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Adam Ondra revient sur sa dernière performance engagée !

© Petr Chodura

Suite à la dernière vidéo postée par Adam Ondra sur son ascension de « Falling into Presence », le Tchèque a reçu de nombreux messages pour en savoir plus sur la particularité de l’ouverture des voies sur le grès tchèque. Il a donc décidé de revenir sur son processus d’ascension dans « Falling into Presence », nous racontant en détails la véritable bataille qu’il a menée dans cette ligne très engagée !


Tradition et éthique sur le grès tchèque

L’escalade sur le grès tchèque est spéciale. Plus de cent ans de tradition, pas d’équipement à part quelques anneaux ou spits par ci et là, seulement des nœuds et des sangles comme protection supplémentaire, et uniquement des ouvertures depuis le sol. L’escalade est engagée, très technique, et quasiment toujours sous-cotée. Bien que je vive à environ 3 heures de plusieurs sites de grès, je ne grimpe généralement qu’une ou deux fois par an dans ce paradis. Mais je dois beaucoup à cet endroit. Le fait d’être exposé à ces grands espaces entre les points, de faire confiance à mes pieds sur ces prises inexistantes ainsi que le sentiment d’aventure que cela procure, m’a énormément aidé pour mes expéditions en grandes voies ou mes ascensions sur des murs tels qu’au Yosemite.


J’étais déjà prêt à faire une chute assez excitante ! »

Adam Ondra


L’aventure ultime

Ouvrir de nouvelles voies sur du grès tchèque est quelque chose d’assez rare pour moi. Il faut grimper le plus haut possible, puis s’arrêter, parfois en utilisant un crochet, parfois en martelant un petit trou que l’on utilise pour s’accrocher, en plaçant un spit ou un anneau. Les règles de l’art imposent de ne pas nettoyer la voie en rappel, ni d’aller regarder les mouvements. De la pure aventure dans l’inconnu. C’est d’ailleurs pour moi la forme la plus pure du à vue : vous ne savez absolument rien, pas même si le passage est possible ou non. Un défi ultime ! Il y a dix ans, j’ai participé à l’ouverture d’une voie « To tu ještě nebylo », XIIb dans l’échelle de cotation du grès (9a dans l’échelle de cotation classique). Je n’ai placé qu’un seul spit, celui qu’Ondra Beneš n’a pas pu placer, puis j’ai grimpé jusqu’au sommet.

© Petr Chodura

Rajouter un spit supplémentaire ? Je n’étais pas d’accord !

Cette année, j’ai contacté un grimpeur local et ami surnommé Tomajda, qui fait plus de premières ascensions que de répétitions de lignes existantes. C’est une vraie machine ! Il m’a parlé d’un vieux projet qu’il envisageait sur une tour proéminente appelée Vychodni roh à Labske udoli (vallée de l’Elbe). Incroyable, une pure ligne de 50 mètres avec une dernière partie sommitale extrême. Cette dernière section représentait justement un obstacle qui a empêché Tomajda de terminer la voie. Nous voulions la terminer ensemble. La première section est un beau passage en IXb (autour de 7a+ sur l’échelle classique, mais si vous n’êtes pas habitué à grimper sur du grès, elle vous paraîtra considérablement plus dure !). Ensuite, il y a un relais, auquel nous nous sommes tous les deux vachés avant de tenter la fameuse partie supérieure. D’ailleurs, cet endroit offre une exposition et un point de vue incroyable sur toute la vallée. Ensuite, il y a encore un spit, et puis plus rien. La question était de découvrir s’il était possible ou non de grimper cette dernière partie. Tomajda pensait qu’il serait possible de placer un spit supplémentaire, mais nous étions tous deux d’accord pour dire que ce serait tricher que de faire cela. Le sommet pouvait être grimpé sans danger sans ajouter de spit.

Quand rien ne marche…

Je décidais de m’aventurer en haut. Je réussis à faire quelques mouvements durs autour du dernier spit et continuais sur ma lancée. Puis, j’aperçois une parfaite épaule inclinée, je la prend et me dirige vers la prochaine prise, m’imaginant déjà au sommet. Mais voilà que je casse la prise ! Ensuite, j’ai essayé tout ce à quoi je pouvais penser, mais rien ne fonctionnait. Je suis allé à droite, à gauche, j’ai essayé de faire un jeté à l’aveugle, mais rien ! Placer un spit de plus aurait été si facile… C’était tentant, surtout que toute l’équipe de tournage était là et que rentrer les mains vides signifiait un échec non seulement du point de vue la performance mais aussi du point de vue du tournage.

© Petr Chodura

Une lueur d’espoir ?

Après plus d’une heure et demie de chutes constantes, c’était au tour de Tomajda d’essayer. Après quelques essais, il a imaginé un mouvement dynamique à l’extrême droite, où il y avait deux picots. Il n’arrivait pas à toucher la préhension, mais il était proche. Avec l’obscurité qui approchait, c’était à nouveau mon tour. Dans ma tête, j’avais déjà abandonné, pensant qu’il fallait que je revienne un autre jour, avec une peau fraîche, une bonne forme physique et les meilleures conditions pour réussir cette dernière partie de la voie. Mais j’ai essayé la méthode de Tomajda. J’ai à peine pu toucher le premier pic, et ça m’a fait mal. Puis j’ai essayé de faire un jeté sur le deuxième pic, et c’était encore pire. Ma dernière chance était de jeter sur une sorte de bosse juste entre les pics, qui semblait très mauvaise. J’ai quand même essayé. Et lors de mon essai suivant, j’ai pu sentir que c’était de loin la meilleure prise ! L’essai d’après, je l’ai presque tenue. Whoaaa ! J’allais réussir ! Nous avons bien ri avec Tomajda après que je sois tombé et que j’ai atterri sur lui. La nuit était presque là, et je savais que c’était maintenant ou… La prochaine fois !

Allez, c’est parti !

J’ai rassemblé tout mon courage, je me suis jeté désespérément vers ce mauvais plat à droite… Et je l’ai tenu ! Mais c’était loin d’être fini. Je suis maintenant au milieu de la dalle, avec très peu de lumière et à 3 mètres du sommet. J’ai délicatement attrapé une minuscule pince et un mono, hésitant un moment sur la direction à prendre, ne voyant rien au-dessus. J’étais déjà confronté à une chute assez excitante si je tombais là. Finalement, j’ai fait un gros blocage droit devant, et cela en valait la peine. Car un instant plus tard, j’étais au sommet et je souriais à Tomajda…

Une belle fin de journée

Quelques minutes après, nous étions tous les deux au sommet et nous écrivions nos noms dans le carnet de croix de la voie, qui comptait une nouvelle première ascension.

Note : la voie est terminée selon l’éthique locale, c’est-à-dire que ce n’est plus un projet car nous l’avons ouverte jusqu’au sommet. La cotation est XIa ou XIb dans l’échelle de cotation locale juste pour arriver au sommet. La cotation de l’enchaînement depuis le bas sera quelque part autour de XIIa, ce qui pourrait se traduire par 8c+. Pour cela, il faudra que je revienne…

© Petr Chodura

Voir la vidéo complète :

Vidéo : Adam Ondra, dans une voie où les prises semblent inexistantes !

Publié le : 11 novembre 2022 par Nicolas Mattuzzi

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Adam Ondra