Est-il vraiment nécessaire de présenter Jakob Schubert ? Médaillé de bronze aux Jeux de Tokyo, quatre fois champion du monde, septuple vainqueur du classement mondial et détenteur du record de la plus longue série de victoires consécutives (7) en Coupe du Monde. Voilà pour ses plus beaux accomplissements en compétition. Pour ce qui est du rocher, Jakob n’est pas en reste. Il comptabilise une demi-centaine de voies dans le neuvième degré, dont six 9b, un 9b/+ et un 9b+. Sans parler de ses vingt-six 8B+ bloc et ses six 8C. En bref, Jakob Schubert respire la performance et est considéré comme l’un des grimpeurs les plus performants de l’Histoire de notre sport.
Ce touche-à-tout de l’escalade excelle dans tout ce qu’il entreprend, et ce, depuis de nombreuses années. Le natif d’Innsbruck commence à grimper à l’âge de 12 ans et très vite, il se fait connaître en remportant de nombreuses compétitions chez les jeunes. La machine autrichienne était lancée et n’était pas près de s’arrêter… Deux décennies plus tard, à 32 ans, il fait toujours partie des meilleurs grimpeurs de la planète.
Ses succès, Jakob les doit à un travail acharné. Il s’entraîne cinq fois par semaine en salle et ne loupe jamais une séance. Si un mouvement lui résiste, alors il le travaille, sans relâche, jusqu’à le réussir. Combien de fois l’a-t-on vu essayer un bloc qu’il n’avait pas enchaîné pendant une compétition juste après la cérémonie de remise des prix ? Pour lui, la persévérance est la clé. Si physiquement il est redoutable, mentalement il l’est encore plus. Depuis le confinement, il s’est découvert un penchant pour les échecs, ce qui n’a rien d’étonnant pour un tacticien comme lui, qui aime le détail et qui planifie chacun de ses mouvements afin de le conduire à la victoire.
Après plus de treize ans passés sur le circuit des Coupes du Monde et l’ascension de quelques-unes des voies et des blocs les plus difficiles de la planète, sa soif de succès est toujours intacte. Rencontre avec Jakob Schubert, l’infatigable !
Salut Jakob, tout d’abord comment vas-tu ?
Hello à tous, je vais très bien ! La nouvelle année a plutôt bien commencé ici à Innsbruck et les préparatifs pour la saison 2023 se déroulent vraiment bien. Je n’ai actuellement aucune blessure et je me sens déjà très en forme. J’ai hâte d’entamer une nouvelle saison de compétitions, de qualifications olympiques et, bien sûr, de gros projets sur le rocher.
En décembre, tu es allé essayer « Alphane », le 9A bloc de Shawn Raboutou. Peux-tu nous parler de ton processus de travail dans ce bloc ? Qu’est-ce qui t’a motivé à essayer cette ligne plutôt qu’une autre ?
Oui, dès que j’ai vu la vidéo de Shawn dans « Alphane » j’ai tout de suite voulu essayer. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles j’étais ultra motivé de me frotter à cette ligne tout particulièrement. Tout d’abord, parce qu’évidemment, c’est un 9A bloc. Je n’ai jamais essayé quelque chose d’aussi difficile et il n’y a pas beaucoup de blocs de ce niveau dans le monde. Je voulais donc tester mes compétences sur un bloc aussi dur. Il semble aussi que ce soit un bloc qui me convienne : j’aime vraiment essayer des blocs longs, qui ne se résument pas à un seul mouvement difficile en particulier, mais qui consiste plutôt à lier ensemble toute une succession de mouvements. Pourquoi ? Parce qu’en général, le processus sur un tel bloc est beaucoup plus amusant. On ressent vite des progrès plutôt que d’essayer un seul mouvement encore et encore. En outre, il se trouve à Chironico, qui n’est pas très loin de ma ville natale, Innsbruck. C’est à quatre heures de route seulement, c’est donc très facile d’accès pour moi. Et c’est aussi dans l’une des régions de classe mondiale où vous pouvez toujours trouver des copains qui vous accompagnent, parce qu’il y a tellement d’autres lignes à essayer…
J’ai donc commencé par faire deux voyages très courts, d’une journée seulement à Chironico. Je me rendais là-bas en voiture, je passais la journée à faire du bloc, je dormais sur place, je recommençais le lendemain et je rentrais chez moi. Les deux premières sessions se sont tout de suite très bien déroulées et, le plus important de tout, c’est que j’ai vraiment apprécié le bloc. J’ai vraiment adoré l’essayer et j’ai été capable de faire tous les mouvements rapidement. Et c’est déjà une grande victoire sur quelque chose d’aussi dur ! Mais évidemment, je savais que ce serait un long processus d’essayer de relier tous les mouvements ensemble. Mais lors de mon deuxième séjour, j’ai réalisé un très bel essai, en combinant pas mal de mouvement entre eux.
Justement, à l’issue de ce deuxième trip et de ce bel essai, tu as déclaré que tu retournerais dans « Alphane » en janvier pour essayer de l’enchîner. Y es-tu retourné ?
Oui, j’y suis retourné, en y restant plus longtemps cette fois. Nous étions une très grosse équipe et nous sommes restés au Tessin pendant 12 jours. Malheureusement, le voyage n’a pas commencé comme nous le souhaitions. Tout était complètement mouillé lorsque nous sommes arrivés le 1er janvier ; il y avait tellement de brouillard, d’humidité et de pluie les premiers jours que même « Alphane » était mouillé. Pourtant d’habitude, comme ce bloc est ultra déversant, il reste toujours sec. Mais à cause de l’humidité, même lui était trempé… J’ai dû rester patient pour espérer l’essayer quelques jours plus tard. Au milieu de notre séjour, le bloc a finalement séché. Lors de ma première session, je me suis fait une grosse entaille dans le doigt et à partir de ce moment-là, j’ai su que c’était fini. Je savais que je ne réussirais pas à faire de bons essais, parce que ce bloc est très clairement à ma limite. Et avec une entaille dans le doigt, je n’ai aucune chance de l’enchaîner. Toutefois, je voulais profiter de mon séjour sur place pour m’améliorer et continuer à me familiariser avec les mouvements. Donc, en tout, j’ai fais trois séances dans « Alphane » lors de ce trip. La dernière a été très prometteuse, j’ai fait quelques bonnes liaisons et j’ai senti que je pouvais faire de très bons essais depuis le bas très bientôt.
Maintenant, je suis retourné à Innsbruck. Je compte retourner dans « Alphane » très vite. Il se peut que je puisse l’enchaîner en quelques jours, il se peut qu’il me faille plusieurs séances… C’est difficile à dire, c’est un bloc très dur, mais c’est très amusant à essayer et c’est toujours une bonne séance d’entraînement. Donc oui, mon grand objectif est clairement de l’enchaîner !
D’après toi, qu’est-ce qu’il te manque pour te rétablir au sommet ?
C’est un bloc très spécial. Il n’y a pas vraiment un mouvement en particulier qui est beaucoup, beaucoup plus difficile que tous les autres, c’est plus une question de relier tous les mouvements ensemble. Notamment dans la partie centrale, il y a une séquence très technique qui demande une énorme tension corporelle, ça nécessite d’être encore frais après les premiers mouvements pour être capable de gainer ; surtout avec ma méthode, parce qu’il y a différentes manière de passer cette section. Je pense que j’ai juste besoin d’être au top de ma forme pour l’enchaîner. Il me faut aussi une très bonne peau et de bonnes conditions météos. Et puis probablement aussi un peu de chance, ce dont vous avez toujours besoin pour réaliser quelque chose à votre limite. Mais je suis convaincu d’avoir ce qu’il faut pour enchaîner « Alphane ». J’ai déjà fait des essais très prometteurs. Maintenant, ce dont j’ai besoin, c’est d’investir un peu plus de temps, essayer davantage, être plus à l’aise dans les mouvements et espérer pouvoir les connecter tous ensemble. Il n’y a plus qu’à !
Il y a quelques mois, tu es allé à Red Rocks pour essayer « Sleepwalker », en vain. Comment compares-tu ce bloc à « Alphane » en termes de difficulté ?
En effet, j’ai essayé « Sleepwalker » au début de l’année 2022. C’est aussi un bloc très étonnant, assez différent d' »Alphane ». Déjà en termes de roche, car c’est du grès mais aussi en terme de style, ça n’a rien à voir. J’ai définitivement eu beaucoup de problèmes avec les conditions ; il faisait très, très froid et sec, presque trop sec. Je dirais aussi que « Sleepwalker » est un bloc qui ne me convient pas très bien. Je ne suis pas très fort, ou du moins je dirais que c’est un peu un de mes points faibles de grimper sur des inversées, et ce bloc en regorge.
Chironico est beaucoup plus dans mon style. C’est plus de gainage, beaucoup de mouvements que tu dois essayer de connecter ensemble et où la rési joue un rôle majeur, ce que j’aime tout particulièrement. Je pense qu’il y a une différence de difficulté entre ces deux blocs car cela dépend de vos points forts et points faibles. D’une manière générale, il est certain qu' »Alphane » est bien plus difficile que le départ debout de « Sleepwalker. » Je n’ai pas beaucoup essayé le départ assis de « Sleepwalker », « Return of the Sleepwalker », mais il est certain que pour moi, ce sera beaucoup plus difficile à enchaîner qu' »Alphane ».
Le sujet des cotations en bloc est très épineux à mon avis, parce que cela dépend beaucoup de votre taille, de votre style, et de tout plein d’autres paramètres. Par exemple, « Sleepwalker » est beaucoup plus facile si tu es très grand. Globalement, c’est un style différent de bloc. Selon le style qu’on affectionne « Sleepwalker » peut ne pas être très dur, mais pour moi, c’est extrême.
Plus tôt dans l’année, tu es également allé à Flatanger pour travailler « Project Big » avec Adam Ondra. Tu as d’ailleurs dit dans l’un de tes posts Instagram que tu avais vécu « l’un des combats mentaux les plus durs de ta carrière sur cette voie « . Peux-tu expliquer pourquoi ?
Essayez quelque chose qui est complètement à votre limite, et investir beaucoup de temps dans un projet, est toujours un grand défi mental. « Project Big » est particulièrement difficile. Tout d’abord, parce que la voie est très dure, mais aussi à cause des conditions. Notamment en octobre, nous avons eu beaucoup, beaucoup de jours où elle était mouillée ou trop humide pour même faire de bons essais. À Flatanger, il est très difficile de prévoir les conditions et de savoir quel jour pourrait être optimal. Tactiquement, c’est très difficile de programmer ses semaines, de savoir quels jours se reposer, etc etc. Parfois, vous vous reposez un jour et vous êtes prêt à tout donner le lendemain, puis vous vous réveillez et vous entendez la pluie tomber… Cela peut être mentalement difficile et frustrant.
En outre, la voie en elle-même est aussi très particulière. Je dirais qu’une voie très très longue comme celle-ci peut être mentalement encore plus difficile à gérer qu’une voie plus courte. Dans « Project Big », on passe beaucoup de temps dans la voie avant que les choses sérieuses commencent vraiment, car le crux est situé très haut. Donc on grimpe d’abord une vingtaine de minutes, et ce n’est qu’après ces 20 minutes qu’on sait si l’essai va être la hauteur de nos espérances. Donc oui, tout cela rend le processus de travail encore plus difficile mentalement qu’une voie classique.
De plus, dans « Project Big », on ne peut faire qu’un ou deux essais par jour, parce qu’ils sont si épuisants physiquement qu’il n’est pas possible de faire mettre d’essais pour avoir une chance d’enchaîner la bête. Chaque run est donc très important et tu dois mettre tout ce que tu as. C’est à la fois un énorme défi physique mais aussi mental.
Pourquoi as-tu choisi de travailler sur « Project Big » et non sur « Silence » ?
Tout d’abord, c’est Adam qui m’a demandé d’essayer ce projet incroyable à Flatanger et j’ai été honoré par cette invitation. À l’époque, il m’avait dit que la voie pouvait valoir 9b+ ou 9c, et j’étais vraiment excité à l’idée d’essayer quelque chose de nouveau. C’était vraiment cool de travailler sur ce projet avec lui.
Évidemment, je savais à quoi ressemblait « Silence » d’après les vidéos, et elle semblait être une voie dans laquelle je devais investir beaucoup de temps pour avoir une chance de l’enchaîner ; peut-être même que je n’aurais jamais la chance de clipper son relais, qui sait ? C’est aussi une voie que je n’avais pas envie d’essayer tout de suite, parce que qu’il n’y a qu’un seul crux et comme je l’ai dit par rapport à « Alphane », j’aime travailler des choses où il ne s’agit pas seulement d’un ou deux mouvements, mais plutôt de beaucoup, beaucoup de choses à connecter ensemble. C’est plus gratifiant et plus amusant pour moi.
Pour ces raisons, je me suis donc dit que j’allais d’abord essayer « Project Big », voir si ça me plaisait et, si ce n’était pas le cas, peut-être que je me lancerais dans « Silence ». Mais je n’ai pas eu de mauvaises surprises : « Project Big » est tout simplement une voie incroyable, probablement la ligne reine de la grotte Flatanger. Je voulais vraiment aller dedans, et une fois que je l’ai essayée, il n’y avait aucune chance de revenir en arrière ; je sentais que je pouvais l’enchaîner alors j’ai investi chaque jour, chaque moment, pour tenter de la vaincre. Quand j’étais là-bas, Stefano Ghisolfi essayait « Silence », cela semblait très intéressant et je pense toujours avoir une chance de l’enchaîner un jour. Je reviendrai d’abord à Flatanger pour finir « Project Big », puis je reviendrai et j’essaierai « Silence ».
Il y a quelques mois, Seb Bouin a libéré un nouveau 9c en France, « DNA ». As-tu envie de venir essayer cette voie ?
Oui, sans aucun doute. « DNA » fait partie des voies que j’ai vraiment envie d’essayer davantage. En fait, en novembre dernier, j’ai fait un très court voyage dans le Verdon. J’ai fait 10 heures de route juste parce que je voulais passer quatre jours dans « DNA » pour voir à quoi elle ressemblait, si elle me plaisait, et pour savoir si c’était une voie dans laquelle j’allais avoir envie d’investir du temps. J’ai été subjugué par la beauté des gorges du Verdon, de La Ramirole et de la ligne. C’est une voie incroyable. J’ai vraiment apprécié y grimper et je me suis senti très bien dedans. J’ai été capable de faire tous les mouvements de la voie assez rapidement. Merci à Seb parce qu’il m’a envoyé une vidéo de quelques méthodes et cela m’a beaucoup aidé et m’a fait gagner un temps précieux, parce que je n’ai pas eu besoin de chercher par moi-même. J’ai passé un très bon moment dans la voie, c’était très amusant et c’est définitivement une voie que je veux essayer à nouveau.
Ta façon d’aborder un bloc extrême est-elle la même que dans une voie difficile ?
Il est difficile de répondre à cette question. Il y a évidemment quelques différences. De plus, j’ai beaucoup d’expérience en voie mais peu en bloc. « Sleepwalker » a été la première fois que j’ai passé plus de deux jours sur un même bloc, et « Alphane » est la deuxième fois, donc on ne peut pas dire que j’ai beaucoup d’expérience. J’ai l’impression d’avoir encore beaucoup à apprendre sur la manière de travailler un bloc dur. Cela dépend aussi vraiment du style de bloc. Comme je l’ai dit, « Alphane » est un bloc comparable à une voie parce qu’il n’y a pas qu’un seul mouvement dur, et la difficulté réside plutôt dans le fait de tout connecter ensemble.
Donc oui, je dirais qu’il y a quand même pas mal de différences. Aussi, en bloc, les conditions peuvent jouer un rôle encore plus important qu’en voie. Il faut donc faire encore plus attention à la tactique, à la peau et aux paramètres tels que ceux ci. Comme je le disais, j’ai encore beaucoup de choses à apprendre dans le processus de travail d’un bloc dur, mais évidemment, ça aide d’avoir beaucoup d’expérience en voie, parce qu’il y a des similitudes, surtout quand il s’agit de l’aspect mental.
Entre tes projets en voie, en bloc et en compétition, comment vas-tu organiser ton année 2023 ?
Je suis quelqu’un de plutôt spontané. Donc je n’ai pas encore planifié toute mon année. Mais il y a certains objectifs, certaines voies, certains blocs et certaines compétitions que je veux essayer ou auxquels je veux participer. Il faut donc que j’organise mon calendrier en fonction de cela.
En ce qui concerne les compétitions, je pense que je vais faire quelques Coupes du Monde de bloc, quelques Coupes du Monde de difficulté, mais pas toutes. Je vais me concentrer davantage sur les Championnats du Monde. Mon objectif principal est évidemment de me classer parmi les trois premiers au combiné lors de cette compétition, ainsi j’aurais déjà un billet pour les Jeux Olympiques. Si je n’y parviens pas, je m’entraînerai évidemment pour Laval, qui accueillera le Tournoi de qualification olympique. Je dirais donc qu’obtenir ma qualification olympique est mon plus grand objectif en compétition pour l’année ou les mois à venir. C’est aussi pour cela que je fais quelques Coupes du Monde de bloc et de diff, pour me préparer au Championnat du Monde, mais aussi pour m’assurer que je serai en mesure de me qualifier pour les épreuves de qualification olympique l’année prochaine, au cas où je n’y arriverais pas dans l’un des deux événements mentionnés précédemment.
Ensuite, j’espère qu’il me restera du temps pour me consacrer à quelques projets en extérieur. Jusqu’au printemps, j’espère vraiment pouvoir terminer « Alphane ». C’est mon objectif principal en bloc pour ces prochains mois et ensuite je retournerai à Flatanger pour essayer de terminer « Projet Big ». Pour l’automne, cela va vraiment dépendre de l’évolution de mes compétitions. Évidemment, la situation idéale serait de me qualifier pour les Jeux Olympiques lors des Championnat du Monde cet été et si j’y parviens, alors j’en aurai fini avec ma saison de compétition et je me concentrerai sur le rocher. J’irai aussi probablement dans les Gorges du Verdon.
Comme tu le disais, 2023 est l’année où les premières places olympiques seront attribuées. Après ta médaille de bronze à Tokyo, rêves-tu de goûter à l’or ? Ton titre de champion d’Europe du combiné remporté l’été dernier t’a-t-il mis en confiance ?
L’expérience à Tokyo était vraiment incroyable et tous ceux qui étaient là te diront exactement pareil. C’était juste fou de vivre cette aventure olympique et de gagner une médaille. Cela m’a surmotivé et m’a fait réaliser que je voulais vraiment aller aux Jeux Olympiques de Paris. C’est pourquoi, c’est devenu mon plus grand objectif de la saison. Évidemment, j’ai envie de gagner une autre médaille olympique et l’or serait la plus belle couleur, mais rien que le fait de monter de nouveau sur le podium serait incroyable. Le format sera différent de celui de Tokyo, c’est à mon avantage sans la vitesse. Mais le combiné bloc/difficulté reste quand même une discipline difficile. Il y a beaucoup, beaucoup de forts grimpeurs, surtout dans ce format, et la bataille sera rude, mais je vais tout donner et m’entraîner très dur.
Le fait d’avoir remporté le Championnat d’Europe l’année dernière m’a certainement donné confiance. Je tire bien mon épingle du jeu au combiné, parce que je suis bon en bloc et meilleur en difficulté. Mais c’est une discipline où tout peut arriver, surtout en bloc. Cela dépend aussi beaucoup de l’ouverture et du style des blocs, il faut donc se préparer à tout. C’est ce que je fais en ce moment : je m’entraîne très dur et j’espère que ça va marcher.
Tu participes à des compétitions de haut niveau sur le circuit international depuis plus de 20 ans. Comment fais-tu pour être toujours aussi fort et continuer à progresser ? Quel est ton secret ?
Je fais de la compétition depuis très longtemps, en effet. Je ne suis pas sûr de devenir plus fort chaque année, mais en tout cas j’essaie. C’est quand même le truc le plus étonnant dans notre sport. Il est si complexe qu’il ne s’agit pas seulement de notre capacité physique. À mon âge, physiquement, je ne progresse pas chaque année, j’ai peut-être le même niveau depuis de nombreuses années déjà. Pourtant, au fil du temps, je suis capable d’atteindre un niveau supérieur ou de mieux grimper, car l’escalade est aussi une question de technique, de tactique et de mental. Ce sont des paramètres que l’on peut améliorer avec le temps, surtout en engrangeant de l’expérience. C’est pourquoi je pense avoir été capable de progresser ces dernières années. C’est aussi la raison pour laquelle certains athlètes plus âgés comme moi ou Adam Ondra peuvent encore faire de très bons résultats, car devenir un grimpeur plus intelligent, plus expérimenté, aide beaucoup.
Mon secret n’est pas vraiment un grand secret : j’aime vraiment énormément l’escalade et j’apprécie chaque jour le fait d’être dans une salle de grimpe ou sur le caillou. J’adore m’entraîner ! J’ai un très bon groupe de grimpeurs autour de moi à Innsbruck, alors la vie et l’escalade ne deviennent pas ennuyeuses. J’ai toujours cette flamme qui brûle en moi et je m’amuse tellement à grimper. Je pense que c’est la chose la plus importante !
As-tu changé ta façon de t’entraîner cette année, ou est-ce la même que ces dernières années ?
Je n’ai pas vraiment changé mon entraînement au cours des dernières années. Par rapport à il y a dix ans, je m’entraîne probablement un peu moins maintenant, je me concentre davantage sur la qualité plutôt que la quantité. J’essaie toujours de m’entraîner beaucoup, mais évidemment, maintenant que je suis plus âgé, je dois faire un peu plus attention à mon corps pour ne pas me blesser et avoir suffisamment de temps de récupération. Évidemment, les mois précédant les Jeux Olympiques de Tokyo étaient différents, car je devais aussi m’entraîner en vitesse. Mais depuis que ces Jeux sont terminés, je n’ai pas touché à une prise de vitesse. J’essaie simplement de me préparer en me servant de mon expérience, pour vivre une autre grande année, je l’espère.
On sent que les limites de l’escalade sont repoussées, de manière plus forte que jamais : les 9A blocs fleurissent, et de grands projets en voies émergent. Selon toi, 2023 marquera-t-il un tournant majeur dans l’Histoire de l’escalade ?
C’est difficile à dire… À mon avis, cela dépend d’abord de la cotation : ce n’est pas parce que vous avez tant de blocs en 9A ou tant de voies en 9c que c’est une année plus importante que les autres, parce que peut-être que ces lignes sont surcotées et qu’elles ne sont pas vraiment plus difficiles que d’autres qui ont été faites auparavant. Mais même si c’est le cas, cela dépend aussi beaucoup de ce que font les grimpeurs les plus forts du monde.
Disons qu’il y a les Jeux Olympiques qui arrivent, et que tout le monde s’y prépare, alors ça ne laisse pas beaucoup de temps pour se concentrer sur des blocs et des voies extrêmes en extérieur. En même temps, il y a aussi de forts grimpeurs qui ne font pas de compétitions. Je suis convaincu qu’en ce moment, il y a beaucoup de grimpeurs talentueux dans le monde, probablement plus que jamais. Cela signifie que dans les prochaines années, il y aura beaucoup plus de blocs durs et de voies difficiles. Est-ce que 2023 est l’année où les limites vont être repoussées ? Je n’en suis pas sûr. Cela pourrait être plutôt en 2024 ou peut-être même 2025 ou 2026, lorsqu’il n’y aura pas de Jeux Olympiques, parce qu’alors Adam sera de nouveau en feu et parce qu’il est et restera toujours le plus grand..