éme place que je venais de faire, ne pas tenter l’aventure aurait été idiot.

Depuis cette décision, comment résumerais-tu les années de compétitions qui ont suivie? 

Les années de compétitions (si on se fie aux résultats)  ont été bonnes, il faut voir la préparation dans la globalité avec l’entrainement et les progrès, j’ai vu plein de choses, j’ai continué de progresser dans tous les domaines, il y a eu des erreurs dans certains choix mais c’est la vie, ça fait grandir et ça restera quoiqu’il arrive de belles années.

En 3 ans, tu as changé 3 fois d’entraîneurs (Nico Januel en 2017, Sylvain Chapelle en 2018 et Ludo Laurence en 2019) pourquoi? N’est-ce pas pénalisant tous ces changements? Comment se sont passées les transitions d’un entraîneur à l’autre? 

J’ai changé 2 fois d’entraineur en réalité, Nico m’entrainait déjà depuis 2014, mais avec sa volonté d’arrêter d’entrainer l’Equipe de France, et mon départ à Voiron pour rejoindre le pôle olympique, ça devenait compliqué, je me suis donc rapproché de Sylvain qui était  sur place.

Après un an passé à Voiron, je ne sentais pas d’équilibre dans ma vie personnelle  à coté de la grimpe, je n’avais jamais vraiment vécu cette situation… j’avais toujours vécu proche de ma famille et de mes amis, c’était pas facile de repartir de Paris quand je venais en week-end et j’avais la sensation de mieux grimper en étant à Paris.

C’est peut être bête mais c’est comme ça, je ne suis pas superstitieux mais quand je regarde les moments où je me sens bien et où j’ai fait de bons résultats (les France à Massy, les Mondes…), on est assez proche de la capitale, il y a un truc en plus pour moi, donc au bout d’un an j’ai décidé de retourner m’entrainer là-bas.

J’ai emménagé à Evry juste à côté de Blockout 3 et je me suis donc rapproché de Ludo.

Pénalisant, je ne sais pas, je dirais que non, j’ai raté ma qualif mais j’ai gagné une coupe du monde de bloc (en 20 ans on est seulement 9 français à avoir décroché l’or), il n’y aurait pas eu l’objectif des JO, on aurait eu un bilan magnifique alors pénalisant, je pense pas.

Pour les transitions, ça s’est très bien passé, j’ai choisi des entraîneurs  avec qui, moi, j’avais envie de bosser, le reste ça ne m’intéresse pas…

Après des championnats du monde ratés en Août dernier, tu t’es préparé pour être dans les meilleures conditions possibles pour le TQO. Cela n’aura pas suffit puisque tu termines dernier de ce tournoi, laissant s’envoler le 2ème ticket français pour les JO au profit de Bassa Mawem. Peux-tu revenir sur ce TQO, épreuve par épreuve, et nous expliquer comment tu as vécu cette compétition?

J’ai abordé la compétition sereinement en étant sûr de ma force, et du travail effectué depuis plusieurs mois. Puis tout est allé très vite, j’ai commencé par tomber sur mes 2 runs de practice en vitesse, puis je prends un zip en bas à mon premier run de qualif, le 2ème était mieux mais malheureusement toujours pas bon, à cause d’une zipette sur la fin. Rien de grave à ce moment là, même si j’étais loin d’avoir marqué des points.

Ma discipline forte arrivait juste derrière et je voulais remettre les pendules à l’heure, m’appliquer, sortir les griffes… mais le bloc ça se joue à des détails et malgré que je sois le seul grimpeur à faire le bloc 1 à vue, derrière je tombe à tous les derniers mouvs et ça a été dur à digérer quand j’ai vu le classement…

Il ne restait plus grand chose à espérer en attaquant la diff, mais compétiteur que je suis je me raccrochais à l’idée de pouvoir sortir la voie le plus rapidement possible et par miracle gagner la diff sur un acte de piraterie. J’ai donc bien préparé mon run aux jumelles, mes dégaines, mes accélérations etc, j’avais prévu de mettre un rythme soutenu jusqu’au toit et ralentir sur ce passage qui me paraissait être la zone clef et puis finalement le cauchemar a pris fin comme il avait commencé avec une zipette en tout début de voie…

Comment expliques-tu cet échec toi personnellement? 

Il faut du temps pour comprendre et analyser, quand il s’agit de soi-même.

Mais ces derniers temps je me rends compte qu’il manquait quelque chose.

Je ne sais pas quoi, mais cette année a été spéciale pour moi, je me sentais vraiment prêt physiquement, je me suis entrainé, j’ai fait les efforts comme jamais et sur les premières compètes il me manquait de la rage… à Moscou j’ai souffert en qualif puis je suis rentré dans ma demie avec cette rage de tout vouloir casser, j’ai fait 7, premier non pris, sur un tour où je méritais réellement mieux.

Je me revois regarder les finales en haut des gradins sur le coté de la salle et me dire plus jamais ça. J’ai même pris une photo pour me le rappeler. Ca m’a fait mal mais ça a nourri ma rage, 2 semaines après  j’ai gagné à Chongqing.

Manu Cornu regarde la finale de Moscou depuis les tribunes …

Et puis après avoir gagné cette étape de coupe du monde, des choses ont changé, je suis sûr que sans cette victoire mon résultat aurait été different.

J’ai atteint un objectif qui était là depuis longtemps, ce n’était pas la plus grosse cible de l’année mais je l’ai fait.

Suite à cette compète, les réservoirs de rage et d’envie étaient diminués mais je suis parti pour m’amuser aux Frances de diff, à la journée olympique à Paris, plus le temps passait plus j’étais fort, et les mondes m’ont arrêté en pleine course…

Tout était planifié pour que je me qualifie aux mondes à Tokyo, et la vitesse m’a sorti des rails.

Après ça, ça a été dur, vraiment dur, j’ai mis du temps à accepter mon échec, je me suis senti mauvais, je n’avais  plus envie de jouer cette qualif, je pense que je voulais arrêter la compète, mais je m’interdisais de penser ça, j’étais à 2 mois du TQO, j’ai fait l’effort, mais aujourd’hui je sais qu’il manquait quelque chose.

Les dernières semaines de préparations ont été dures mais j’avais l’impression d’avoir retrouvé l’envie, en tout cas j’avais moins peur, et je voulais prendre ma qualif.

J’ai essayé de bousculer et provoquer des choses pour retrouver cette rage qui me fait devenir plus fort mais elle ne se provoque pas comme ça, elle est là ou pas…

Et ton entraîneur actuel, quelle est son analyse? 

Aujourd’hui je n’ai plus d’entraineur, mais sur le moment on a dit,  « c’est le haut niveau, on a tenté, on sait que tu avais le niveau mais malheureusement c’est comme ça. »

Avec ton principal objectif qui tombe à l’eau comment envisages-tu l’année 2020 et les suivantes? Penses-tu aux JO de 2024? 

Pour le moment je suis en roue libre, j’ai fait une petite pause mais je vais reprendre la grimpe assez vite, je ne vais pas m’entrainer comme les années passées, j’ai besoin de souffler, 2020 sera une année de transition pour moi, mais j’ai quand même un titre de Champion de France de bloc à récupérer, l’idée est de maintenir un maximum le niveau que j’avais il y a 1 mois, grimper un peu plus dehors, et a la fin de l’année je vous annoncerai que Paris c’est une ville importante pour moi !!!


La réaction de Manu quelques minutes après sa prestation sur le TQO…

Publié le : 27 décembre 2019 par Charles Loury

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