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Nolwen Berthier: « C’est une de ces voies qui te laissent miroiter au premier abord que c’est jouable »

© Philippe Echaroux

Suite à sa grosse performance en début de semaine avec l’enchaînement de « Supercrackinette », 9a+ à Saint Leger, nous avons posé quelques questions à Nolwen Berthier pour en savoir un peu plus…


Quand, et pourquoi avoir choisi de te mettre dans ce projet de supercrackinette?

J’ai essayé Supercrackinette pour la première fois il y a 2 ans. Pour me lancer dans un ultime projet, je voulais trouver une voie pas trop morpho, si possible dans mon style, pas trop loin de la maison … et avant tout qui me motive ! Et bien vous le croirez ou non, mais malgré les nombreuses falaises et belles voies du Sud de la France, ce n’est en réalité pas si facile de tout combiner ! “Supercrack” rassemble un peu de tout cela, et même si je n’ai jamais fait de 9a, pourquoi pas me lancer dans cette aventure ? Dès les premières montées, j’avais bien compris que c’était une de ces voies qui te laissent miroiter au premier abord que c’est jouable, mais que quand venait l’heure d’empiler tous les mouvs, ce n’était pas le même game… Peu importe, l’aventure était lancée !

Quelles ont été les principales difficultés pour toi dans cette voie?

Physiquement, c’est sans aucun doute, d’avoir le niveau de force requis pour le premier crux ! Rien que pour faire ce mouvement intrinsèquement, il m’a fallu quelques séances. Après, comme dans tout projet dur, il y a également un challenge mental. A partir du moment où tu comprends que tu peux enchainer, tout bascule. L’enjeu peut vite prendre le dessus et il faut arriver à conserver un équilibre entre l’envie de grimper et celle de clipper le relais. Combiner ceci avec la gestion de la météo, de l’entrainement, du repos, des contraintes d’emploi du temps, …

Comment es-tu restée motivée et engagée tout ce temps pour ce projet?

Dès le commencement, j’ai pris soin de cette motivation. Je savais que ce serait un projet qui ne se ferait pas en quelques semaines alors j’ai alterné périodes de travail de la voie et temps d’entraînement, pour ne pas tomber dans la monotonie et attiser cette envie profonde de mettre des runs gagnants. Je me suis aussi fixé de nombreux objectifs intermédiaires : faire le mouvement du crux, puis faire le mouvement en partant 5 mouvs en dessous, puis partir du même endroit et empiler les 2 crux, faire le crux lestée à 3 kg, puis toute la section, … Toutes ces étapes m’ont permis de matérialiser un réel avancement et de conserver une forme de complicité avec la voie, où chaque séance reste un jeu qui ne laisse pas s’instaurer la frustration de tomber toujours au même mouvement.

© Antonin Rhodes

Raconte nous comment s’est passé l’enchaînement (le détail de la journée et du run)…

Lundi de Pâques. Météo annoncée: nuageux toute la journée, 18°C, 15 km/h de vent, 24% d’humidité. Bref, les condi idéales. 9h30, petit déjeuner, il fait en fait grand soleil. Génial… Peut être que ça va se couvrir dans l’aprem ? Essayons de ne pas trop trainer quand même … on sait jamais ! 11h, c’est parti pour le classique 7b d’échauffement. J’ai jamais autant forcé. On va dire que c’était à cause du soleil. Message des copains : « Au fait, ça te dit un resto ce soir ? » Pourquoi pas, on verra ce soir … 11h45, la deuxième classique, 8a+. J’ai quand même pris des bonnes bouteilles aujourd’hui … Bon, il était en plein soleil aussi. La forme ne s’annonce pas incroyable … D’un autre côté, tout le monde grimpe à l’ombre, c’est ptet un signe ? Bon au moins j’aurais pas l’onglée … 12h30, la voie est encore à l’ombre. Le fameux petit vent du pilier de Praniania souffle, les dégaines bougent. C’est peut être pas si mal ? Quelques tractions, je ne me sens pas très échauffée. Tirons un peu sur l’élastique. 13h, le crux commence à passer au soleil. Là faut y aller. Quelques suspensions sur la poutre, La chasse au neuf de pâques est ouverte ! Noeud de 8, chausson gauche, chausson droit, sac à pof, magnésie liquide. A nous deux Supercrack !

Les mouvs s’enchainent, je me laisse grimper, les prises sont fraiches sous mes doigts. J’arrive dans l’approche du premier crux, première relance, je me sens plutôt solide physiquement. Deuxième relance, j’attrape parfaitement l’arquée du crux. Je prends l’inter, je bouge les pieds, je ferme le bras. Et … j’attrape le mono !!!!! Wow, le mouv’ m’a presque semblé facile, c’est ouf. Bon, restons concentrée. Me voilà sur la tempo. Ce n’est pas très confortable mais je délaie bien. J’ai quand même pris une petite pétée et mes doigts sont un peu froids. Il faut que le sang revienne si je veux avoir des bonnes sensations dans le crux qui m’attend au dessus. Mais pourquoi mes jambes se mettent à trembler ? Si ça continue je vais pas réussir à charger les pieds… ! Respire, ça va se calmer. Je reste plus longtemps que prévu sur le repos pour gérer tout ça. Je me remémore tous les petits détails à avoir en tête, je souffle deux grands coups, Tchii, Tchii, c’est reparti ! L’approche se passe bien, je place bien mes doigts sur la prise de mise en place, je monte les pieds, je pourfends la prise du crux et … Waaa ! je donne tout ce que j’ai pour aller dans la boite aux lettres… Je l’ai. Incroyable. Je ne suis pas tombée. Il me reste quelques mètres avant la sortie, j’assure les quelques mouvements restants et je clippe le relais !!! Whouhooooooo !! 13h15, mes pieds retouche le sol. Je tombe dans les bras de mon assureur. Je ne réalise pas encore tout à fait … vraiment, c’est fait ? 13h30, Les copains arrivent juste à la falaise. On peut réserver le resto pour ce soir !

Comment se sent-on après la réalisation d’un tel projet ?

J’aimerai dire que ça m’a fait grandir … mais je ne crois pas Blague à part, ces périodes de transition sont toujours un peu particulières. Clipper le relais d’un projet à long terme c’est souvent une immense satisfaction mais passée l’euphorie de l’instant, il y a aussi toujours un peu de vide qui s’installe. Après avoir passé des mois à tout mettre en oeuvre pour un objectif, on est un peu comme déboussolé. Il faut se projeter vers le futur !

Et maintenant, quels sont les futures lignes que tu as en tête ?

J’ai plein de projets en tête, mais après cette période à rester focalisée sur une seule voie, j’ai surtout envie d’explorer plein de falaises différentes, me faire plaisir en variant les voies, brasser des mouvs ! On verra où le vent me portera !

Un dernier mot à ajouter?

Un immense MERCI à toutes celles et ceux qui ont pris part à ce projet ! Vous avez cru en moi, vous m’avez encouragée de près ou de loin, vous vous êtes bien caillés, on a bien rigolé. Bref, vous avez été incroyables !

Publié le : 24 avril 2022 par Charles Loury

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