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Adam Ondra nous parle de ses nouveaux projets et objectifs !

© Heinz Zak

Dans une récente interview donnée à une radio tchèque, Adam Ondra a dévoilé quelques-uns de ses projets pour les mois à venir, et nous a révélé ses nouveaux objectifs, que ce soit en compétition ou en extérieur…

Vous vous demandez comment le meilleur grimpeur du monde va occuper ses prochains mois ? Immersion au coeur du calendrier d’Adam Ondra. Accrochez-vous !

Juillet au Canada

Voilà quelques jours que le tchèque a atterri au Canada, pour une durée d’un mois. Objectif : découvrir de nouveaux spots de grimpe et fuir la chaleur estivale européenne, pour perfer sur le rocher. Et on peut dire qu’Adam n’a pas mis longtemps à se faire au décalage horaire… À peine arrivé à Canmore, il enchaînait à vue deux des classiques du coin : « Existence Mundane » 8c et « Endless Summer » 8b.

Le tchèque a maintenant trouvé un projet, sur un mur vertical très court, qui a « les plus beaux mouvements que je n’ai jamais vus » déclare-t-il. Malheureusement, en plein travail de la voie, une prise de main a cassé, rendant ce projet encore plus dur qu’il ne l’était déjà. Mais il devrait rapidement trouver un nouvelle méthode pour passer.

Adam, au travail dans son projet au Canada © Petr Pavlicek

Août à l’entraînement

Après son périple canadien et une courte excursion dans les Balkans afin de tourner un film pour la télévision tchèque, Adam sera de retour au sein de sa salle à Brno. Après plus d’un mois passé en falaise, il reprendra contact avec des prises en résine, dans le but précis de performer aux Championnats du Monde d’Innsbruck.

Pour ce faire, Adam a mis en place une nouvelle manière de s’entraîner, via de nouvelles méthodes.

« Je travaille maintenant avec le Dr. Čumpelík. Physiothérapeute, il est également professeur de yoga et maître de ballet. Il m’apprend de nouveaux concepts, ce qui m’amène à grimper de façon différente. Malgré le fait qu’il n’est jamais pratiqué l’escalade, juste en regardant quelques vidéos, il est capable d’identifier des points faibles et d’amener ensuite des suggestions dans la manière de les corriger.

Initiation à la danse classique pour Adam

Il m’apprend une nouvelle technique de grimpe, qui ne consiste pas seulement à poser les pieds sur les prises, mais plutôt à relier le mouvement à travers tout le corps, en le considérant comme une multitude d’interconnexions. Les mains et les pieds sont fortement liés. Si vous n’entraînez pas correctement le bas du corps (les jambes + les pieds), alors vos mains et vos bras ne fonctionneront pas comme ils le devraient et vice-versa.

Ainsi, le Dr. Čumpelík m’aide beaucoup dans le travail du bas du corps. Et je suis entièrement convaincu que cette méthode portera ses fruits. Chaque grimpeur à son propre style de grimpe. Moi par exemple, je grimpe rapidement. L’inconvénient de cela, c’est que plus je grimpe vite, plus je risque de perdre en précision, notamment au niveau des pieds. Je travaille donc depuis un certain temps sur cette technique de pieds et de jambes, et je sens déjà que j’ai grandement amélioré cet aspect. »

Adam a également une routine plus classique d’entraînement. Tout commence tôt le matin, par une séance de préparation physique spécifique, qui se fait souvent sur poutre ou pan Güllich. Après, le tchèque enchaîne sur une séance de bloc, axée sur la puissance et l’explosivité. L’après-midi ou le soir, il termine la journée par une séance de rési, qu’il fait soit encordé sur un mur de difficulté, soit dans son pan, en se traçant des circuits, où le but est de rester le plus longtemps possible sur le mur sans reposer les pieds par terre.

Tout ceci demande du temps bien sûr : « au total, je passe au moins 5 heures par jour sur le mur. J’applique cette routine 6 jours par semaine, le dernier jour étant un jour de repos. »

Des boucles de rési à n’en plus finir © Epictv

Les séances de bloc sont souvent ses préférées, car étant les plus exotiques et moins ennuyeuses de toutes. « Dans la salle de Brno, où j’ai l’habitude de m’entraîner, il y a des milliers de prises. Je me trace mes propres blocs à chaque fois, souvent une quinzaine. J’enchaîne les premiers à vue, je travaille les difficiles durant 10/15 minutes et je laisse les blocs impossibles pour le lendemain. 

M’entraîner dans cette salle, c’est quelque chose que j’adore. C’est du boulot de me créer mes propres blocs, mais c’est quelque chose de très plaisant. C’est pour cela que je préfère m’entraîner dans cette salle. Parce que la variété de prises est impressionnante et me permet de créer tous types de styles et des combinaisons de mouvements infinies. La mode dans les salles d’aujourd’hui, c’est de créer des blocs espacés les uns des autres, par couleur. Le problème quand je vais dans ces salles-là, c’est que j’enchaîne rapidement les blocs durs, alors après ça devient compliqué pour moi de me tracer mes propres blocs, tant les lignes sont espacées les unes des autres.

La salle que je préfère est celle d’Innsbruck, qui a le plus beau mur d’escalade du monde. »

Un océan de prises dans la nouvelle salle d’Innsbruck © Stefano Ghisolfi

Septembre à Innsbruck

Justement, parlons d’Innsbruck. C’est LE grand rendez-vous de l’année pour tous les compétiteurs internationaux. Qu’ils grimpent en vitesse, en bloc, ou en difficulté, tous ont rendez-vous du 06 au 16 septembre, dans le nouveau temple mondial de l’escalade qu’est devenue la ville autrichienne.

Les Championnats du Monde d’escalade ont lieu tous les deux ans. Après Paris en 2016, c’est Innsbruck qui accueille le plus gros événement mondial cette année. Médaillé d’argent en bloc il y a deux ans et double champion du monde de difficulté en titre, Adam Ondra compte bien aller chercher une troisième victoire consécutive dans deux mois.

C’est d’ailleurs l’objectif n°1 du tchèque cette année : « il est clair que cette compétition est un défi majeur pour moi cette saison. J’ai remporté deux fois consécutivement le titre de champion du monde de difficulté ces dernières années, je vais donc devoir défendre ma couronne. »

Adam Ondra, sacré champion du monde de difficulté pour la deuxième fois consécutive à Paris en 2016 © Eddie Fowke

D’autant plus qu’Adam Ondra aura de sérieux adversaires cette année. Il n’est pas le seul à faire des Championnats du Monde son principal objectif. Romain Desgranges par exemple, champion d’Europe en titre et vainqueur du classement général des Coupes du Monde l’an dernier va tout faire pour aller chercher ce seul titre qui manque à son palmarès.

« Je vais me concentrer sur les épreuves de difficulté et de bloc. Mais je participerai également à la vitesse, même si je ne me serai pas encore entraîné sur la voie officielle. Mon chrono sera probablement très médiocre ! »

Si Adam compte prendre part à l’épreuve de difficulté, ce n’est pas un hasard. Car pour préparer les athlètes au mieux pour les Jeux Olympiques de 2020, le combiné sera au programme de ce Championnat du Monde, suivant le format olympique. À moins de deux ans de Tokyo, ce sera alors un bon moyen de jauger son niveau par rapport aux autres.

Novembre au Yosemite

En 2016, tout juste après avoir remporté le Championnat du Monde de difficulté à Paris, Adam Ondra s’envolait pour le Yosemite. Une grande première pour lui, qui voyait El Cap de ses propres yeux pour la première fois.

Les yeux du monde entier étaient rivés sur lui, qui allait tenter de signer la première répétition du Dawn Wall, la grande voie la plus dure du monde, ouverte par Tommy Caldwell et Kevin Jorgeson. L’exploit leur avait demandé plusieurs années de préparation et l’ascension avait duré 19 jours… Adam parvenait lui à enchaîner les 32 longueurs en seulement 8 jours, alors qu’il faisait ses premiers pas en grande voie. Une prouesse énorme de la part du tchèque, qui nous prouvait une nouvelle fois qu’il était le grimpeur le plus complet du monde, capable de remporter une compétition des plus prestigieuse et enchaîner quelques jours plus tard un big wall des plus durs de la planète.

Des prises quasi inexistantes dans le Dawn Wall © Heinz Zak

Cette année, Adam compte bien reproduire le même scénario. Participer (et gagner ?) le Championnat du Monde en septembre, puis se rendre aux USA dès le mois de novembre. Cette fois, c’est un nouvel objectif d’ampleur que s’est fixé le mutant tchèque : « Sur El Capitan, personne n’a jamais réussi à enchaîner une voie à vue. »

De ce constat, Adam y voit une opportunité de marquer l’Histoire une nouvelle fois. Il compte à la fois être le premier grimpeur à enchaîner une grande voie d’El Cap à vue, mais en plus, le faire dans Salathé en moins de 12h, alors que la moyenne est plutôt de 4 jours !

« Je pense que Salathé est la voie idéale pour ce projet. Je n’ai aucune information sur les mouvements qui la composent. Après avoir enchaîné le Dawn Wall, Alex Honnold avait proposé de m’assurer dans Salathé afin que je tente une ascension à vue, mais nous n’avions pas eu le temps, il fallait que je rentre en République Tchèque. »

Salathé est l’une des grandes voies les plus emblématiques du Yosemite. En plus d’avoir été la première à avoir été libérée sur El Cap, c’est aussi la plus longue grande voie d’El Cap, puisqu’elle compte 35 longueurs réparties sur plus de 900 mètres.

Ouverte par Royal Robbins, Tom Frost et Chuck Pratt en 1961, il faudra attendre 27 ans pour que Todd Skinner et Paul Piana signent la première ascension en libre, après 9 jours passés en paroi.

Parmi les 35 longueurs, les plus dures valent 8b. Comme le dit si bien Adam, « ça ne paraît pas si difficile sur le papier, mais on ne sait jamais ce qu’il peut se passer après 10h de grimpe non-stop. De plus, le fait de vouloir la faire à vue n’offre qu’une seule chance, la moindre erreur n’est donc pas permise. »

2020 à Tokyo

Malgré le fait qu’Adam Ondra est contre le format combiné qui a été choisi pour intégrer le programme olympique, il compte tout de même participer aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020.

« J’ai toujours été et je suis toujours contre cette formule du combiné difficulté/bloc/vitesse, mais je ne peux rien faire, puisque tout a déjà été décidé. La fédération tchèque d’escalade ne peut pas non plus se retirer des J.O à ce stade. J’ai douté et hésité un long moment quant à ma participation ou non aux J.O, mais à la fin, j’ai réalisé qu’il aurait été dommage de ne pas participer à la plus grosse compétition d’escalade dans le monde. »

Adam mise tout sur le bloc et la difficulté pour les J.O de Tokyo

Il faut dire que le format combiné ayant intégré les Jeux Olympiques bouleverse la manière de s’entraîner de ceux qui souhaitent y participer. Peu de grimpeurs concourraient dans les trois disciplines avant l’annonce officielle que le combiné serait le format retenu aux J.O.

Chaque grimpeur doit donc changer ses habitudes et consacrer du temps à de nouvelles pratiques. Entre autres la vitesse, qui n’était jusque-là qu’une discipline disputée par une infime part de grimpeurs. Adam Ondra, excellent en bloc et en difficulté, n’échappe pas à la règle : il part de zéro en vitesse.

« J’aime grimper vite dans des voies difficiles, ce qui signifie être capable d’enchaîner des voies d’une quinzaine de mètres en 3 minutes, tandis que les autres grimpeurs la font en 5 ou 6 minutes. Mais là, on parle d’enchaîner une voie où le record du monde est à 5 secondes 60. Je n’ai jamais été inspiré par cette discipline et j’ai toujours pensé qu’il n’y avait pas de créativité, puisque la voie est toujours la même partout.

Mais comme c’est le format combiné qui a été choisi, j’en suis venu à l’accepter et à me rendre à l’évidence: j’ai besoin de commencer à m’entraîner pour la vitesse. J’essaye donc de m’organiser au mieux et de comprendre ce que cette nouvelle discipline implique pour moi dans mon entraînement. Je ne suis pas le seul dans ce cas, nous sommes tous dans la même situation, en train de nous demander quelle proportion de notre préparation en bloc et en difficulté nous devons sacrifier au profit de la vitesse. Il semble que la majorité de mes adversaires aient l’intention de consacrer 1/3 de leur temps et leur énergie pour la compétition de vitesse. Personnellement, je ne pense pas que ce soit la bonne approche, du moins pour moi. Je pense plutôt y consacrer 5 à 10% de mon volume total d’entraînement pour les J.O. Mais nous verrons à Tokyo. »

Publié le : 03 juillet 2018 par Nicolas Mattuzzi

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