Le contenu

Interview : Manu Cornu revient sur sa médaille aux Championnats du Monde 2021

© IFSC

En 2016, Manu Cornu était propulsé sur le devant de la scène internationale : à Bercy, devant des milliers de spectateurs, il se hissait sur la troisième marche du podium des Championnats du Monde de bloc.

Cinq ans plus tard, notre français réitère son incroyable performance, quasiment jour pour jour. Après une saison 2021 en demi-teinte, rythmée par des hauts et des bas, Manu Cornu a réussi à exprimer tout son potentiel. Après avoir pris la 4ème place de son groupe en qualification, puis la seconde des demi-finales, il parvenait dimanche à monter sur la troisième marche du podium des Championnats du Monde 2021. « J’ai réalisé la prestation la plus consistante de ma vie sur une compétition internationale » déclare-t-il.

En exclusivité pour nous, Manu a accepté de revenir sur cette compétition.


Dans quel état d’esprit as-tu abordé ce Championnat du Monde 

Je suis allé sur ces Championnats du Monde en étant prêt, j’étais focus à 100% sur cette compétition, sur ce que je faisais. Je me sentais capable de faire une belle perf. J’étais venu pour gagner mais je suis très content de ce podium.

Tu as connu des hauts et des bas tout au long de cette saison, décrochant ton ticket pour les Championnats du Monde de justesse. Qu’avais-tu mis en place à l’entraînement durant ces deux derniers mois pour arriver en forme à Moscou ?

Cette saison j’étais un peu sur un courant alternatif : soit c’était bien, soit ça n’allait pas du tout… Une compétition sur deux, je n’atteignais pas les demi-finales, mais quand j’y étais ça ne passait pas loin… Je pense qu’il y a beaucoup de choses qui entrent en compte pour expliquer cette défaillance : parfois le niveau physique, parfois l’excès de confiance, et j’en passe… Pour être fort en compétition et pouvoir s’exprimer, il faut trouver la bonne recette. Cette année je n’ai pas toujours su la trouver.

Mais la Coupe du Monde d’Innsbruck a été la contre perf de trop pour moi. Ça m’a touché, j’ai fini la compet en étant incapable de faire un bloc, j’avais prévu de prendre quelques jours de repos juste après la compet et ça m’a aidé à prendre du recul.

Quand je suis rentré à Paris, j’ai dit à Nico que je me sentais prêt à en faire beaucoup plus, mon mental avait changé, j’étais encore plus appliqué à l’entraînement, prêt à avoir une meilleure hygiène de vie, etc etc. Je ne me forçais pas à faire les choses, tout était un plaisir, j’étais en mission !

Le week-end dernier, la magie de Bercy se réitérait : comme en 2016, tu montes sur le podium des Championnats du Monde, au terme d’une belle finale. Qu’est-ce que ça fait de décrocher une nouvelle médaille de bronze sur l’une des plus prestigieuses compétitions d’escalade ?

C’est une fierté de réussir à s’exprimer sur ce genre d’événement ! C’est une revanche aussi sur l’événement de la qualif aux JO, dans le sens où, en général, quand je cible un moment où je veux perfer, il faut compter sur moi. À Toulouse lors du tournoi de qualification olympique, je n’avais pas su le faire… Ça m’avait apporté beaucoup d’interrogations, mais aujourd’hui je peux me dire que ce jour-là, c’était un jour sans et que je n’ai pas perdu ma Grinta!

C’est ma troisième médaille sur des Championnats du monde, j’en suis vraiment content.

Justement, comme tu le dis, tu prouves une nouvelle fois que tu arrives à être présent sur des grands rendez-vous comme celui-ci. Comment expliques-tu cela ?

Si c’était facile à expliquer… Bon là ça fait 15 minutes que je cherche une réponse à cette question, mais je ne sais pas réellement. Je pense juste que j’arrive à ne pas être mangé par l’enjeu et qu’au contraire il me fait du bien. Il y a aussi une partie de préparation mentale plus poussée, vu que c’est l’objectif dont on parle depuis septembre, c’est peut-être une des raisons…

© IFSC

Comment as-tu vécu les finales de ces Championnats du Monde à Moscou ?

À la lecture, je me suis dit « le bloc 1, ça va être la guerre ! Une coordination de bras sur des mauvaises prises en départ no foot… C’est vraiment pas là où je vais pouvoir faire la différence ». Et ma réussite dans cette finale, c’est qu’à part Fujii, personne n’a réussi à faire ce bloc. Les autres blocs m’inspiraient bien plus et à la lecture je ne me sentais pas très bien, je n’arrivais pas à oublier ce bloc 1, j’avais l’impression que les autres blocs étaient plus accessibles et n’allaient pas m’aider à revenir dans la course si j’avais un bloc de retard.

Mais très vite, la finale a commencé et ma peur du bloc 1 s’est vite effacée quand personne n’a eu la zone.

Après chaque bloc, l’entente avec les autres finalistes derrière le mur était vraiment amicale. On se montrait tous nos doigts en sang, ça rigolait bien, personne n’avait l’air stressé de l’enjeu, j’ai toujours eu mon destin entre les mains pour rester sur le podium, j’étais serein. J’ai abordé les blocs en étant sûr de mes méthodes, je n’avais pas trop d’interrogation à la lecture. J’étais prêt à grimper en finale des Championnats du Monde.

Comme je l’ai dit plus haut j’étais en mission, mais j’étais vraiment tranquille, je n’avais aucune nervosité, je savais où j’étais, ce que je faisais, bref, mentalement j’étais vraiment bien. Il a juste fallu gérer la pression qu’Alexey m’a mise sur le dernier bloc, mais je l’ai mise dans un coin de ma tête, j’ai essayé de rester focalisé le plus possible sur ma grimpe.

Tu as été très régulier tout au long de la compétition : tu prenais la quatrième place de ton groupe en qualification, avant de frapper fort en demi-finale en te classant deuxième du circuit, pour finir par une troisième place en finale. Comment expliques-tu cette régularité ?

Je l’explique par tous les efforts et les progrès qu’on a vu au cours des derniers mois. C’est sûr que ce week-end, j’ai réalisé la prestation la plus consistante de ma vie sur une compétition internationale : j’ai tenu le rythme pendant toute la compétition, sans avoir peur de me faire sortir, comme souvent. C’est une chose que l’on doit réussir à reproduire l’année prochaine.

Quel est le moment le plus fort de cette compétition ?

Ça ne va pas être très original mais je pense que c’est l’enchaînement du dernier bloc. C’est le moment où tu sais que tu viens de faire le job, que tu as réussi à concrétiser ton année, que tous tes choix ont été bons, que le coach et l’équipe ont le sourire, que tu sais qu’une boîte de Ferrero Rocher t’attend pour fêter ça :p … C’est un moment de joie qui passe au-dessus de tout.

© IFSC

Kokoro Fujii, qui rafle le titre en étant le seul grimpeur à enchaîner les quatre blocs de finale, était-il atteignable selon toi ?

Franchement, pour moi, non. Il mérite ce titre, il a été solide toute l’année et sur toute la compétition. En qualification, il était déjà le seul à faire un bloc dans mon groupe et en plus à vue. Sur un autre style de finale, il aurait peut-être été atteignable, mais sur ce tour, il aurait été très très dur de le battre.

Comment envisages-tu la suite maintenant ? 

Pour l’instant, je me repose un peu, mais je vais reprendre l’entraînement bientôt. C’est sûr que je serai en forêt cet hiver, mais je ne sais pas encore où, pas forcément dans du très dur d’ailleurs, l’idée est de se faire plaisir.

Un dernier mot à passer ?

Des remerciements à tous les gens qui m’ont écrit, à mes partenaires, à la fédération, à l’armée de terre, à Arnaud, Manu et toute la team que je n’oublie pas, tous les gens proches de moi et à Nico Januel évidemment.

Voilà l’aventure continue 🙂