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Portrait: Gregoire de Belmont, de Renault à Arkose, toute une histoire…

Arkose, Snap, Mroc, MurMur ou encore Oskare, ces marques vous disent peut-être quelques chose…? Elles appartiennent toutes au même groupe, Arkose&co. Créé en 2013 et porté par 4 associés entrepreneurs partageant des valeurs éthiques et éco-responsables, ce groupe est né d’une passion pour la grimpe et la convivialité.

Adeptes des valeurs véhiculées par ces marques et plutôt fans des blocparks Arkose, nous sommes donc allés à la rencontre d’un des associés du groupe, Gregoire de Belmont. Il a accepté de répondre à toutes nos questions, sans détour. 


Peux-tu te présenter en quelques mots pour ceux qui ne te connaissent pas?

Je m’appelle Grégoire de Belmont, l’un des 4 associés opérationnels du groupe arkose&co. Je gère plus spécifiquement les problématiques de stratégie et développement, ainsi que de marketing et com. J’ai 43 ans et je grimpe depuis l’âge de 16 ans. Je n’ai jamais été super fort, j’ai arrêté assez rapidement les compètes quand je suis arrivé à Grenoble pour mon école d’ingénieur. J’y ai passé 3 ans à grimper, randonner à ski, freerider beaucoup, faire du ski de bosses, de la montagne, de la cascade de glace, un peu d’alpi et beaucoup la fête… Puis je suis allé à Paris faire un 3ème cycle marketing et gestion, et je n’ai plus jamais quitté cette ville qui m’a envoûté. Je me suis mis à fond au bloc depuis que je suis là, à Bleau mais aussi dans l’unique salle de bloc française alors (en 1999) : Antrebloc.

Raconte nous ton parcours avant de lancer Arkose.

J’ai démarré ma carrière chez Renault, puis rapidement chez Thomson multimédia en tant que chef produit sur les TV à écran plats (rappelons que ça démarrait tout juste à l’époque, en 2003 !). J’ai quitté les grandes marques en 2006 pour rejoindre 2 collègues de Thomson (qui sont devenus des potes) pour monter la filiale européenne d’un groupe Singapourien qui voulait lancer sa marque de produits électronique (TV, audio, etc) en europe. J’y ai été en charge de la partie marketing-com, développement produit, gestion des opérations. Ça a duré presque 10 ans. On s’est bien marrés, on a beaucoup bossé, et puis soudain j’en ai eu marre d’importer des produits chinois et de pousser à leur consommation en Europe, je voulais quelque chose de plus éthique ….

Pourquoi t’être lancé dans ce projet fou des salles d’escalade?

Je t’avoue que ça commençait à me titiller sévère après avoir vu se monter BO, puis Blocbuster… j’ai commencé à en parler avec des potes, et puis comme j’avais du temps j’ai commencé à monter un projet sur Lyon avec un super bon pote, Nelson. C’est à ce moment que j’ai rencontré ceux qui sont devenus mes associés : Lyes, Samy et Steve. Ils venaient d’ouvrir la salle de Montreuil, je leur ai proposé d’enchainer tout de suite à Lyon, ils ont dit banco, j’ai tout investi dans Arkose et 2 mois après l’ouverture de la première salle on était déjà en train de visiter des locaux à Lyon. Le fait d’être 4 nous a énormément aidé à développer rapidement : plus d’argent et plus de temps, on était 2 à développer et les 2 autres exploitaient les salles et s’assuraient que ça tournait bien.

Et d’ailleurs, pourquoi ce nom, Arkose?

C’est un nom de roche, ça ne contient pas un « bloc-quelquechose », et c’est de cette roche qu’est constitué le superbe rocher d’Uluru en Australie.

Où en est le marché actuellement? Penses-tu que l’ère des JO va encore faire progresser le monde de l’escalade en salle?

J’étais en juin au WICS en Bulgarie où j’ai pu faire le point sur le marché justement. Franchement on ne sait pas où et quand ça va stagner… aujourd’hui ça progresse à deux chiffres dans tous les pays : France bien sûr, mais aussi UK, Allemagne, Espagne, Italie, US, etc… ce qui change encore d’un pays à l’autre c’est la taille des groupes de salles de grimpe. En France on est assez avancés sur le sujet paradoxalement… Bien sûr que les JO vont faire encore plus progresser la pratique en salle. La médiatisation d’un sport, si elle est bien faite, permet de développer sa notoriété et forcément le nombre de pratiquants. C’est grâce à un début de médiatisation depuis 2-3 ans que nous vivons en France aujourd’hui cette explosion de la pratique ! Je ne compte plus mais il doit y avoir aujourd’hui plus de 130 salles privées en France pour plus de 2 millions de pratiquants occasionnels ou réguliers.

Qu’as-tu à répondre à ceux qui comparent outdoor et indoor ou ceux qui ne cautionnent pas de grimper enfermé dans une salle?

Bah ils se trompent de débat. Il n’y a pas à comparer. L’un peut parfaitement vivre sans l’autre, il peut parfaitement vivre avec aussi. Et puis ce débat est vieux comme Hérode (une expression quasi aussi vieille que Hérode d’ailleurs), je l’ai déjà vécu dans les années 90 (ça aussi ça fait vieux putain, faut que j’assume…). Moi perso j’ai toujours fait les deux, j’ai démarré dans un gymnase à Orléans, et je ferai toujours les deux.

J’ai envie de dire d’ailleurs heureusement que tous les grimpeurs de salle ne vont pas en Outdoor car ça ferait peut être du mal à nos espaces de pratique naturels. Il faudra d’abord les éduquer à faire ça bien, en respect avec la nature et les autres pratiquants (qu’ils soient grimpeurs, randonneurs, VTTistes, etc).

Grimper en salle c’est aussi beaucoup plus de contacts humains, de lien social, c’est ce qui m’a fait aimer le bloc en salle et c’est ce que j’ai cherché à développer dans nos salles : cette convivialité, ce plaisir d’être ensemble, de retrouver des potes, de s’en faire aussi…

Peux-tu nous expliquer les étapes de conception d’une salle Arkose?

Pfiou. C’est long tu sais. Un peu plus d’un an en moyenne entre la première visite et l’inauguration : visites, négos bailleurs, esquisses, plans archi, dépose du dossier d’autorisations administratives, attente de 4 à 5 mois selon les cas qu’on met à profit pour établir le dossier de consultation des entreprises et qu’on les consulte justement, démarrage des travaux qui durent entre 4mois et ….. bcp plus selon les cas et la complexité, ouverture des blocs, mise en place du mobilier, des stocks boissons et cuisine, avant tout ça y’a eu le recrutement des équipes (accueil, cuisine, service, ouverture) et leur formation, en // le pôle marketing a géré la création du site web, la page FB, l’organisation de la com autour de l’inauguration, l’organisation de l’inauguration en elle même… et bim c’est parti ! Tu noteras qu’une boite de la taille d’arkose&co ne se pose plus trop la question du financement de tout ça mais c’est le point important qui peut retarder le démarrage du projet et que tu mènes après avoir signé un bail (sous clause suspensive d’obtention de ton financement et des autorisations administratives justement) : faut aller voir les banques, leur expliquer ce que c’est ce sport, parler de la concurrence, etc. On a eu à le faire sur les 5 premières salles, maintenant plus besoin. Ca devient compliqué pour les indépendants d’ailleurs…

Décris-nous TA salle d’escalade idéale.

Grande et aérée, peu de prises sur les murs, une grosse diversité de profils, des espaces vides entre les blocs, de quoi se poser, de la lumière naturelle, du bon son, un bar avec 12 tireuses (bien que je prenne toujours la No Foot chez Oskare !), un resto raffiné qui met en avant les petits producteurs locaux, une belle zone étirements, des salles de yoga et un osthéo, une super ventilation, et en prime la vue sur la Seine. Ce qu’on a fait à Arkose Rouen en fait non ? 😉

Comment se démarque Arkose par rapport à la concurrence?

En effet maintenant tout le monde fait du bloc et des restos…

4 grosses différences :

1- on s’engage vraiment pour limiter notre impact sur l’environnement, la nature en général. Ca s’est fait crescendo et on n’est toujours pas parfaits là dessus, mais on a démarré dès le début avec nos restos en les engageant sur la voie du local, du fermier, de l’artisan… On a été clairement précurseurs là dessus même si aujourd’hui tout le monde veut faire pareil. On va plus loin du coup, tant mieux si les autres nous suivent ça fera du bien à la planète : on a signé un véritable engagement avec le WWF et le ministère de la jeunesse et des sports, aux côtés d’autres gros (très gros) équipements sportifs, une charte en 15 points qui nous engage et nous oblige à nous mesurer et à nous challenger sur tous les aspects de nos salles, énergie, déchets, sourcing, eau, moyens de transports, etc. On a embauché un responsable du développement durable qui est là pour nous aider à progresser, à engager tous nos salariés autour de cette démarche, et – cerise sur le gâteau – à tout faire pour engager nos grimpeurs aussi. Cet engagement on l’a maintenant dès la phase de conception de nos nouveaux blocparks, on réemploie des matériaux de démolition, on chine du mobilier, on fabrique des meubles en bois recyclé, on met en place des systèmes de ventilation les plus efficaces possible….

2- on crée des espaces de vie ouverts à tous les grimpeurs, pro ou néophyte, où chacun doit se sentir à sa place. La qualité de la grimpe est quelque chose sur laquelle on n’a jamais radiné. Là encore on a montré la voie : des ouvreurs payés à la journée et pas au bloc, 6 blocs par ouvreur par journée d’ouverture, et on a des agents spécialement affectés au démontage et au NETTOYAGE (et oui, on aime les salles propres alors on nettoie les murs avant chaque réouverture) des murs avant que les ouvreurs n’arrivent. On a vraiment tout fait pour mettre en avant le métier des ouvreurs, leur laisser le temps pour ouvrir mais en leur demandant de la qualité du coup : esthétisme, diversité, homogénéité et cohérence… c’est un métier qu’on a contribué à créer. Encore une fois aujourd’hui tout le monde fait pareil mais on a été précurseurs. Aujourd’hui par exemple, tous nos ouvreurs sont salariés chez nous afin de bénéficier des mêmes couvertures sociales que tout le monde (ce qui n’est pas le cas quand ils sont auto-entrepreneurs car ils ne sont pas payés quand ils sont blessés par ex), ils bénéficient d’un suivi médical spécial (ostéo et chirurgien de la main). Ce sont des sportifs de haut niveau… Le choix de ne mettre que 6 niveaux de difficulté fait partie de cet engagement : moins de prises sur les murs, plus de lisibilité pour les débutants, moins de gênes par les autres prises pour les blocs durs.Et enfin des sessions d’ouvertures très fréquentes, entre 2 et 3 par semaine selon les blocparks… bref, on a vraiment mis l’expérience de la grimpe au centre de tout car on est des grimpeurs avant tout.

3- On veut des salles conviviales et ouvertes à tous. On veut vraiment que tout le monde se sente bien. C’est un truc que j’ai ressenti par le passé, cette impression d’arriver dans un endroit où tu n’es pas le bienvenu car tu viens sur le territoire des autres. Je l’ai ressenti sur des plages de surf, en montagne, sur des pentes de peuf vierges. Il a fallu que je devienne fort (ou pas dans le cas du surf…) pour me faire respecter. C’est un truc qu’on veut éviter. Notre staff fait tout pour qu’on se sente bien dès qu’on franchit la porte, l’agencement des espaces contribue à cette atmosphère bienveillante, les bibliothèques partagées, les expos, les concerts, les events réguliers permettent de mettre tout le monde ensemble, les forts grimpeurs avec les nuls. C’est ça qu’on veut.

4- Nous avons refusé de franchiser notre concept car nous pensons que posséder nos espaces nous permet d’y apporter la plus grande qualité possible. On refuse également de racheter des petites salles pour accroitre notre réseau mécaniquement plus rapidement. Nous engageons la marque Arkose sur une exigence de qualité, elle ne peut pas transiger avec une velléité de développement tout crin, ce qui ne nous empêche pas de nous développer. En parallèle on commence à se diversifier, là encore pour assurer de la vraie qualité et parce que on apprend des nouveaux métiers et c’est fun : notre bière Oskare brassée par nous sous notre salle de Nation avec du malt local et qu’on ne vend que localement, nos équipements et vêtements Snap qu’on a commencé à concevoir en cherchant des matériaux bio ou recyclés… notre démarche est de maitriser notre développement pour augmenter la qualité en même temps qu’on se développe, je peux t’assurer que ça n’est pas facile à faire !

On entend souvent dire que les clients des salles ne sont pas de « vrais grimpeurs », qu’en penses-tu? Les salles Arkose visent-elles également un public de grimpeurs confirmés?

J’ai un peu répondu sur notre cible. Nous voulons être irréprochables sur la qualité de la grimpe, pour les experts comme les débutants. Alors évidemment personne n’est parfait, mais on met en place des process pour éviter les grosses erreurs. Et on est contents de constater que la plupart des athlètes de l’équipe de France passent beaucoup beaucoup de temps dans notre blocpark de Massy par ex. Ca veut dire qu’on est aussi bons pour les meilleurs.

Le grimpeur indoor est il un vrai ou un faux grimpeur ? Ben potentiellement ça peut ne pas être un grimpeur d’outdoor mais cela fait il de lui un faux grimpeur ? Bien sur que non ! Et que penser alors d’un gars comme Jérémy Bonder qui s’entraine dans nos salles et va bosser des projets dans le 9 en falaise à St Léger ou à Buoux ? Ou Mathilde Becerra qui a repris l’alpi, le mixte et se met à la cascade tout en performant en falaise, mais en s’entrainant chez nous ?…. ben ce sont des vrais grimpeurs, et ils font les deux. Démarrer en salle permet d’apprendre tranquillement et à son rythme. Transposer ça en extérieur demande aussi du temps, mais ça se fait bien, je rassure tous les grimpeurs de résine qui veulent tâter du vrai caillou !

Aujourd’hui, présente nous Arkose en quelques chiffres?

Fin 2019 Arkose&co ça sera :

  • 4 associés opérationnels : Lyes, Samy, Steve et moi.
  • 5 marques : Arkose, MurMur, Mroc, Oskare et Snap
  • 15 blocparks et 2 salles de cordes en exploitation en France.
  • 350 salariés dont 43 au siège à Paris, 30 ouvreurs…
  • Plus de 400 blocs différents ouverts chaque semaine 🙂
  • Plus de 1200 couverts servis tous les jours dans nos salles
  • Plus de 100 000 grimpeurs tous les mois dans nos salles

Les prochaines étapes pour Arkose? Tu nous lâches un ou deux petits scoops?

Yes, arkose&co s’internationalise : on a signé des baux dans 2 pays limitrophes à la France. On doit déposer nos dossiers administratifs, je t’en dirai plus quand ils seront acceptés !

On a 15 blocparks sécurisés déjà dont 10 l’année prochaine et plusieurs dans Paris intra-muros.Les autres scoops je les garde au chaud 🙂