Interview: Jernej Kruder nous raconte son incroyable début de saison !
Rencontrer l’actuel numéro 1 mondial pour lui poser quelques questions et tenter de découvrir ses secrets. C’est avec plaisir que nous avons discuter avec Jernej Kruder, l’homme qui frappe fort cette année.
À 27 ans, le slovène est en train de réaliser la plus belle saison de sa carrière. Quatre étapes cette saison, quatre finales pour Jernej, trois podiums, deux médailles d’argent et une victoire.
À l’image de sa coupe de cheveux parfois décalée, ou de ces chaussettes au thème rigolo, Jernej Kruder ne se prend pas la tête. Pour lui, escalade rime avec plaisir. Hors de question de se prendre la tête avec les résultats en compétition. D’ailleurs, les compétitions ne sont pas un but pour lui. Étrangement, alors qu’il domine le circuit mondial, sa priorité reste l’escalade en milieu naturel.
Rencontre.
Salut Jernej ! Pour ceux qui ne connaissent pas tes débuts, peux-tu nous raconter quand et comment tu as commencé l’escalade ?
J’ai tout simplement commencé à grimper dans mon club local, en 1997, alors que je n’avais que 6 ans. Rien de bien dramatique ne s’est passé… jusqu’à ce que je tombe complètement amoureux de ce sport !
Comment expliques-tu qu’à l’âge de 27 ans, après 11 saisons de Coupes du Monde et plus d’une cinquantaine de participations à ton compteur, tu remportes ta première médaille d’or à Meiringen cette année ?
Il n’y a clairement aucune explication logique à cela. Durant ma carrière, j’ai tout essayé : différents plans d’entraînement, différents exercices physiques, de nouvelles méthodes, pleins de choses, mais d’une manière ou d’une autre, rien ne m’a jamais vraiment aidé.
J’ai donc simplement commencé à participer aux compétitions pour m’amuser, en arrêtant de me soucier des résultats. En parallèle, je me suis également concentré de plus en plus sur la grimpe en extérieur.
As-tu imaginé une seule seconde au début de la saison être l’actuel leader du classement général des Coupes du Monde 2018 ?
Je pense que remporter le classement mondial est quelque chose que tous les compétiteurs souhaitent. Moi aussi. Mais honnêtement, je n’osais même pas en rêver, car je sais à quel point le niveau était relevé. Je reste très prudent, et ne me réjouis pas trop vite, parce que je sais que dès la prochaine compétition, tout peut basculer et les cartes peuvent se mélanger très facilement.
En plus d’être l’actuel n°1 mondial, tu es aussi le seul athlète ayant été capable d’entrer en finale de toutes les Coupes du Monde de ce début de saison. C’est un rêve qui devient réalité ?
Comme je l’ai dit, c’est quelque chose que je n’imaginais même pas dans mes rêves les plus fous. Mais d’une manière ou d’une autre, j’ai eu le flow comme jamais auparavant, et je serai extrêmement heureux si ça arrivait de nouveau.
Selon toi, tes récentes performances sont plutôt dues à une progression physique ou un changement mental dans ta façon d’appréhender les compétitions ?
Je dirais que c’est plus une question d’approche mentale qui est différente. Depuis que ma priorité est devenue l’escalade en milieu naturel, j’ai libéré mon esprit. J’ai arrêté de m’embêter avec les résultats.
Je pense aussi que grimper dans des voies dures en extérieur me garde en bonne forme physique. Mais de toute façon, sur les compétitions, quasiment tout le monde est extrêmement fort, donc au final, ce qui fait la différence, c’est ta force mentale.
Tu as récemment déclaré ne pas suivre de programme d’entraînement spécifique. Peux-tu nous en dire un peu plus sur la manière dont tu t’entraînes ?
En effet, je n’ai pas de planification, je ne peux donc malheureusement pas la partager avec vous. Si vous voulez vraiment voir comment je m’entraîne, il faut donc que vous veniez grimper avec moi. J’écoute mon corps et mon esprit, qui rendent chaque séance d’escalade chaque jour un peu différente.
Quel est ton principal objectif en tant que grimpeur ?
Mon but principal est de grimper jusqu’à ma mort. Je veux continuer à grimper à mes limites, peu importent où elles se trouvent. C’est l’objectif de ma vie. Sinon, j’ai tout de même quelques projets à court terme que je veux réussir. Rester dans le Top 3 du classement général des Coupes du Monde 2018 en est un.
Est-ce que les Jeux Olympiques de 2020 trottent dans un petit coin de ta tête ?
J’aimerais prendre le départ des J.O, mais honnêtement, je ne me mets pas la pression avec ça pour le moment. Je sais que j’ai de bonnes prédispositions pour réaliser une belle performance, mais c’est pour le moment un fardeau pour la saison prochaine.
Tu fais de la falaise, du bloc, des grandes voies, du deep-water, des compétitions… Tu es l’un des seuls grimpeurs au monde à exceller dans autant de disciplines. Pour toi, participent-elles toutes à tes performances du moment ?
L’escalade, c’est simplement bouger sur des parois verticales. Pour moi, peu importe qu’il y ait un mouvement ou 1000 mètres de grimpe. C’est pareil, sauf que certains mouvements sont plus difficiles que d’autres et que certaines voies demandent plus d’endurance.
Tu as juste besoin de te sentir bien quand tu « danses » sur le mur.
Mentalement, arrives-tu facilement à switcher entre la falaise et les compétitions, où l’approche est totalement différente.
Ça rejoint ce que je disais précédemment, pur moi, c’est juste de l’escalade. Même mouvement, même passion. C’est pour cela que je peux facilement aller grimper en extérieur la veille d’une compétition par exemple.
Cela fait plus de dix ans maintenant que tu évolues sur le circuit international en bloc. Tu as vu l’ouverture changer au fil de saisons. Quel est ton avis, sur le style des blocs du moment, de plus en plus aléatoire ?
Le changement de style s’est fait progressivement au fur et à mesure des années, j’avais la tête dedans et ne pouvais donc pas vraiment le ressentir au fil des saisons. Mais si je prends le temps de regarder en arrière, au moment où j’ai commencé les compétitions, je peux voir à quel point le style a changé et évolué.
Heureusement pour moi, mes points forts ont toujours été les mouvements dynamiques. Même si je pense que maintenant, le style des blocs est en avance sur moi.
Aujourd’hui, quel est le secret pour monter sur un podium de Coupe du Monde ?
S’écouter et s’amuser. Tout le monde est différent, ce serait donc dommage de n’écouter que moi si vous êtes une personne totalement différente. Certains ont besoin d’être encadré et de suivre des programmes d’entraînement réguliers, d’autres doivent arrêter de s’entraîner et trouver une autre solution… Mais à la fin, ce n’est qu’une question de plaisir.
L’équipe slovène connaît de très bons résultats cette saison, grâce bien sûr à tes performances, mais aussi à celles de Gregor Vezonik, Janja Garnbret, ou encore Katja Kadic. Y a-t-il une explication particulière à ces belles prestations cette année ?
On est différents, ils sont très forts et travaillent beaucoup. Mais on s’amuse tous ensemble et il n’y a pas de tensions particulières lors des compétitions. Une autre chose que l’on a en commun est notre passion immense pour l’escalade. Nous adorons grimper.
As-tu prévu de venir grimper en France à l’occasion ?
Honnêtement, même si je voyage beaucoup, j’aime rester et grimper en Europe. Ce qui signifie que j’aime aussi la France et je suis sûr que je reviendrai vous voir un jour. Peut-être aussi pour la Coupe du Monde de Chamonix cet été.
P.S: On aime beaucoup tes belles chaussettes sur les podiums ! 😉
Merci !!! 🙂