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Interview d’Anouck Jaubert, sur le chemin de Tokyo…

Entretien avec Anouck Jaubert, sur le chemin de Tokyo © Vladimir Pesnya

C’était lors d’une rares journées pluvieuses du confinement, le 30 avril, qu’en pleine séance de squats, une nouvelle est venue illuminer le visage d’Anouck Jaubert: sa qualification pour les Jeux Olympiques de Tokyo. Après des mois et des mois de doutes et d’efforts, sans savoir réellement si elle pourrait participer au plus grand événement sportif du monde, c’est un véritable soulagement pour la française.

Mais l’aventure olympique est un long chemin, qui ne fait que commencer. Et sur cette route jusqu’à Tokyo, Anouck doit notamment faire face à un imprévu, venu chambouler sa préparation: une blessure à la cheville, l’ayant contrainte à se faire opérer cet été.

Entretien avec Anouck Jaubert, dont la motivation reste inébranlable.

Anouck, nous sommes en plein confinement, lorsque la décision est prise de décaler les Jeux Olympiques d’un an. Puis, tu apprends que tu es qualifiée pour y participer. Qu’as-tu ressenti à ce moment-là ?

Quand j’ai appris que les J.O étaient repoussés, je n’étais pas encore qualifiée. J’ai donc pris la nouvelle avec un peu de distance et n’ai pas spécialement réagi par rapport à l’annonce.

En revanche, concernant ma sélection pour les Jeux, j’avais reçu un mail environ trois semaines avant l’annonce officielle, me disant que la décision finale allait tomber à fin du mois d’avril/début du mois de mai. Donc d’un côté je m’étais préparée à ce que la nouvelle tombe, sans savoir vraiment le verdict, et de l’autre il y a eu tellement de retournements de situation avec cette place depuis les Championnats du Monde, que je me méfiais quand même. Je n’osais donc pas trop y croire…

Mais le jour où je l’ai su, ça a été un réel soulagement et j’étais super contente ! Pour la petite anecdote, ce jour-là, j’étais en train de faire des squats sous la pluie, et en rentrant me mettre à l’abri entre deux séries, j’ai appris la nouvelle sur mon téléphone. J’étais super contente, mais d’un côté ça m’a fait bizarre de ne pas partager cette sélection avec d’autres grimpeurs.

Je me suis rappelée l’état dans lequel j’étais après les Championnats du Monde, tellement déçue d’avoir fini 11ème et première non-qualifiée à ce moment. J’étais dépitée, en pleurs, mais au final, c’est tout de même cette place qui m’a permis de me qualifier aux Jeux. J’étais tellement soulagée de savoir que tous les efforts et les entraînements que j’avais faits allaient enfin pouvoir payer sur la compétition. Les Jeux Olympiques devenaient enfin concrets pour moi.

Une 11ème place au Championnat du Monde, qui lui vaudra finalement quelques mois plus tard sa qualification pour les Jeux Olympiques.

En tant que sportive de haut-niveau, comment as-tu vécu cette période de confinement ?

Pour moi, ça c’est super bien passé ! J’ai été confinée avec ma copine, chez ses parents, en Haute-Savoie, à la campagne. Je n’avais pas de quoi grimper, mais j’ai aménagé plein de choses pour pouvoir faire beaucoup de préparation physique pendant cette période: j’avais une poutre, une barre de traction, quelques prises et lattes de pan güllich que j’avais récupéré au Pôle France… Et plus le temps passait, plus j’avais de nouvelles idées, en bricolant un peu avec ce que j’avais sous la main. J’ai même pu fixer une grande échelle contre le mur pour grimper avec l’accord de mon beau-père ! Ainsi, j’ai pu me préparer à fond physiquement, et comme j’aime bien la prep physique, ce n’est pas quelque chose que j’ai subi.

De l’imagination et de la créativité pour continuer à s’entraîner physiquement pendant le confinement

Ensuite, comment s’est passé ton retour sur le mur lors du déconfinement ?

Le Pôle France à Voiron a rouvert le 11 mai. J’étais donc de retour sur le mur le premier jour du déconfinement. Les mesures étaient hyper strictes, on avait un créneau horaire très serré, un coach ne devait pas avoir plus de quatre athlètes et le masque était obligatoire même pendant la pratique. Il y avait vraiment beaucoup de mesures, mais au moins, nous pouvions grimper.


C’est simple, pour moi le postulat de base c’est qu’il faut que je gagne l’épreuve de vitesse pour espérer avoir un quelconque résultat aux Jeux. »


Mais ce jour-là, lors de ma toute première séance, j’ai eu mal à la cheville. J’ai ressenti une gêne pendant ma séance et quelques heures après, une vraie douleur est apparue. D’un coup je ne pouvais plus marcher. Le lendemain, j’ai réessayé de grimper, mais je ne pouvais pas du tout pousser sur mon pied. La reprise a donc vite été limitée.

Pendant environ deux mois j’ai tenté de grimper, en adaptant mes séances en fonction de la douleur. Outre le fait qu’on sortait de confinement et que j’avais déjà passé deux mois sans grimper, ça m’inquiétait globalement, car je me projetais sur les Jeux en me disant « Je ne peux pas arriver aux Jeux comme ça, je ne peux même pas m’entraîner un an comme ça ! ». Pendant cette période, j’ai donc passé de nombreux examens médicaux, une infiltration, puis deux, sans de réelles améliorations. Jusqu’au jour où je suis allé voir un chirurgien, qui m’a proposé de m’opérer.

Un retour à l’entraînement masqué au pôle France de Voiron.

Te faire opérer à un an des Jeux Olympiques est donc un nouveau challenge à gérer en plus dans ta préparation. Comment l’as-tu vécu ?

Oui,  l’opération était la seule solution qui paraissait efficace par rapport à cette blessure. Mais quand il m’a annoncé qu’il allait falloir compter six mois avant de retrouver un bon niveau, ça m’a tout de même fait réfléchir. On était fin juillet, ça faisait donc jusqu’à janvier 2021. Mais il n’y avait pas vraiment d’autres options… Puis tout est allé très vite: après ma visite chez le chirurgien le mercredi, le lendemain j’avais déjà une réunion avec le staff d’entraîneurs, et le vendredi d’après j’étais sur la table d’opération.

Mais je suis vraiment bien entouré. Je travaille avec Mike Fuselier, responsable de mon entraînement sur la partie escalade ainsi qu’avec Thibault Leroux Mallouf, mon préparateur physique, et Simon Giraud, mon préparateur mental. Il y a une bonne cohésion, on travaille très bien tous les quatre, ça me permet d’être sereine pour gérer cette période. Ça m’aide beaucoup.

Place à la rééducation et au renforcement après l’opération

En tant que compétitrice de haut-niveau, comment vis-tu le fait que toutes les compétitions aient été annulées et que la saison prochaine reste encore incertaine ?

C’est sûr que ce qui m’a le plus manqué pendant le confinement, c’est d’aller sur les compétitions et de vivre ces moments de rivalité, de confrontation aux autres. On s’entraîne au quotidien pour performer en compétition. Pour le moment, il ne se passe rien et c’est bien dommage. J’ai hâte de retourner en compétition ! Mais d’un côté, c’est presque mieux pour moi qu’il n’y ait pas de compétition, car avec mon opération, je n’aurai de toute manière pas pu y participer.

Il n’empêche que dans le cadre de ma préparation c’est quand même handicapant de ne pas pouvoir faire de compétition, car j’ai besoin de prendre de l’expérience, notamment sur des épreuves de bloc. À titre d’exemple, le Championnat d’Europe était un gros objectif pour moi, où je devais tester de nombreuses choses lors de cette compétition, et qui devait également me permettre de voir quoi mettre en place pour la suite de la saison. Je compte donc sur les Coupes du Monde du début d’année prochaine pour optimiser tout ce que j’aurai travaillé.


Une nouvelle façon de travailler la voie de vitesse pour Anouck

À moins d’un an des J.O, sur quoi vas-tu axer ton programme d’entraînement ?

C’est simple, pour moi le postulat de base c’est qu’il faut que je gagne l’épreuve de vitesse pour espérer avoir un quelconque résultat aux Jeux. L’objectif n°1 c’est donc d’être capable de péter le chrono sur mes deux runs de qualification, pour être la première en vitesse. Normalement avec ce résultat je suis quasiment assurée d’être dans le top 8 et donc d’accéder en finale. Et justement en finale, l’objectif sera une nouvelle fois de gagner en vitesse. Et c’est à ce moment-là seulement qu’il faut que je réussisse à aller chercher des zones et des tops dans les blocs pour grappiller des places.

Je mise plutôt sur le bloc, parce que je peux mieux m’exprimer dans cette discipline qu’en difficulté. Je suis donc plutôt dans une optique de renforcer mes points forts, en faisant beaucoup de vitesse, et donc beaucoup d’exercices au niveau des jambes… Ce qui n’est pas possible en ce moment. Alors j’en profite pour travailler plutôt le haut du corps, les bras, les doigts, et je pense que finalement ça peut être bénéfique dans ma préparation.

Pendant ma période de convalescence, j’en profite donc pour travailler de nouvelles choses, avant de revenir sur ma ligne directrice dès que je pourrai. Mais pour l’instant, je reste à l’écoute de ma cheville.

Publié le : 04 octobre 2020 par Nicolas Mattuzzi

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