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Seb Bouin : Réflexions sur la cotation des voies de Flatanger

© Raphaël Foureau

Rentré de Norvège, Seb Bouin a apporté quelques précisions sur ses récentes performances à Flatanger, et notamment sur la cotation des voies qu’il a enchaînées.

Ces dernières semaines, Seb Bouin a écumé la grotte de Flatanger. Parti sans objectif précis en tête, il rentre de Norvège avec quatre croix dans le 9a+ et plus. Après avoir répété « Iron Curtain » 9a+ et « Thor’s Hammer L2 » 9a+, le falaisiste français a signé la première ascension de « Nordic Marathon », avant de réaliser « Change », connu pour être le premier 9b+ de la planète.

Mais est-ce vraiment le cas d’après Seb ? Voici sa réponse.

Une histoire de genouillère ?

Ce voyage en Norvège a été exceptionnel, et il est maintenant temps pour moi de vous donner mes réflexions sur les voies que j’ai enchaînées. Je voudrais notamment parler de « Change », « Nordic Marathon » et « Move ».

J’ai réalisé la troisième ascension de « Change » après Adam Ondra (qui a fait la première ascension en 2012) et Stefano Ghisolfi. Elle a été proposée à l’origine comme le premier 9b+ du monde par Adam. Il faut noter que Stefano et moi avons répété la voie avec des genouillères, alors qu’Adam a fait la première ascension sans genouillères. Il y a plusieurs coincements de genoux qui sont cruciaux à différents endroits de cette voie (certaines aux beaux milieux des crux, d’autres dans les repos).

Les genouillères aident, c’est sûr, mais la question est : est-ce que cela change la cotation ? C’est une question difficile, en raison de la composition de la voie. Il y a deux parties (un 9a+ court et intense, suivi d’un 9a), séparées par un repos où il est quasiment possible de lâcher les deux mains. La difficulté est certainement de combiner ces deux parties ensemble. La première, délicate et aléatoire, rend les essais incertains. C’est assez dur mentalement, c’est une voie aléatoire où la moindre erreur coûte cher.
Les genouillères aident vraiment dans le premier crux (où Adam criait et se tordait le dos et les épaules). C’est toujours très dur, mais un peu moins que sans je pense. Les genouillères rendent ce crux un peu moins risqué. Et l’ensemble de la voie devient donc un peu plus facile à gérer mentalement, je pense. Je ne pense pas que cela fasse une énorme différence en raison du très bon repos qu’il y a juste avant la deuxième partie. Même avec la méthode d’origine sur la première partie, vous seriez toujours capable de vous reposer à 100%. »

Ou de mathématique ?

Maintenant, pour m’aider à coter ces voies, je vais comparer « Change » à « Move » et « Nordic Marathon ».
En ce qui concerne « Nordic Marathon », c’est définitivement une ligne atypique, en raison de la taille de celle-ci (130m). J’ai fait la première ascension avant d’enchaîner « Change » et j’ai proposé la cotation de 9b/+. Cette voie est 100% mon style d’escalade, pourtant, il était difficile d’attribuer une cotation pour une voie aussi longue.

Donc, pour comparer ces trois voies, je vais prendre en considération, le temps, le style, et mon feeling sur le processus de travail et mon run d’enchaînement. Il m’a fallu deux semaines pour réaliser « Nordic Marathon », et deux semaines pour réaliser « Change » (avec des genouillères). « Nordic Marathon » m’a paru un peu plus épuisante dans le processus de travail et aussi pendant mon run d’enchaînement. Et comme « Nordic Marathon » est 100% mon style d’escalade, je dirais que « Change » est un peu plus facile. Mais je ne pense pas qu’il y ait une grande différence entre ces deux voies. Si « Nordic Marathon » est un peu plus dure, elle ne l’est toutefois pas assez pour avoir une cotation différente.

Maintenant, comparons ces deux voies avec « Move ». J’ai réalisé « Move » en 2019, c’était la première répétition de cette voie après la première ascension d’Adam Ondra. Il l’a cotée 9b/+, sachant que ce n’est pas tellement son style d’escalade. Les genouillères ne changent rien à la cotation car les coincements de genoux sont tous très corrects, et à part un peu plus ou moins de confort, ils restent les mêmes. À l’époque, c’était une de mes plus grandes réussites en escalade et il m’avait fallu faire quatre voyages en Norvège de deux semaines chacun pour faire « Move ». C’est beaucoup plus de temps que pour les autres. Mais en même temps, je ne dois pas oublier que c’était il y a trois ans. Comme les genouillères ne changent pas la difficulté par rapport à la première ascension (faite sans genouillères), je dirais que « Move » est un peu plus difficile que « Nordic Marathon » et « Change ».

Donc, en conclusion : il y a trois options possibles :
Option 1 : « Change » et « Nordic Marathon » sont tous les deux des 9b+ faciles, et « Move » un 9b+ normal.
Option 2 : « Change » et « Nordic Marathon » sont 9b/+, et « Move » est 9b+.
Option 3 : « Change » et « Nordic Marathon » sont 9b, et « Move » 9b/+.

Je vais choisir l’option 2. « Change » est encore très dure même avec des genouillères. Je ne pense pas qu’elle puisse être seulement 9b.

Donc, mes opinions personnelles sur les cotations sont : « Change » 9b/+, « Nordic Marathon » 9b/+ et « Move » 9b+. Je suis curieux de connaître l’avis des prochains répétiteurs. Maintenant, profitons de l’été français ! »

Seb Bouin


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Publié le : 21 août 2022 par Nicolas Mattuzzi

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