Staša Gejo quitte les compétitions sur un coup de gueule : « Je ne veux plus faire partie de ce cirque ! »

© IFSC
C’est un tournant pour l’une des figures emblématiques de la scène internationale ! La Serbe Staša Gejo, 27 ans, a annoncé son retrait du circuit des compétitions après une carrière marquée par de nombreux podiums en Coupe du Monde et aux Championnats d’Europe.
Une décision radicale qu’elle justifie par un profond désaccord avec l’évolution des compétitions et un manque de soutien pour poursuivre au plus haut niveau.
Une annonce choc et sans filtre !
La grimpeuse serbe a officialisé son départ sur Instagram, dans un message aussi virulent que critique : « Le monde des compétitions ne m’inspire pas, il me répugne. Je ne veux plus voir ces prises sans grain. Je ne peux plus voir les mêmes visages ouvrir chaque compétition et dicter les tendances. J’ai un problème avec ça. Je n’ai ni le soutien, ni une équipe, ni une salle, ni les ressources pour payer ces précieuses personnes, suivre les tendances et exceller dans ce système ».
Ce coup de gueule vise directement la fédération internationale et le travail des ouvreurs, qu’elle accuse de proposer un style de blocs uniformisé. Une critique que d’autres athlètes ont déjà exprimée, pointant du doigt une évolution qui favorise le spectacle au détriment d’un challenge technique et physique plus varié.

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Dans une déclaration, l’IFSC a réagi : « Nous avons pris acte de la décision de Staša et elle nous manquera lors des compétitions internationales. Elle fait partie de la Commission des Athlètes de l’IFSC et a toujours exprimé ses opinions avec franchise, à la fois au sein et en dehors de la communauté de l’escalade. En ce qui concerne les ouvreurs, nous avons un groupe de professionnels de confiance qui conçoivent les tracés pour nos Coupes du Monde et nos Championnats du Monde. Malgré leurs styles et idées variés (ce qui est encouragé car chaque ouverture doit être différente), ils respectent les directives de l’IFSC ».
Un manque de soutien et des doutes persistants
Gejo a également évoqué un manque de financement et des conditions d’entraînement inadaptées comme facteurs ayant influencé sa décision. Si la Serbe a pu compter sur le soutien de sa famille, de son pays et de ses sponsors, elle avoue avoir souvent ressenti un manque d’accompagnement au quotidien : « Je regardais les équipes avec leurs entraîneurs, leurs kinés, des salles entrières réservées pour eux et des ouvertures de nouveaux blocs toutes les deux semaines. Moi, j’ai toujours essayé de m’adapter avec les moyens du bord ». Un sentiment d’isolement qui l’a poussée à remettre en question son avenir en compétition.
Révélée en 2015 avec un titre de Championne du Monde junior en bloc et en combiné, elle s’est imposée au fil des années comme une compétitrice redoutable. Championne d’Europe de bloc en 2017, elle a aussi décroché plusieurs médailles de bronze en Coupe du Monde, notamment à Chongqing (2018), Innsbruck (2021) et Brixen (2023). Malgré son expérience, elle n’a jamais réussi à décrocher son billet pour les Jeux Olympiques, terminant 2ème aux qualifications européennes pour Paris 2024, un crève-cœur pour elle. Sa dernière apparition en compétition remonte au mois d’août dernier, lors des Championnats d’Europe à Villars, où elle a terminé 8ème en bloc.

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« J’avais peur de faire cette annonce et de dire au revoir. J’avais l’impression que ce serait un gâchis de partir comme ça… Mais en août, à Villars, j’ai compris que c’était ma dernière compétition internationale. J’ai adoré être là, avec mes amis et ma famille, mais je n’ai pas du tout aimé la grimpe en elle-même. Les finales m’ont particulièrement dégoûtée », déclare la Serbe.
Une reconversion vers le rocher
Si elle tourne la page du circuit des Coupes du Monde, Gejo n’en a pas fini avec l’escalade. La Serbe entend poursuivre sa carrière en se consacrant sur le rocher : « Mon amour pour l’escalade ne s’arrête pas. Je veux juste grimper pour moi, découvrir de nouveaux endroits et rencontrer des gens passionnés », confie-t-elle.
Son passé en falaise et en bloc laisse entrevoir de belles performances à venir. Elle a déjà enchaîné plusieurs blocs jusqu’au 8B+, notamment « Mécanique Elémentaire » à Fontainebleau, « Incubator » en Autriche et des classiques de Rocklands en Afrique du Sud.

Elle conclut : « Ma vie de grimpeuse n’est pas terminée. Je ne veux juste plus faire partie de ce cirque. Je reviendrai peut-être pour une ou deux compétitions, mais mon objectif principal est désormais l’escalade en extérieur, pour moi-même. Je veux découvrir des lieux, rencontrer des gens et simplement grimper ».
Un départ qui interpelle
L’annonce de Staša Gejo soulève des questions sur la direction que prend l’escalade de compétition. Son ressenti sur l’ouverture et les difficultés à trouver des structures de soutien résonnent avec d’autres grimpeurs, à l’image de Jakob Schubert, qui dénonçait récemment une dérive du circuit international vers des blocs de plus en plus aléatoires, favorisant la lecture et la chance plutôt que la force pure et la technique. Schubert regrettait que l’escalade de compétition ne soit plus le reflet de l’escalade sur rocher, et Gejo semble partager ce constat amer.
Son départ met en lumière les difficultés rencontrées par de nombreux athlètes qui ne disposent pas des mêmes infrastructures que les grandes nations de l’escalade. Entre un circuit jugé trop imprévisible et un manque de moyens pour rivaliser au plus haut niveau, certains grimpeurs se retrouvent à devoir faire un choix radical.
Si son absence laissera un vide sur les tapis de compétition, son futur en falaise s’annonce prometteur. Une chose est sûre : Staša Gejo ne grimpera plus pour les juges, mais pour elle-même.

La déclaration complète de Staša Gejo :
Une autre belle compétition, un bon résultat aussi (3ème place), mais intérieurement, j’ai souffert. J’ai voulu partager mes pensées et mes projets à plusieurs reprises, mais je me suis toujours ravisée ou j’ai pensé que le grand public ne comprendrait pas ce qui se passe depuis un an. Vous l’avez peut-être vu venir. Mais voilà, j’ai décidé que ce n’était plus pour moi. L’environnement compétitif ne m’inspire plus, il me répugne.
2024 a été une année pleine de déceptions, de trahison, de perte de repères, de perte de routine, de normalité, de besoins non satisfaits pour une athlète avec un grand objectif. Finalement, l’été a été marqué par une perte d’amour pour ce sport, suivi d’un retour sous un autre angle, dans un autre aspect. Mais chaque tentative de compétition, peu importe son issue, sonnait faux. Gagner ou non, ça avait un goût amer.
J’avais peur de faire cette annonce et de dire au revoir. J’avais l’impression que ce serait un gâchis de partir comme ça… Mais en août, à Villars, j’ai compris que c’était ma dernière compétition internationale. J’ai adoré être là, avec mes amis et ma famille, mais je n’ai pas du tout aimé la grimpe en elle-même. Les finales m’ont particulièrement dégoûtée.
J’ai essayé de participer à quelques masters ici et là, en me disant que ça pourrait être fun. Encore une fois, du fun avec les gens, mais pas en grimpant. J’ai un problème avec l’ouverture des compétitions, je l’admets, mais c’est aussi MON problème. Peut-être que je suis trop old school pour ça. Je ne veux plus voir ces prises sans grain. Je ne peux plus voir les mêmes visages ouvrir chaque compétition et dicter les tendances. J’ai un problème avec ça, un point c’est tout. Je n’ai ni le soutien, ni une équipe, ni une salle, ni les ressources pour payer ces précieuses personnes, suivre les tendances et exceller dans ce système.
L’ouverture des Dock Masters était difficile sur tous les tours. À la fin, je n’avais même plus envie de grimper, alors que j’étais venue pour m’amuser, tant pis. Toutes ces compressions, cette tension sur les épaules et cette fatigue m’ont tuée. Bien sûr, je ne suis plus en condition pour encaisser une telle intensité aussi longtemps. Après tout, je fais un boulot de 35 heures par semaine depuis juillet et je m’entraîne peut-être 10 à 12 heures. Et pourtant, je grimpe encore très bien. Ce que je veux dire, c’est que j’aime grimper des blocs durs et exigeants, mais à mon propre rythme, sans stress et sans comparaison. Avec du repos, des amis, du jeu !
Un autre élément qui me complique la tâche, c’est le manque de soutien. J’ai quitté mon pays à 16 ans et j’ai vécu loin de mes parents depuis. J’ai poursuivi une carrière académique et sportive à l’étranger. J’ai toujours été bien accueillie dans les équipes d’escalade, j’ai appris et progressé aux côtés des autres grimpeurs. Je me suis sentie soutenue, j’avais l’impression d’avoir une équipe. Mais il y a toujours quelque chose, que je ne comprends pas, qui finit par me mettre à l’écart, qui me rend à nouveau étrangère et indésirable. Alors je dois repartir et chercher un autre environnement, peut-être plus accueillant. Encore et encore, en boucle. Quand ça arrive juste avant les deux plus grosses qualifications olympiques, ce n’est ni agréable ni facile à gérer.
J’ai toujours été jalouse des grandes équipes avec plusieurs coachs, des kinés disponibles à tout moment, d’immenses salles d’entraînement, de nouveaux blocs tous les deux ou trois semaines. Une attention totale portée aux athlètes… J’ai eu du soutien, et sans lui, je ne serais jamais devenue aussi forte. J’ai mes parents, ma famille et mes amis, qui ont toujours été derrière moi à 1000 %. J’ai aussi collaboré avec certains coachs, mais ce n’était qu’une partie de ce dont j’avais réellement besoin et, probablement, de ce que je méritais. Ils étaient souvent loin, avec une disponibilité limitée ou d’autres priorités. Donc ça fonctionnait un temps, puis plus du tout. Mais je suis très reconnaissante envers ces personnes, malgré tout !
J’ai reçu un soutien incroyable de la part de mon gouvernement, de ma fédération et du Comité olympique serbe, et je ne pourrai jamais assez les remercier. Ils m’ont permis de vivre de mon sport. Enfin, j’ai eu mes précieux sponsors, qui m’ont accompagnée pendant tant d’années et m’ont fourni le meilleur équipement. Mais il semble que l’escalade de compétition exige aujourd’hui bien plus que ce qui était « suffisant » auparavant, que ce soit pour un individu ou une équipe.
Ma vie de grimpeuse n’est pas terminée. Je ne veux juste plus faire partie de ce cirque. Peut-être que je reviendrai pour une compétition ou deux, mais désormais, je me consacre pleinement à la grimpe en extérieur et à grimper pour moi. Je veux découvrir des lieux, des gens, et juste grimper.
Staša Gejo
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