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Fanny Gibert: « Ne pas avoir d’objectif est mon nouvel objectif »

© Coll. Gibert

Durant la période de confinement, l’IFSC a annoncé que la française Anouck Jaubert était qualifiée pour les JO grâce à la réaffectation du quota non-utilisé de la Commission Tripartite. Une bonne nouvelle pour Anouck, une moins bonne pour l’autre athlète de l’équipe de France, Fanny Gibert, qui avait encore espoir de décrocher sa place pour les jeux sur le prochain championnat d’Europe. Les quotas étant désormais remplis pour l’équipe de France (2 femmes et 2 hommes), Fanny Gibert a du accepter « la défaite » avant de se fixer de nouveaux objectifs. Nous l’avons interrogée à ce sujet…

Salut Fanny, comment vas-tu après cette longue période de confinement ? Comment l’as-tu vécu du point de vu d’une sportive de haut niveau qui a besoin de s’entraîner ?

Ça a été assez difficile au début, surtout pour  prendre la décision du lieu où aller, car il y avait des gros objectifs derrière. Je suis finalement descendue dans le sud de la France, chez mes parents, qui avaient un pan d’entraînement. Seul soucis, j’étais vraiment toute seule pour m’entraîner, mais en contrepartie j’étais dans un super endroit que mon père a construit il y a 3 ans. Au début, ça a été un peu dur de s’adapter, mais j’ai la chance d’avoir de l’expérience dans l’entraînement à distance et ça m’a beaucoup aidé.

Ça m’a quand même demandé beaucoup de boulot pour faire des retours au coach, mais ça s’est fait petit à petit. J’ai mis en place pas mal de choses et j’ai trouvé de la ressource pour m’entraîner toujours plus. Cécile (nldr. Cécile Avezou, son entraîneur) était au top aussi. C’était au final un cocon de confort qui faisait du bien avec mes parents qui étaient là pour me soutenir.

Durant cette période j’ai pas mal travaillé sur moi et je me suis dis que j’avais de la chance d’avoir de l’entrainement de haut niveau dans mon quotidien, ça me donne un cadre et je m’éclate dans mes entrainements même si je suis toute seule et que ce n’est pas toujours simple de trouver de la motivation. Mais finalement ça organisait mes journées, donc être sportif de haut niveau en période de confinement ce n’était pas si mal finalement!

Tu as également appris durant cette période que la dernière place possible pour une française aux JO avait été attribuée à Anouck Jaubert par la commission tripartite. Comment as-tu réagi sur le coup ?

Ça a été très difficile et très douloureux. J’avais tellement de colère en moi que j’avais l’impression qu’elle ne partirait jamais, que c’était trop injuste. Mais j’ai été bien entourée. C’était dur aussi car il y avait plein d’incertitudes: pendant 3 semaines, l’info n’était pas officielle on avait des doutes. Cécile a fait ce qu’elle a pu, c’est un échec pour moi mais pour elle aussi, ce projet on le vit à 2, et même plus car tous mes proches s’investissent avec moi. Mais ce sont des moments forts qui restent gravés et qui rapprochent au final.

Je me sentais très seule dans ce moment là (malgré le soutien de Cécile et mes parents), face à cette décision un peu injuste. Quand l’annonce a été officielle, ça a délié les langues et ça m’a fait du bien de me sentir soutenue par les gens qui me supportent. Je n’en reste pas moins très contente pour Anouck, c’est une athlète incroyable, et elle a eu une pensée pour moi tout de suite après l’annonce.

Et puis, pour gérer ce « deuil », j’ai eu la chance d’être suivie par un préparateur mental depuis peu, et j’ai beaucoup échangé avec lui, ça m’a aidé à me reconstruire. C’était top d’avoir cette personne qui m’a permis gérer ça du mieux possible. Ça va beaucoup mieux maintenant, et je suis vraiment reconnaissante d’avoir eu cet appui avec moi.

Est-ce que tu envisages déjà les JO suivants, à Paris en 2024 ?

Dans l’immédiat je n’envisageais rien du tout, j’étais dans cette colère, mais maintenant l’avenir est un peu moins flou, avec déjà tous mes projets en bloc et aussi en diff qui sont des projets importants pour moi. Gagner une coupe du monde bloc reste mon objectif phare. Et la vérité c’est que je suis plutôt en forme, ce confinement m’a apporté beaucoup finalement, et le déconfinement n’a pas été simple, surtout pour quitter cet endroit où j’avais construit de nouveaux repères.

Maintenant que je suis sortie de mon cocon que j’avais construit, mon nouvel objectif finalement, après autant de prépa physique, c’est de grimper, de retrouver des sensations, de grimper pour le plaisir sans objectif précis. Et ce n’est pas simple car j’ai toujours fait les choses pour une raison, j’ai toujours eu un objectif, donc c’est ambitieux pour moi, mais pour le moment ça se passe bien, je suis revenue à Fontainebleau et je m’éclate, je ne m’attendais pas à kiffer autant !

Comment s’est passé le début de déconfinement pour toi ? On a pu apercevoir des vidéos de toi à l’entraînement avec l’équipe de France, dans quelles conditions sanitaires se déroulent ces entraînements ? Réussis-tu à aller de l’avant malgré toutes les contraintes ?

On avait accès uniquement au pôle avec restriction du nombre de grimpeurs, des examens médicaux, pas mal de contraintes, mais c’était cool de retrouver une émulation avec quelques un des athlètes avec qui je m’entraîne habituellement, la famille Avezou (Zélia, Sam, Léo) et Nathan Martin, et on a pu recroiser Jacky Godoffe qui nous a ouvert des blocs. A côté de ça je grimpe beaucoup dehors et ça me va très bien pour le moment !

La saison internationale 2020 de bloc ne verra pas le jour à cause du covid-19, du coup, quels sont tes prochains projets ?

Je grimpe avec de nouveaux objectifs, qui sont de ne pas en avoir. Je me sens en forme, je grimpe dehors, j’adore. Pour le moment je n’ai pas de projets car on n’a pas d’infos sur les prochaines échéances. Mais évidemment je vais sauter sur la première compétition qui se présentera, même de la diff ça me motivera d’aller me mettre le fight dans des voies.

Récemment Oriane Bertone a enchaîné son premier 8C bloc à 15 ans, qu’est-ce que cela t’inspire ?

C’est incroyable, c’est dément que des filles poussent le curseur de la perf max, il y a Mélissa qui a fait aussi quelque chose de mythique, c’est hyper inspirant de voir tout ça…

Le mot de la fin ?

J’ai hâte de regrimper sans masque devant une foule en délire et de faire des blocs de fou, alors je vous dis à bientôt !

Publié le : 05 juillet 2020 par Charles Loury

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