Éthique: Adam Ondra s’exprime sur l’utilisation des genouillères en escalade !
L’utilisation de genouillères, bien que de plus en plus fréquente, est un sujet très controversé dans la communauté de l’escalade. Adam Ondra est l’un des précurseurs de cette nouvelle technique de coincements de genou à tout-va. Au milieu de toutes les critiques faites sur cette nouvelle méthode moderne et son impact sur l’éthique de notre sport, Adam Ondra a laissé entendre sa voix.
Il y a quelques jours, Alex Megos avait poussé un coup de gueule concernant l’éthique en escalade. D’après lui, de plus en plus de grimpeurs se concentrent uniquement sur le « combien » (la cotation enchaînée), au détriment du « comment » (la façon dans la voie a été grimpée).
Suite à cette réflexion qu’Alex avait publié sur les réseaux sociaux, nombreux étaient ceux à citer en commentaires Adam Ondra et ses coincements de genou. Comme une réponse, Adam Ondra a décidé de nous donner son avis sur l’utilisation des genouillères en escalade. D’après lui, oui, les genouillères rendent des ascensions plus faciles. Ça peut sembler immoral, notamment dans des voies historiques où la première ascension a été faite sans ce nouvel équipement à la mode. Mais d’un autre côté, certains coincements de genou ne changent pas vraiment la difficulté de la voie en elle-même et sont plutôt une question de style. Adam Ondra va même jusqu’à avouer que certaines voies peuvent être moins belles, plus contraignantes et moins homogènes si elles sont grimpées en posant son genou contre la roche pour se reposer.
- Voici l’ensemble de la réflexion d’Adam Ondra sur l’utilisation des genouillères:
« L’escalade est un sport (et c’est même bien plus que cela) sans arbitre, et son éthique n’est pas écrite noir sur blanc, tous les grimpeurs ne sont pas souvent d’accord à ce sujet, et de plus, c’est un sport qui ne cesse d’évoluer. Un sujet qui est très souvent discuté de nos jours est l’utilisation des coincements de genou, ou plutôt l’utilisation des genouillères pour les coincements de genou. Il est surprenant de constater que les genouillères ne sont que plus communément utilisées dans le milieu de l’escalade seulement depuis quelques années. Il est vrai qu’il y a quelques falaises comme Hueco, Rifle ou Jailhouse où les locaux utilisent depuis des décennies d’assez bonnes genouillères faites maison, en utilisant du ruban adhésif pour les empêcher de bouger sur leurs jambes. En Europe, nous avons vu quelques genouillères faites maison par le passé, mais c’était plus pour lutter contre la douleur du rocher contre la peau, et pas vraiment pour augmenter l’adhérence. Pendant de nombreuses années, mon approche a été la suivante : je grimpais en short, je n’utilisais que très peu de genouillères, afin de laisser le temps à ma peau de s’adapter, à force, elle devenait vraiment plus dure et je pouvais supporter la douleur de coincer plusieurs fois mon genou dans une même voie. Parfois, je me ponçais les genoux avec du papier de verre quelques jours avant de partir en trip d’escalade, pour être mieux préparé. Ça a par exemple très bien fonctionné pour « First Round First Minute » 9b. Ma vieille genouillère faite maison ne fonctionnait pas pour ce coincement de genou, je n’arrivais pas à le sentir correctement. Sans ma genouillère, ma peau nue n’adhérait pas suffisamment non plus. J’ai donc fini par grimper la voie en jeans, en utilisant un petit morceau de papier toilette humide que j’avais appliqué sur ma peau juste avant de partir, afin que mon jean colle parfaitement à ma peau et finalement, cela avait permis à mon genou d’adhérer dans le coincement de genou.
Les nouvelles genouillères modernes sont si bien faites qu’elles sont non seulement confortables, mais elles permettent aussi de protéger la peau de nos genoux – ce qui veut dire que faire des coincements de genou n’a jamais été aussi amusant. Elles permettent surtout de réaliser des coincements de genou là où c’était impossible de le faire auparavant. Et cela pourrait rendre certaines ascensions beaucoup plus faciles. Mon opinion est qu’il s’agit simplement d’une évolution de l’escalade. La plupart d’entre nous ne considèrent pas les chaussons d’escalade ou la magnésie comme de la triche. Il est triste, même pour moi, de voir parfois qu’une voie peut être grimpée d’une manière différente en utilisant une genouillère, ce qui rend souvent la voie moins belle et moins homogène. Mais c’est une chose que nous devons accepter. Même pour moi, il n’a pas été facile de voir Stefano Ghisolfi utiliser des genouillères dans « Change », mais voilà, c’est l’évolution de notre sport et dans ce cas, heureusement, je ne pense pas que cela change la cotation.
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Alors que les genouillères sont confortables pour grimper, plus on les porte régulièrement, plus on fait des coincements de genoux et plus on s’améliore progressivement. C’est une technique qui doit être pratiquée tout comme apprendre à arquer ou faire des jetés. D’un autre côté, cela conduit parfois à une situation où faire 30 coincements de genou dans une voie n’est en fait plus du tout efficace, et vous grimperiez sans doutes mieux en faisant moins de coincements de genou et en prenant davantage de repos dans la voie. Ayant grandement amélioré mes compétences dans cette technique particulière, je déniche souvent un coincement de genou, ce qui m’excite à l’idée de savoir que c’est peut-être le petit truc, la petite subtilité, qui va me faire enchaîner la voie, mais parfois je découvre quelques essais plus tard que le coincement est si mauvais qu’il n’aide pas du tout. Évidemment, cela dépend de vos compétences en matière de coincements de genou. Quelqu’un qui n’est pas doué là dedans préférera en sauter quelques-uns, alors que pour d’autres grimpeurs ces coincements de genou peuvent être salvateurs.
Dans le cas de « Perfecto Mundo », tous les coincements de genou sont très marginaux. Si vous n’êtes pas particulièrement un adepte de cette technique, vous ne vous donnerez probablement pas la peine de les utiliser. J’ai moi-même été très hésitant sur la plupart d’entre eux – s’ils m’aident vraiment ou si je ferais mieux de passer sans les utiliser. Je pense qu’à l’avenir, pour de nombreuses voies, la décision de porter ou non une genouillère pour certains coincements de genou dérisoires sera une décision propre à chacun.
Il est vrai, malheureusement, que les genouillères pourraient rendre la cotation un peu plus incohérente. Si certains coincements de genou peuvent être impossibles à réaliser pour les personnes de petite taille, le problème inverse peut également se poser. Pour l’instant, ça ne me pose aucun problème d’éthique d’utiliser des genouillères lors de mes premières ascensions ou dans des voies ouvertes récemment depuis que les genouillères sont plus accessibles. D’un autre côté, il y a des voies vraiment historiques comme « Hubble », le premier 8c+ ou 9a du monde (la cotation de cette voie n’est pas le sujet de cet article) où l’utilisation d’une genouillère peut être discutée, car Ben Moon, en 1990, ne connaissait pas cette technologie. Et il est peut-être juste de dire que seules les ascensions qui ont été faites dans le même style que celle de Ben comptent. Très bien, mais les chaussons d’escalade ont évolué, les cordes aussi et la plupart des grimpeurs n’ont pas la même coupe rasta très lourde qu’avait Ben sur la tête en 1990 !
En plus de cela, il n’est pas si facile de définir une frontière claire et évidente sur les coincements de genoux. Si vous ne grimpez qu’en short, c’est simple, vous n’utilisez que votre peau nue. Si vous portez des pantalons, certains modèles sont plus adaptés aux coincements de genou, certains jeans sont mieux adaptés que d’autres pantalons, etc… Je pense même qu’il est possible de trouver un textile qui serait presque aussi bon que le caoutchouc. Alors jusqu’où aller ? »