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Dossier: Lecture, Visualisation et salle d’isolement

 

Un article sur la lecture ? Ok ! Un article sur lecture et visualisation ? Ok. Sur la lecture et la visualisation en salle d’isolement ? Aie, aie, aie… Mais qui a choisi cette thématique dans la team Planetgrimpe ?!

Voilà un sujet très intéressant, trop peut-être. Comment synthétiser en quelques lignes les notions fondamentales, les liens, tout ce que cela inspire, suscite, induit ? A première vue, on pourrait se contenter de dire qu’il s’agit d’une suite chronologique. D’abord les compétiteurs décodent la voie proposée. Ensuite ils tentent de visualiser les mouvements (cela peut participer à la mémorisation des prises), en effectuant quelques mouvements pendant le temps de lecture. Enfin ils rejoignent la salle d’isolement avec une idée, une représentation, une interprétation bien personnelle de ce qui les attend. Déjà ils se projettent dans un futur plus ou moins proche.

Si on accepte bien volontiers l’enchaînement de lecture – visualisation – isolement, on peut alors se poser une autre question : et après ? Et après, qu’est-ce qu’on fait ?!

Définitions ?

Que signifie « lire une voie » ? « Visualiser » ? Il serait intéressant de définir ces termes, ou de tenter une approche scientifique. Mieux encore, on pourrait évoquer l’imagerie mentale, faire tout un article sur les bienfaits d’une visualisation en perspective interne ou externe, associée ou dissociée, à vitesse réelle, lente ou accélérée. On pourrait rajouter le kinesthésique au visuel. Quoi de mieux que d’anticiper les tensions musculaires pour se donner toutes les chances de réussir ? On pourrait introduire des sons, le bruit des spectateurs, de la musique motivante. On pourrait. On pourrait faire un article semblable à des milliers d’autres articles, toutes disciplines confondues. Pourquoi travailler en imagerie ? Pourquoi apprendre à bien visualiser ? La science apporte une somme de données très intéressantes, pour les sportifs, le milieu médical, les managers…Et oui, si on entraîne mentalement la partie gauche du corps, la partie droite progresse aussi. Alors, si tu « visualises » bien ta voie, tu seras bon. Parce que tu auras préparé ton corps à performer. Super. Et donc ?

Et donc on va fuir cette approche pédago –scientifico – prétentieuse. Si vous souhaitez vous former à l’imagerie mentale, approfondir le sujet, c’est simple. Sauf que la science s’intéresse à des concepts, des processus, des mécanismes, et surtout pas à un sportif en particulier. Voici l’angle d’attaque de cet article : une approche humaine, mentale, comportementale. Si les membres de la team PG se posent des questions sur tout cela, c’est qu’il faut aller chercher ailleurs. Ailleurs que dans les études. Que dans les cours. Retour à la pratique.

Des questions de fond

Les préparateurs mentaux posent parfois des questions étranges. On cherche à expliciter l’action, à savoir ce qui se passe en vous, ce que vous ressentez dans le mouvement, ce que vous vivez quand vous effectuez un geste. Alors évidemment, c’est un peu déconcertant « tu fais comment pour ne pas dormir ? », ou « tu fais comment pour stresser ? ». On pourrait apprendre à un sportif les origines du stress, ce qui se passe dans son cerveau, lui donner des cours de neurosciences, le problème resterait le même. La lecture, la visualisation, plus globalement l’imagerie mentale, sont des thématiques traitées dans les ouvrages ; des livres qui sont d’excellents supports mais qui ne permettent pas d’avancer.

Alors combien de fois faut-il visualiser sa voie en isolement ? Faut-il prendre du repos entre les répétitions mentales ? Faut-il varier les modalités : visuelle, kinesthésique, auditive ? Quand le faire ? Début d’isolement ? Fin ? Milieu ? Début et fin ? Tout le temps ? Est-ce épuisant ? Est-ce stressant ? Déstressant ? Peut-on faire aussi bien que ce qui est expliqué dans les ouvrages ? Et si je visualise mal, si je me trompe, vais-je augmenter mes chances de chuter (après tout, si ça fonctionne dans un sens, ça devrait aussi de passer dans l’autre, non ?) ?

Avant de poursuivre la lecture de cet article, prenez le temps de répondre à cette question : comment faites-vous pour échouer en isolement ?

Eh oui, ça change de « comment faire pour réussir »…

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Un exemple réel

Cette année, une grimpeuse m’a parlé d’un problème un peu particulier : « je suis tombée en finale des championnats régionaux, mais je ne sais pas pourquoi. Pourtant je n’étais pas stressée, les autres m’ont dit que j’étais rando, j’étais concentrée, j’avais bien lu ma voie, j’avais la bonne méthode et je n’étais pas cramée. Pourquoi ? ». Comme beaucoup de sportifs (pas uniquement en escalade), l’isolement est le lieu de toutes les erreurs : confrontation avec le regard des autres, déstabilisation, routine inexistante ou inefficace. Alors ils cherchent à le rentabiliser. La visualisation de la voie fait partie de ces moments particuliers. Tout comme les exercices respirations, de relaxation, ou d’activation. La réussite de la voie dépendra, bien sûr du niveau de forme, mais aussi de cette gestion de l’attente. Et puis, boum, c’est parti. C’est tellement bien parti que cette grimpeuse est tombée. Pourquoi ?

  • Tu as fait comment pour tomber ?
  • bah j’en sais rien, c’est allé vite.
  • Tu te souviens de la voie ?
  • oui, oui, un peu.
  • Tu peux me raconter ta voie ?
  • Avec les prises et tout?
  • Comment tu as vécu ta voie ?
  • Au début c’était facile, pas de problème, j’étais concentrée. Pfoua c’est dur de raconter… ! Et puis il y avait un croisé, je me suis dit que ça allait être dur. Je me suis dit que j’étais pas bien, que j’allais me la coller (…).
  • Mais tu n’es pas tombée ?
  • (…) et là je me suis dit que j’étais pas bien, que ça avait l’air dur. Mais c’est encore passé.
  • Et tu m’as dit que les autres t’avaient trouvée rando non ?
  • Bah oui, je ne comprends pas, ça ne devait pas se voir ! Peut-être que j’étais pas si mal que ça par rapport aux autres filles alors…
  • Peut-être que tu viens de comprendre pourquoi tu es tombée non ?
  • Oui…j’étais super négative en grimpant.

Alors, c’est bien beau de vouloir être exemplaire sur la méthodologie de lecture, sur la visualisation en isolement. Mais à quoi bon savoir jouer avec les modalités sensorielles et les vitesses mentales, si on grimpe de manière négative. Voilà un exemple qui illustre un travail de visualisation possible. Nul doute que lors de sa prochaine visualisation en isolement, cette grimpeuse intègrera des pensées positives du genre « je vais y arriver ». Et ça lui apportera bien plus que d’anticiper les tensions musculaires au niveau des fléchisseurs des doigts par exemple…

Sur la forme

Cet exemple met en valeur ce qui se passe dans notre cerveau. Si vous êtes tous en mesure de tracter à un bras, vous n’êtes pas tous égaux au niveau du mental. Sans vous posez certaines questions de fond, impossible d’avancer. C’est bien de vouloir passer de la théorie à la pratique, mais n’oubliez pas que vous êtes au centre du système…

Bien sûr, il faut visualiser sa voie en isolement. Mais comme tout travail mental, il nécessite de l’entraînement. Combien de répétitions ? Quelles pauses ? Quelles modalités ? Cela ouvre sur une autre thématique, la mise en place d’une routine précompétitive. Que faire, et quand ? Il ne s’agit pas de superstition, mais de tout faire pour ne pas penser de manière négative, ne pas stresser. Contrôler, gérer son isolement. La visualisation doit faire partie intégrante de cette routine, au même titre que l’échauffement ou la mise des chaussons.

La préparation mentale n’est pas magique, ni mystérieuse. C’est un retour aux sources…il suffit parfois de peu pour réussir…ou pour échouer. Visualiser, c’est déjà…grimper… !

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Publié le : 09 septembre 2015 par Charles Loury

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