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Apprendre à gérer son mental en finale!

Prenez le temps de lire cet article tranquillement, c’est-à-dire vraiment au calme. Respirez profondément, pendant une minute, préparez-vous à vivre au rythme des lignes, de vos émotions. Vous savez le faire, bien sûr.

« Mental ». « Finale ». Projetez-vous dans ces mots, l’un après l’autre. Laissez venir les images qui y sont associées, les sons, les émotions, accueillez-les simplement. Très simplement. Cela devrait prendre quelques instants, inutile de poursuivre si vous ne jouez pas le jeu.

Voilà, c’est fait ? C’est très personnel, n’est-ce pas ? Alors, rendez-vous à l’évidence, n’imaginez surtout pas qu’on peut apprendre à gérer son mental en lisant un article. Ce serait trop beau, certainement. N’imaginez vraiment pas que vous allez changer si facilement.

Dans les ouvrages sur l’entraînement, on apprend justement à entraîner, à préparer, à développer. Ces termes s’associent bien volontiers au « physique ». Et c’est parce qu’on s’est entraîné pendant des semaines, des mois, des années, que le jour J le corps est prêt. Alors, c’est quoi cette histoire de « gestion » du mental ? On arrive comme ça, on est un peu tracassé, on panique, on stresse, et on gère si besoin ? Imaginez un instant qu’on vous propose de gérer votre physique…c’est flou, c’est inconcevable. Insistons. Tout le monde donc autour de vous, vos parents, vos amis, votre entraîneur, le président du club, tous ces regards vous parlent : « te voilà en finale, maintenant à toi de jouer, gère ton physique ». Qui d’entre vous maîtrise l’intensité réelle d’une contraction, la fréquence cardiaque au battement près, la libération de sueur par plusieurs millions de glandes réparties sur votre corps ? Personne. S’il est possible de créer un effet pour contrôler plus ou moins, il est impossible d’en avoir la maîtrise totale.

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Et pourtant, on parle bien de gestion du mental, ce qui sous-entend la mise en place de différentes techniques pour réussir. Un sportif de très haut niveau n’est pas un être dépourvu d’émotions, c’est juste qu’il les gère. Et mieux que les autres. Si vous connaissez une technique pour avoir un pouls à 58 exactement, ou pour créer 10 sarcomères en série par fibre musculaire, faites-le savoir. En revanche des techniques pour se débarrasser d’une image négative, on en a beaucoup à notre disposition. C’est étrange vous ne trouvez pas ? Une image mentale ne pourra jamais être vue par quelqu’un d’autre que vous, et les émotions sont personnelles. Elles se situent peut-être au niveau de la poitrine, de la gorge, peu importe. Si l’emplacement est souvent le même, elles ont toutes une saveur différente. Gérer son mental, c’est mettre en place des techniques simples pour laisser la place à ce qui vous passionne le plus : vivre votre finale, celle dont vous rêvez tant et que vous autosabotez par manque de moyens ou d’entraînement (ah oui, c’est assez rare de réaliser un geste technique sans jamais l’avoir travaillé…).

Voilà pourquoi les ouvrages n’apportent pas vraiment de réponses à la question de gestion du mental. En plus, on y trouve toujours les mêmes techniques. Respirez profondément. Super. Rétrécissez une image négative mentalement jusqu’à ce qu’elle devienne toute petite, et faites apparaître une image positive à la place. Mouais. Pensez positivement. Franchement, ça le fait moins que « descendez en excentrique à une jambe et maintenez une contraction isométrique à 120° pendant 2 secondes avant d’exploser en stato-dynamique en arrivant à un pied sur un banc instable d’une hauteur de 20cm pour travailler la proprioception et l’équilibre ». Attention, on va apprendre à gérer le mental. Prêt ? Ne dites pas « je vais essayer » mais « je vais tout donner ». Youhou. Et toutes ces techniques qu’on regroupe dans le mindfullness, la méditation, la relaxation, la PNL, l’hypnose, ou la sophrologie par exemple, on les a mises dans des ouvrages. On balance des émissions à la télé qui cachent une bonne partie de la vérité, et on se prend dans la tête de jolies phrases du genre « la carte est différente du territoire qu’elle représente ». Et bon nombre de sportifs sont déçus. Ils sont si déçus qu’ils ne font rien, qu’ils ne s’entraînent pas, qu’ils n’essaient même pas d’ailleurs. Alors se développe souvent un champ de vision très restreint de ce que peut être la préparation mentale : s’endurcir absolument. Souffrir. Vivre des moments éprouvants dans la discipline, et en sortir plus fort. Ce n’est pas forcément la meilleure solution (avouons tout de même que ça peut avoir du bon… !).

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Pour gérer une finale, il faut donc s’entraîner mentalement et accepter la simplicité. Il faut comprendre ce qu’on lit, ce qu’on entend, ce qu’on apprend. Je trouve très courageux ceux qui se lancent dans des articles sur le mental, car j’ai souvent en retour des propos très incisifs de la part de certains sportifs, voire méchants, du genre « c’est vraiment nul », ou « moi aussi j’aurais pu l’écrire ». Je les défendrais (les auteurs !) jusqu’au bout. Gérer son mental, c’est apprendre à sentir et ressentir vraiment, régulièrement, à mettre du sens sur ce qu’on lit.

Alors, je vais rependre quelques idées intéressantes.

1 « Essayer »

Notre cerveau fonctionne par associations d’idées. Un souvenir ne sera jamais que visuel, ou que kinesthésique par exemple. Peut-être que si vous vous souvenez de votre dernière salle de cours, certains reverront mentalement la couleur des chaises, d’autres l’emplacement des prises électriques, la luminosité, le bruit des pas dans le couloir. Pourtant, vous avez eu une heure pour tout retenir de ce décor si simple. Peut-être même qu’en revoyant mentalement cette salle, vous repensez à votre tante qui vous a laissé un message inhabituel durant le trajet pour vous y rendre. Peut-être que ce cours-là sera associé à une couleur, une musique.

Alors, le mot « essayer », il s’associe comment au reste, dans votre tête ? Quand on vous propose d’essayer, cela rappelle probablement toutes les expériences difficiles, stressantes, délicates. Essayer de bien grimper ? Voilà une belle association (c’est ironique hein ?) !

Consciemment, ça ne vous parle pas trop. Alors changeons de contexte : imaginez qu’un pilote d’avion vous dise « on va essayer d’atterrir ». Ça ne fait pas tout à fait le même effet que « on va atterrir », n’est-ce pas ? Plus vous vous lancerez à l’entraînement, en compétition dans des « je vais essayer », plus vous risquez d’associer des « échecs » à ce mot (ou plutôt des apprentissages, n’est-ce pas !).

Et lorsqu’un exercice, une voie, un bloc vous paraissent difficiles, on n’a pas le droit d’essayer ? On va tout donner. Et de « difficile », il faudrait par exemple dire qu’une voie à l’air « nouvelle », « amusante », « apprenante ». Tous ces mots qu’on entend à longueur de journée, vous les injectez inconsciemment dans des expériences. Mettez le sens que vous voulez vraiment, associez des mots intéressants à des émotions, des sensations.

Alors, en finale, vous n’allez pas essayer de sortir. Vous allez faire de votre mieux, vous allez réussir à vous exprimer. Avant tout.

2 La négation

N’imaginez pas une prise rouge. N’imaginez pas votre main sur un plat. Surtout, ne stressez pas. Voilà, tout est dit ou presque. Le cerveau ne comprend pas vraiment la négation, il imagine pour ne pas imaginer. Et comme l’inconscient est bien plus rapide que notre conscience, quand vous « balancez » un mot comme « stress », imaginez le nombre d’associations d’idées qui se mettent en place. Vos expériences, vos filtres, vos croyances, tout y passe.

Donc oui, on dit que les formulations doivent être positives. Plutôt que de se dire intérieurement « ne stresse pas », préférez « détends-toi ».

3 Votre cerveau vous protège

Parce que depuis des milliers d’années nous avons appris à nous défendre, à ne pas nous faire avoir une seconde fois, nous avons développé des comportements qui maintenant sont dépassés. Le stress par exemple. Dans certains cas, il nous stimule. Parce que dans la nature, il fallait pouvoir s’enfuir face à un prédateur. Ou lutter. Ou s’immobiliser. Aujourd’hui, à l’échelle humaine, un examen qui nous stresse ne nous demande pas forcément de partir en courant. Nos comportements sont quelquefois inadaptés. Et on se souvient très facilement des expériences qui nous ont fait peur, qui nous ont déstabilisés.

Alors, si notre cerveau est capable de retenir tout ça, on peut aussi se dire qu’il est capable de retenir le positif, n’est-ce pas ? De la même manière que le négatif. Une émotion intéressante, prenante, positive, une jolie association avec une idée, un geste, et tout va mieux. En finale, c’est ça qu’il faut apprendre à faire. À « rappeler » les comportements adaptés, souhaités, voulus. Et qui dit gestion dit aussi qu’on a appris à le faire à l’entraînement. Pour gérer, il faut maîtriser un minimum.

4 Gérer le mental en finale ?

D’abord, il y a les routines, qui rythment et rassurent, et qui n’ont rien à voir avec la superstition. De la préparation du sac jusqu’à l’échauffement, elles servent à notamment à automatiser l’« avant-performance », à conserver un peu d’énergie, à ne pas s’épuiser nerveusement en réfléchissant sans cesse à ce qu’il faut faire. C’est la première règle en compétition : arriver avec une routine approuvée. Penser à soi et non observer les autres, agir et non subir.

Ensuite, bien sûr, la respiration. Avez-vous vraiment pris le temps de respirer, et d’en constater les effets ? C’est trop facile de critiquer, de dire que tout cela ne sert à rien. Et puis bien souvent, ceux qui refusent de le faire sont également ceux qui…ont du mal à accepter le regard des autres !

Pas de recette miracle, mais il faudrait évidemment travailler la voie mentalement, avec les techniques d’imagerie mentale. Vitesse réelle, accélérée, lente, en associé ou dissocié, visuel ou kinesthésique, intégration du bruit des spectateurs, plutôt centrée sur les pieds, les tensions musculaires ? C’est à l’entraînement qu’on apprend cela. Qu’est-ce qui vous correspond le plus, qui vous aide le plus ? Votre voie de finale, même si elle est à vue, il faut la vivre pleinement, vous projeter dedans. Mémoriser les prises ne suffit pas.

Ensuite, pensez aux ancrages travaillés, à vous encourager de manière positive (pas de négation hein ???!), à vous détendre si besoin (ne fermez pas trop les yeux, desserrez un peu la mâchoire, relâchez les épaules…), ou vous dynamiser (ancrage, respiration ventrale en triangle inversé par exemple, visualiser une couleur très vive, fluo…). Imaginez qu’un filtre est placé devant vos yeux. C’est lui qui vous « truque » la réalité. Car la réalité, vous la connaissez vraiment. C’est une finale, votre finale. Entre la voie et vos regards, un fichu filtre un peu gris vient vous embêter. Mais vous savez qu’il s’agit d’un filtre, n’est-ce pas ? Que si vous l’enlevez, tout est beau, tout est pur. Vous avez envie de bien grimper, de bien faire, et vous allez bien faire. Virez ce filtre temporaire.

Et puis on imagine souvent qu’une voie de finale n’est pas forcément « sortable ». On s’attend à des « bouchons », on imagine que les grimpeurs vont tomber en masse à tel ou tel endroit. Et souvent, c’est même l’entraîneur qui vous l’a suggéré en voulant bien faire. C’est votre finale, la voie est ouverte et réalisable. Bien sûr.

Attention à l’emploi des mots, « je vais/veux me faire plaisir, je vais/veux tout donner », et pas de « je vais essayer, je vais tenter de », ni même de « je dois ».

Finalement, il ne s’agit que de techniques simples, accessibles, facilement applicables. C’est ça, savoir gérer son mental. Prendre le contrôle de vos émotions, imaginer une autre version de vous-même et fusionner avec elle. Mais oui, tout cela se travaille. Et pas uniquement en compétition. C’est bien à l’entraînement, à la maison, qu’il faut prendre le temps d’avancer, tranquillement, à son rythme.

Parce que parfois, c’est souvent en gérant la simplicité qu’on parvient à maîtriser la complexité.

Acceptez, vivez, ressentez, identifiez, amplifiez, imaginez. C’est bien plus agréable et utile que de remettre en question, de critiquer.

Et puis enfin, lisez cet excellent article : http://objectif9a.com/preparation-mentale-routines/

Bonne grimpe, et surtout, lorsque vous serez en finale, ne pensez surtout pas à ne pas vous détendre !

 

Thomas Ferry – Préparateur physique en escalade

 

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Publié le : 30 mai 2016 par Charles Loury

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