Interview de Manu Cornu: quand le tigre ressort les griffes !
« Pour le moment je suis en roue libre, j’ai fait une petite pause mais je vais reprendre la grimpe assez vite, je ne vais pas m’entrainer comme les années passées, j’ai besoin de souffler, 2020 sera une année de transition pour moi, mais j’ai quand même un titre de Champion de France de bloc à récupérer, l’idée est de maintenir un maximum le niveau que j’avais il y a 1 mois, grimper un peu plus dehors, et a la fin de l’année je vous annoncerai que Paris c’est une ville importante pour moi !!! »
Le 27 décembre 2019, nous quittions Manu Cornu sur ces mots, dans une interview qu’il nous avait accordé à l’issue du Tournoi de Qualification Olympique. Dix mois tumultueux se sont maintenant écoulés durant lesquels le monde a été bouleversé: la crise sanitaire a frappé, les compétitions ont été annulées, le confinement a eu lieu, Manu a été touché par la COVID-19… Ce dernier en a profité pour souffler et faire le point.
Nous sommes donc allés à la rencontre de Manu, afin de savoir comment il se sentait depuis l’an dernier et qu’elles étaient ses envies et ses objectifs pour les semaines et les mois à venir. Attention, le tigre ressort les griffes !
Salut Manu, tout d’abord comment vas-tu ?
Hello PG, ça va bien et vous ?
Notre dernier entretien remonte à décembre 2019, juste après le Tournoi de Qualification Olympique. Ton objectif était de te qualifier pour les J.O, mais la compétition ne s’était malheureusement pas déroulée comme tu l’espérais… As-tu digéré cette déception ?
Oui je l’ai digéré assez rapidement. Ce n’était pas mon jour et je n’ai pas voulu refaire l’histoire, il n’y avait pas de problème de niveau, j’étais sûr et fier de ma préparation, mais c’est comme ça, la vérité de ce jour-là n’est pas celle de demain.
À un moment donné, est-ce que tu t’es dit que ta carrière de compétiteur de haut-niveau était terminée ? Que tu raccrochais les chaussons ?
Oui, j’y ai pensé. J’étais fatigué… Fatigué de m’entraîner, je ne savais pas trop où aller, je n’avais plus envie de faire les efforts, alors je suis allé grimper dehors quand j’avais envie, pour mon plaisir, en me disant « on verra bien où on arrive ».
Je pense qu’il faut être honnête avec soi-même, sur ses envies et ne pas se forcer. Après les Championnats du Monde à Tokyo, je me suis forcé à aller jusqu’au TQO, ce n’était pas dans mes plans et à mon avis, c’est ce qui m’a coûté ma place aux Jeux.
Je crois que j’y ai pensé aussi parce que je pourrais arrêter demain, c’est ok pour moi. Je suis heureux de ma carrière, j’ai fait ce que j’avais envie. Mais je n’ai pas envie de m’arrêter là.
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Dans cette même interview, tu nous laissais en terminant par ces mots : « À la fin de l’année je vous annoncerai que Paris, c’est une ville importante pour moi !!! ». Nous y voilà, peux-tu maintenant nous en dire plus ?
J’avais besoin de temps pour savoir si les Jeux de Paris allaient me remotiver, et si j’ai repris l’entraînement lundi dernier, c’est pour remonter mon niveau en diff, pour pouvoir vraiment me positionner sur les Jeux Olympiques de Paris.
Après ton échec aux Championnats du Monde et au TQO, tu voulais que l’année 2020 soit une année de transition. Au final, avec une saison quasi-blanche, 2020 s’est avéré être le bon moment pour une transition. En as-tu profité pour effectuer cette fameuse transition, comme tu l’espérais ?
Cette transition c’était pour prendre du repos, se ressourcer, prendre du recul, faire des choix, aborder les competes avec une autre approche, grimper dehors…
Tout s’est très bien passé vu que je suis re-motivé, j’ai récupéré mon titre de champion de France, je vois les choses différemment, avec beaucoup d’expérience. Je crois que ça a été très instructif pour moi.
Aujourd’hui je ne suis pas du tout prêt à regrimper à mon meilleur niveau en compete, mais je suis pressé de retrouver un circuit où je serais prêt, ou il y aura du public, une grosse ambiance etc…
Ce printemps, tu as attrapé la COVID-19, puis, sorti de confinement, tu en as profité pour passer du temps en extérieur, notamment à Bleau, où tu as réussi à enchaîner « La Force » 9a, en direct sur les réseaux. Est-ce que ces moments de grimpe en extérieur t’ont permis de te ressourcer ?
Oui, après avoir été dans une période assez spéciale où ma vie se résumait à Fifa, chips, ice tea et manque de sommeil, j’ai pu recommencer à grimper deux semaines avant la fin du confinement, avec mes 4 kilos en trop… Et je me suis doucement remis en forme en aidant sur les travaux de la salle de Blockout 3.
J’ai repris un rythme stable de sportif et puis avec Adrien Lemaire on est allé faire un tour au toit d’Orsay, où je ne faisais plus un mouv… Donc ce n’était pas très motivant… Et je ne sais pas pourquoi, on y est retourné deux semaines après, où je suis tombé au dernier mouv de « La Force ».
Et là, en parlant avec Jonathan, un pote, je lui dis «en ce moment je me sens vraiment bien, je pense fin de semaine je le fais», sur quoi il m’a dit «ce qui serait beau ça serait de le faire en live sur Insta». J’y avais déjà pensé mais de là à le faire… Et puis on s’est lancé, Block’out a suivi, Christopher aussi, c’était dément, ça a remis un peu d’émotions et d’adrénaline après ce grand temps de pause.
- Le run d’enchaînement de Manu Cornu dans « La Force » 9a:
Puis en juillet, tu as été sélectionné pour participer à la Coupe du Monde de Briançon, mais tu es toi-même allé voir les coachs pour te désister. Peux-tu revenir sur cette décision ?
Pour comprendre mon choix, il faut connaître ma démarche.
J’ai rejoint Jérémy Bonder et Adrien Lemaire dans leurs entraînements spécifiques diff à un mois du sélectif, pour tester des choses pour ma préparation future. Quand tu essayes quelque chose, si tu ne le fais pas à fond, tu n’as pas de réelle réponse, donc j’ai fait ça à fond et j’ai pris ma qualif, mais je n’avais pas prévu et pas envie de m’entraîner durant le mois d’août.
J’avais eu mes réponses.
Ce que j’avais fait en un mois de préparation avait bien fonctionné. Mais je voulais profiter de mon dernier mois de repos avant d’attaquer ma préparation, qui sera longue, alors au lieu d’aller à Briançon pas entraîné et pas prêt, j’ai préféré laisser ma place à quelqu’un de plus impliqué que moi.
C’est ce que j’ai expliqué aux coachs et à la fédé.
Est-ce que la compétition te manque ?
Oui et non, aujourd’hui je ne suis pas du tout prêt à regrimper à mon meilleur niveau en compete donc je n’en raffole pas, mais je suis pressé de retrouver un circuit où je serais prêt, ou il y aura du public, une grosse ambiance etc…
Tu entretiens une très bonne relation avec Romain Desgranges, qui a récemment troqué son maillot de compétiteur, contre la tenue d’entraîneur au sein de l’équipe de France. Un mot là-dessus ?
Je vois ça comme quelque chose de très positif pour la France, c’est un gars qui a énormément de choses à apporter et à transmettre, mais qui va aussi devoir prouver qu’il peut faire progresser un groupe. Il fait partie de mon entourage proche dans le cadre de ma préparation, j’aime sa vision des choses, j’ai confiance en lui pour me faire avancer et faire avancer l’équipe.
Comment envisages-tu la suite maintenant ?
J’ai repris l’entraînement lundi dernier, avec Nico Januel aux manettes et Romain Desgranges en technicien, spécialiste diff. J’envisage également la suite avec de la souplesse avant 2021.
Tu es connu dans le milieu de l’escalade pour avoir un véritable mental de guerrier dans les projets que tu entreprends. Dans quel état d’esprit es-tu maintenant ?
Le mental vient dans la douleur de l’entraînement. Je suis prêt à m’entraîner fort, je me connais mieux et j’ai de l’expérience ! Ça va donner !!
Un dernier mot à ajouter ?
Mentionner mes partenaires Block’out et Scarpa, avec qui on continue l’aventure.