Record en big wall : l’ascension fulgurante de Laura Pineau !

© James Lucas
« Plus vite, plus haut, plus fou » : c’est sous cette devise que la grimpeuse française Laura Pineau a fait ses premiers pas dans un univers qui, jusque-là, lui semblait bien lointain… Elle nous embarque dans le récit haletant de sa découverte de l’escalade de vitesse en big wall, entre les fissures du Yosemite et les falaises mythiques du Colorado. Une aventure faite de chrono, de sueur, d’amitié… et d’un record !
Il y a encore un an, Laura Pineau n’aurait jamais imaginé clipper un relais en fixant sa montre. Grimpeuse passionnée de grandes voies, elle privilégiait le mouvement pur, la fluidité, la grimpe posée. Mais tout a basculé en avril 2023, lorsqu’elle débarque pour la première fois dans la vallée du Yosemite, temple absolu du big wall et… de la vitesse.
« Il existe peu d’endroits au monde où grimper une voie le plus vite possible est un véritable jeu auquel les grimpeurs locaux se prêtent avec enthousiasme. Deux des temples de cette pratique sont le Yosemite et l’Eldorado Canyon, dans le Colorado, raconte-t-elle. En tant que grimpeuse européenne, je n’avais jamais vraiment prêté attention au temps que je mettais dans une grande voie. Mon truc, c’était plutôt de savourer les mouvements, d’enchaîner proprement les longueurs et d’être efficace… mais sans chrono ».

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Sur place, un mot résonne sans cesse dans les conversations : NIAD. Pour les non-initiés, comprendre : « Nose In A Day », ou l’ascension de la voie mythique « The Nose » (1000 m de grimpe sur El Capitan) en moins de 24 heures. Mais les locaux, eux, visent bien plus bas : 8 heures. Ou même moins.
Pour moi, c’était lunaire. Grimper 1000 mètres en 8 heures, c’était l’opposé de ma vision de la grimpe.
Le premier NIAD a été réalisé en 1975 par Jim Bridwell, John Long et Billy Westbay. Depuis, une véritable course au record s’est engagée. Le record féminin du Nose est de 4h43min, détenu par Mayan Smith-Gobat et Libby Sauter. Le record masculin, quant à lui, est un délire absolu : 1h58min07s, signé Alex Honnold et Tommy Caldwell.
« Jamais je n’aurais pensé un jour faire de l’escalade de vitesse, avoue Laura. Pour être honnête, j’étais même plutôt contre : après tout, les histoires de grimpeurs qui se blessent en allant trop vite sont nombreuses… Mais j’ai aussi découvert qu’avec les bonnes pratiques et la bonne partenaire, on pouvait limiter les risques et sécuriser l’expérience. Le choix du binôme est essentiel : il faut une confiance absolue et une communication parfaite ».

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De la curiosité au défi
Tout commence vraiment lorsqu’elle rencontre Kate Kelleghan, grimpeuse américaine chevronnée, en quête d’une partenaire pour ses projets de vitesse. « J’étais curieuse, un peu inconsciente aussi, alors je lui ai écrit. Quelques mois plus tard, on grimpait ensemble dans la vallée. Et là, révélation totale. »
L’alignement est immédiat. Les deux grimpeuses partagent les mêmes valeurs, la même approche du risque, et surtout, une fluidité rare sur le rocher. « Après quelques journées à grimper ensemble, Kate m’a lâché un truc qui m’a marquée : « Tu as un vrai potentiel pour la vitesse. Tu es la partenaire que je cherche depuis des années ». »

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Cap sur Boulder, objectif Naked Edge
La suite s’enchaîne vite : Laura invite Kate dans le Sud de la France pour partager des grandes voies à Toulon, avant de s’envoler pour Boulder, au Colorado. Objectif : « Naked Edge », une voie mythique de l’Eldorado Canyon, parfaite pour préparer la saison à venir au Yosemite.
C’est là que l’entraînement de vitesse devient sérieux. Montées chronométrées, répétitions acharnées, optimisation du matériel, corde raccourcie au centimètre près… Rien n’est laissé au hasard.

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« Me voilà donc sur le Naked Edge, littéralement coincée dans une cheminée, en train de me demander dans quel aventure je me suis encore embarquée, explique Laura. Mais pas question de reculer ! On est retournées dans la voie encore et encore, perfectionnant chaque mouvement, jusqu’à ce qu’on soit capable de l’enchaîner en une seule longueur.
On a chronométré chaque section, cherchant à gratter chaque précieuse minute, que ce soit sur l’approche en solo, l’ascension elle-même ou la descente. On a raccourci notre corde jour après jour, jusqu’à atteindre la longueur parfaite, nous permettant de grimper en toute sécurité tout en gardant juste ce qu’il faut de protection entre nous ».
L’heure du record
Le jour J, les deux grimpeuses enchaînent les tentatives. La première montée de vitesse échoue à 10 secondes près, un lacet défait ayant suffi à briser le timing. « On était dévastées… mais il nous restait encore un peu de temps. Alors on a retenté. Une dernière fois », déclare la grimpeuse française.

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Résultat : 37 minutes et 08 secondes pour avaler les cinq longueurs de « Naked Edge », un nouveau record pulvérisé de 32 secondes. Le secret de ce record ? Pour Kate : l’expérience de 80 ascensions. Pour Laura : le choix (un peu fou) de courir la descente ses chaussons d’escalade encore aux pieds !
« Une fois que tu commences… »
Aujourd’hui, Laura Pineau a goûté à une discipline qui, jusque-là, lui semblait absurde. Et pourtant, elle en revient transformée.
« L’escalade de vitesse n’est pas faite pour les âmes sensibles. Mais avec la bonne partenaire, une communauté qui vous encourage, et juste une pointe d’insouciance, on peut battre un record. Ou du moins, dépasser ses propres peurs », explique-t-elle.

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Une chose est sûre : ce baptême express a ouvert la voie à de nouvelles ambitions. Car dans le monde des chronos verticaux, « une fois que tu commences… tu ne peux plus jamais t’arrêter », avertis Laura.
D’après un récit de Laura Pineau
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