Le contenu

Jacopo Larcher réalise l’une des rares ascensions de « Meltdown » 8c+ trad

© Andrea Cossu (onsen_productions)

Le grimpeur italien Jacopo Larcher a réalisé la troisième ascension de l’emblématique « Meltdown », une des voies de trad les plus dures au monde, cotée 8c+.

Située à Cascade Creek, dans le Yosemite, « Meltdown » a été enchaînée pour la première fois par la grimpeuse américaine Beth Rodden, le jour de la Saint-Valentin, en 2008. De nombreux grimpeurs ont par la suite tenté de la répéter, tels que Ron Kauk (qui a été le premier à essayer la ligne), Enzo Oddo ou encore Tommy Caldwell, en vain. Ainsi, pendant plus d’une décennie, « Meltdown » est restée vierge de toute nouvelle ascension, jusqu’à ce que Carlo Traversi en vienne à bout en 2018.

Curieux à propos de cette voie, Jacopo Larcher est allé l’essayer pour la première fois en 2016, passant deux jours à travailler les méthodes. Ce n’est qu’au début du mois de cette année qu’il est revenu dans la voie, pour achever ce projet qui n’a jamais quitté le coin de sa tête. Après avoir brossé les prises et passé sept jours à relier les mouvements entre eux, l’Italien a enchaîné la ligne en tête, en plaçant tout son matériel.

À propos de son ascension, il déclare :

Il existe de nombreuses voies de trad dures à travers le monde, mais très peu sont devenues iconiques. Pour moi, « Meltdown » a clairement quelque chose de particulier. Je ne sais pas pourquoi, mais elle a cette aura mystérieuse. Je me souviens avoir regardé le film de l’incroyable première ascension de Beth, en 2008 ; à l’époque, je ne connaissais pas grand-chose au trad et je ne pouvais pas vraiment comprendre la signification de la voie et de son exploit. La ligne me paraissait si belle, mais complètement impossible pour moi. Il m’était impensable d’envisager la grimper à l’époque.

Quelques années plus tard, lorsque j’ai commencé à m’intéresser de plus en plus à cette pratique de l’escalade, j’ai commencé à réaliser que son exploit était clairement incroyable. Depuis sa première ascension, on n’avait pas beaucoup entendu parler de la voie, ce qui n’était pas si courant pour une ligne située au beau milieu de la vallée du Yosemite. Il y a eu des rumeurs selon lesquelles certains des meilleurs tradistes du monde ont essayé la voie au fil des ans, mais personne n’a réussi. Les gens ont même créé le mythe que la voie avait des prises si fines, qu’elle était impossible à grimper pour les grimpeurs avec des doigts « normaux ». Tout cela a ajouté un peu de mystère à la voie, jusqu’à ce que Carlo Traversi, en 2018, revendique finalement la deuxième ascension de « Meltdown », confirmant l’incroyable exploit de Beth et prouvant que toutes ces « excuses » étaient fausses.

Je suis allé pour la première fois dans cette voie en 2016, pendant deux jours, entre deux virées sur El Cap. J’ai été surpris par la beauté de la ligne, ainsi que par sa difficulté. Il ne s’agissait définitivement pas de petites prises trop fines pour des doigts normaux, mais de dülfer très délicats sur des prises de pieds extrêmement mauvaises et glissantes. Après ces deux jours, j’étais encore plus impressionné par l’ascension de Beth en 2008 ! Les années suivantes, je suis régulièrement retourné dans le Yosemite, mais mon attention s’est toujours portée sur les plus grandes voies, et je ne suis donc pas retourné dans « Meltdown », même si la ligne a toujours été dans un coin de ma tête.

Comme je travaille actuellement sur un documentaire sur les différents styles en escalade et l’éthique en trad, je me suis finalement décidé à retourner dans la vallée sans mon matériel de big wall cette saison, afin de grimper quelques longueurs classiques et retourner dans « Meltdown ». Heureusement, cette fois-ci, j’ai immédiatement eu de bonnes sensations en la travaillant. Les prises de pieds étaient toujours terribles et la voie difficile, mais je me sentais plus expérimenté, plus mature.

J’ai été très surpris lorsque j’ai réussi à l’enchaîner en moulinette lors de mon troisième jour de travail cette année. Après ce run, j’ai naïvement pensé que ça irait vite de l’enchaîner en tête, mais le fait de placer le matériel ajoute du piment à la voie et la rend nettement plus difficile. J’ai dû me battre et puiser dans mes retranchements pour finalement atteindre le relais. Les derniers mouvements paraissent toujours faciles quand on les enchaîne en moulinette, mais c’est vraiment différent quand on vient du sol en tête ! Habituellement, lorsque l’on enchaîne des voies de trad difficiles, le run se fait en douceur, on ressent cette sensation de flow, ce qui est évidemment agréable… Mais cette fois, j’ai dû me battre très fort et j’ai été à deux doigts de tomber dans la dernière partie, ce qui a rendu l’expérience encore plus inoubliable 🙂 C’est définitivement l’un de mes plus beaux moments de grimpe !

Je voudrais souligner une fois de plus l’exploit de Beth en 2008, qui était une visionnaire, tant dans l’Histoire de l’escalade féminine que masculine ! Je crois honnêtement que plus on est petit, plus cette voie est difficile… Et oui : la taille des doigts n’a pas d’importance ! Chapeau Beth, merci pour l’inspiration.

Jacopo Larcher a passé le mois de novembre dans le Yosemite, où il a filmé pour une nouvelle série documentaire sur les voies les plus difficiles du monde, intitulée How Hard Is Hard ? et dont la sortie est prévue en 2023.

Publié le : 27 novembre 2022 par Nicolas Mattuzzi

# Actualités PG# Univers Falaisecroix en falaise

Jacopo Larcher