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Interview : de « Biographie » aux Jeux Olympiques, Manon Hily nous parle de ses projets 2023

Manon Hily a le regard fixé sur ses objectifs.

Il y a quelques jours, nous nous sommes entretenus avec Manon Hily. À 29 ans, la Réunionnaise fait partie des meilleures grimpeuses françaises. Sur le rocher, Manon cumule les performances, comme le montre son dernier trip en falaise à Saint-Léger. En quelques jours à peine, elle a réussi à flasher deux 8a et enchaîner deux 8c. Mais c’est au neuvième degré que rêve Manon. Elle est actuellement en proie avec l’une des voies les plus iconiques de la planète, « Biographie » 9a+ à Céüse. Cela fait maintenant trois ans qu’elle s’est lancée dans la quête de cette ligne de rêve, malgré parfois quelques blessures au combat.

En parallèle, Manon est aussi une compétitrice hors pair. Dix ans après son premier podium chez les jeunes, la française s’est offert sa toute première médaille internationale, lors des Championnats d’Europe à Munich l’an passé. Un résultat qui lui a permis de prendre part à l’aventure olympique de Paris 2024, qu’elle prépare dès à présent.

Fraîchement revenue de blessure, Manon est plus motivée que jamais à atteindre ses objectifs cette saison. Rencontre avec celle qui pourrait bien faire parler d’elle en 2023, tant en compétition que sur le rocher.

Salut Manon. Pour commencer, parlons des Championnats de France de bloc : comme Fanny Gibert, tu as décidé de ne pas participer à cette compétition cette année. Peux-tu nous expliquer ce choix ?

Oui, en fait je me suis blessé la saison dernière, j’avais donc accumulé un peu de retard dans ma préparation cette année. Du coup, j’ai préféré faire l’impasse sur le Championnat de France de bloc 2023. D’une part, parce que je voulais d’abord retrouver mon niveau en difficulté, d’autre part, car il aurait été encore trop risqué de faire un circuit de blocs durant tout un week-end alors que mes tendinites au coude n’étaient pas encore tout à fait guéries.

Aujourd’hui, comment ont évolué ces blessures ?

Ça va de mieux en mieux. Je peux globalement remettre de l’intensité dans mes entraînements. Je ne peux pas dire que ce soit totalement guéri, mais ça évolue dans le bon sens et je peux de nouveau m’entraîner plus ou moins normalement.

Remise de sa blessure au coude, Manon peut de nouveau s’entraîner à son juste niveau

Ces petits désagréments physiques ne t’ont pas empêché de faire de belles croix à Saint-Léger. Peux-tu revenir sur tes récentes performances sur le rocher ?

J’avais prévu de passer une semaine à Saint-Léger, mais finalement je n’y suis restée que quatre jours. C’est vrai que j’ai fait de belles performances, et honnêtement, je ne m’y attendais pas du tout ! J’y allais dans le seul but d’essayer des projets, et c’était cool car c’était la première fois que je retrouvais de bonnes sensations depuis ma blessure.

J’avais déjà essayé le 8c « En Attendant Ernest » l’an dernier, mais je l’avais laissé à l’état de projet car j’avais trop mal à ma poulie à ce moment-là. Cette année, j’ai réussi à l’enchaîner très rapidement, en un jour ou deux. Durant mon court séjour sur place, j’ai également enchaîné un autre 8c, nommé « Stay Kratum Stay Safe ». Pour le faire, je n’ai eu besoin que de quelques essais : j’ai d’abord réalisé une première montée de travail, et ensuite je l’ai réussi lors de mon deuxième essai depuis le sol.

En quelques jours à Saint-Léger, Manon aura ajouté quatre voies dans le huitième degré à son carnet de croix © Antonin Rhodes

Ces belles croix t’ont-elles remise en confiance pour la saison 2023 ?

Oui, car elles signifient que j’ai récupéré un bon niveau de force. Après, la falaise c’est tellement différent de ce qu’on nous demande en compétition… Mais c’est vrai que ça m’a permis de franchir un petit palier mental et de me dire : « Ok, tu peux repartir à l’entraînement, tu peux retravailler des voies difficiles ». Car jusqu’à maintenant, je ne pouvais pas faire de mouvement dur sans avoir mal au coude.

Continuons à parler de falaise : tu es actuellement en plein combat dans « Biographie » 9a+ à Céüse. Comment se déroule ton processus de travail ?

Ça fait à peu près trois ans que je bosse cette voie. Lors de ma première année dans la voie, j’étais vraiment très loin de faire les mouvements, surtout le pas de bloc du début. Même en terme de rési, je n’étais pas assez forte ni assez endurante pour imaginer un enchaînement. Ensuite je me suis claqué une poulie dans le pas de bloc.

L’année dernière, je suis retournée dans la voie, j’ai plutôt bien avancé. Pour éviter de me blesser de nouveau, je partais après le pas de bloc et j’essayais d’atteindre le relais. J’ai mis quelques bons runs où je suis tombée dans le pas de bloc du haut.


À voir | Le combat de Manon Hily dans « Biographie »


J’avais envie de vite retourner dans la voie, mais j’avoue que c’est devenu compliqué avec le projet olympique. Les Jeux, je n’y pensais pas vraiment avant la fin de la saison internationale 2022, mais je me suis aperçue que j’avais le niveau de les viser. Je suis une rêveuse mais assez réaliste. Je pense aux objectifs les uns après les autres. Je ne voulais pas faire la même erreur que sur les précédentes qualifs aux J.O de 2021 où je m’étais blessée à vouloir tout faire.

Alors, c’est dur de choisir, mais ces deux prochaines années, je pense que je vais faire un break avec « Biographie ». J’irai peut-être un ou deux week-ends cette année, mais c’est tout.

Son projet : devenir la deuxième femme après Margo Hayes à clipper le relais de « Biographie »

Justement, abordons maintenant les compétitions. Comme tu le disais, tu as fait de bons résultats en 2022. Cette saison était-elle à la hauteur de tes objectifs ?

Pas vraiment. En fait, j’avais beaucoup de retard en début de saison. Au sélectif, je ne termine même pas dans les trois premières du classement… Ensuite, j’ai été forte très très vite, juste avant les premières Coupes du Monde, ce qui était plutôt cool, mais je ne savais pas à quoi m’attendre pour la suite.

Même si on a l’impression que cette saison a été plutôt bonne pour moi (étant donné que j’ai fait mon premier podium international lors des Championnats d’Europe), en regardant de plus près, je n’ai fait qu’une finale en Coupe du Monde. J’ai terminé 9ème, 10ème et 12ème sur trois autres Coupes du Monde, ce qui était assez frustrant de rester aux portes des finales.


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Le 13 août 2022, Manon décrochait la médaille de bronze aux Championnats d’Europe de Munich © Tobias Schwarz

Quels sont tes objectifs pour la saison qui arrive ?

Focus sur les Jeux Olympiques ! Aujourd’hui, je ne me suis jamais autant investie dans un projet de compétition et j’y crois donc c’est bon signe !

Dans le meilleur des cas, j’aimerais faire au moins deux finales sur les Coupes du Monde de difficulté et faire trois tops 10. Ensuite, je vise une finale aux Championnats du Monde de difficulté cet été à Bern. Même si le bloc c’est moins ma spécialité, je vais également faire deux Coupes du Monde de bloc et j’espère me qualifier pour les Championnats du Monde.

Aujourd’hui, physiquement et mentalement, te sens-tu prête à affronter cette saison 2023, qui s’annonce longue et intense ?

Pas encore ! Mais je me dis que c’est toutes les années pareil : je suis en retard par rapport aux autres à chaque fois. Du coup ça ne m’inquiète pas trop. Mais rassurez-vous, je recommence à avoir de bonnes sensations en bloc et en diff, bien que ce soit tout frais !

J’ai le sentiment d’avoir toutes les cartes en main pour faire une super saison et je sens que mon investissement fonctionne !

Dernière question, la question à un million : si tu devais choisir entre gagner une Coupe du Monde ou enchaîner « Biographie » lors de ton prochain essai dans la voie, que choisirais-tu ?

Oula, question difficile ! C’est tellement dur de faire un choix… Allez, par rapport à mon projet actuel, je dirais gagner une Coupe du Monde. Comme je le disais, je suis focus sur Paris 2024 et je suis sûr que m’entraîner pour cette compétition m’aidera à enchaîner « Biographie ». Et puis la voie ne va pas bouger, j’aurais donc tout le temps d’aller en découdre avec elle après !

En toutes circonstances, Manon garde le sourire aux lèvres. Même au beau milieu d’une finale de Coupe du Monde © IFSC

Publié le : 10 avril 2023 par Nicolas Mattuzzi

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