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Préparation, défis et espoirs : Paul Jenft se confie une dernière fois avant les JO de Paris 2024

© IFSC

À quelques jours seulement du lancement des épreuves d’escalade aux Jeux Olympiques de Paris, nous sommes allés à la rencontre de trois grimpeurs de l’équipe de France d’escalade.

Tout au long de cette série, nous vous invitons à découvrir les histoires inspirantes de ces athlètes hors du commun. Chacun d’eux incarne à sa manière les valeurs de l’escalade et porte en lui les espoirs d’une nation tout entière. Leur préparation minutieuse, leurs défis quotidiens et leurs aspirations pour les Jeux Olympiques vous seront dévoilés au fil de ces interviews exclusives.

Et c’est Paul Jenft qui ouvre le bal de cette série d’interviews !


Isolé dans la maison de ses parents, au beau milieu de la campagne savoyarde, Paul Jenft recharge tranquillement ses batteries. Dans quelques jours, il s’apprête à représenter la France lors des épreuves d’escalade aux Jeux Olympiques de Paris 2024.

Juste avant qu’il ne coupe son téléphone pour se concentrer pleinement sur son rêve olympique, le Chambérien de 21 ans a accepté de se livrer une dernière fois avant son grand départ pour Paris. À travers cette discussion, Paul partage avec nous les défis de sa préparation finale, marquée par des imprévus comme une maladie passagère, mais aussi par une détermination inébranlable. Il revient sur son expérience à la Coupe du Monde de Chamonix, les ajustements techniques et tactiques réalisés, et l’importance cruciale de trouver un équilibre entre entraînement et récupération.

Dans un contexte où la pression de représenter la France se mêle à une préparation minutieuse, Paul nous offre un aperçu unique de sa philosophie et de ses rituels avant de se lancer dans la compétition la plus prestigieuse de sa carrière.

Paul, comment s’est passée la fin de ta préparation pour les JO ?

Alors, je ne vais pas te mentir, c’était un peu la galère… Mais j’ai l’habitude, car je suis toujours fatigué les semaines avant une grosse échéance ! Cette fois, c’est un peu différent car je suis tombé malade, j’ai chopé une espèce de gastro la semaine dernière… J’ai eu un peu de mal à m’en remettre et ça m’a bien cassé. La bonne nouvelle, c’est que ça commence à aller mieux en termes de fatigue, donc je pense que d’ici le début des Jeux, tout sera rentré dans l’ordre. Il ne me reste plus qu’à bien me reposer pour arriver avec un max de fraîcheur sur la compétition.

© Hugo Wirth

Il y a quelques jours, tu as participé à la Coupe du Monde de Chamonix. Quels enseignements en as-tu tirés ?

Je suis allé à Chamonix dans l’optique de voir comment je pouvais grimper sur une compétition sans enjeu. Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé de grimper en compétition sans aucune pression, du coup j’étais plutôt impatient de prendre le départ de cette Coupe du Monde.

Mentalement, je ne me suis mis aucune contrainte, parce que j’étais quand même bien fatigué des OQS qui venaient de se terminer et qui avaient été assez durs à gérer psychologiquement. Du coup, je n’ai pas cherché à pousser le curseur mental trop loin et finalement, je me suis rendu compte que quand je ne me mets pas du tout de pression et que je ne m’implique pas trop, ça ne marche pas forcément si bien que ça… Il faut trouver un juste équilibre. Et là, j’avoue que j’étais un peu en dessous. Même si ce n’était pas l’objectif, j’aurais quand même dû me mettre un peu plus la pression, pour que la compétition se passe mieux [NDLR : Paul a terminé 25ème de la compétition].

Après, en demi-finale, j’ai fait une grosse erreur tactique que j’aurais pu voir avant. Je me suis mis bras tendu, j’ai essayé de faire un mouv en étant en position de moindre effort et ça n’a pas marché du tout. Mais bon, ce n’est pas grave du tout, même si ça m’a un peu énervé sur le coup, ça n’a rien changé à la suite de ma préparation pour Paris.

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À l’entraînement, sur quoi as-tu mis l’accent ces derniers jours ?

Alors physiquement, je n’ai pas changé grand chose. Tout simplement parce que je sais que j’arrive à être en forme au moment des grosses échéances estivales, comme ça avait été le cas à Berne l’année dernière lors des Championnats du Monde. Donc je n’ai pas pris de gros risques, je n’ai pas cherché à bouleverser ma façon de faire.

Techniquement, j’ai beaucoup bossé sur les dalles et les cordoos, surtout sur le profil de dalle que l’on aura aux JO : ce ne sera pas de la vraie dalle, mais du vertical ! Et ça, ça change pas mal de choses dans le type de blocs que l’on va avoir par rapport à de la dalle positive. Du coup, j’ai beaucoup bossé à fond là-dessus.

Enfin, mentalement, j’ai essayé de trouver le juste milieu entre me reposer (histoire de bien récupérer des OQS et être prêt à m’impliquer à 100 000 % aux JO) et rester mobiliser, parce qu’il fallait que je m’implique mentalement sur tous mes entraînements.

© Hugo Wirth

Justement, comment gères-tu l’équilibre entre l’entraînement et la récupération, pour arriver prêt, mais suffisamment reposé à Paris ?

Alors ça, c’est vraiment le point crucial ! C’est un peu toute la difficulté quand il y a des épreuves qui sont assez proches sans être trop proches non plus. Entre la fin des OQS et le début des Jeux, on avait un mois ; ça laisse le temps de bien s’entraîner, mais ça ne laisse pas le temps de faire un gros cycle.

Personnellement, j’ai décidé de faire un peu à la carte, jour après jour, semaine après semaine, pour bien ajuster mes entraînements en fonction de mes sensations. Et surtout, j’ai cherché à privilégier la fraîcheur par rapport à l’entraînement. Parce que je sais que ce n’est pas deux semaines d’entraînement qui vont me rendre plus fort ; le résultat sera quasiment le même à la fin. Mais par contre, ça peut être l’inverse ! Si j’accumule trop de fatigue, ça peut me mettre vraiment dans le mal. Il y avait donc un gros risque de faire des erreurs et d’arriver fatigué physiquement, pour un petit gain finalement pas si énorme.

© Hugo Wirth

Mentalement, comment se prépare-t-on pour une compétition de si grande ampleur ?

Honnêtement, je ne suis pas un adepte de la préparation mentale, alors je n’ai pas fait grand chose de ce côté-là. Je cherche simplement à me reposer mentalement, pour arriver frais et disponible le jour de la compétition. Par exemple, là je suis allé chez mes parents à la campagne, afin d’être dans un cadre reposant. J’ai fait mes dernières séances d’entraînement en petit comité, juste avec des gens que j’aime bien, dans des salles où il n’y avait pas trop de monde. J’ai également bien géré les sollicitations médiatiques, pour ça j’ai pas mal bossé avec Marine Thévenet, qui s’occupait de toute cette partie. Alors oui, ce sont des petites choses, mais elles font quand même une sacrée différence à la fin.

Et puis, côté motivation, disons que la préparation mentale se fait d’elle-même : quand tu sais que tu vas aux JO, tu n’as pas besoin de quelqu’un pour te pousser ou te motiver, je t’assure que ça se fait tout seul (rires).

Qu’est-ce que cela signifie pour toi de représenter la France aux Jeux Olympiques ?

C’est quelque chose d’important pour moi, parce qu’on est là pour représenter la France, et à Paris, on va grimper devant un public qui est le nôtre ! Alors, on doit donner tout ce qu’on a et faire la meilleure compétition possible vis-à-vis de tous ceux qui sont derrière nous. D’autant plus sur une compétition comme les Jeux Olympiques, qui est un événement suivi par énormément de personnes. J’ai par exemple reçu des messages d’anciens camarades de classe, avec qui je n’étais plus en contact, qui m’ont écrit pour m’encourager. Donc ça pousse à s’impliquer encore plus !

Il y a aussi la dimension de l’équipe qui entre en jeu. Les sélections olympiques ont été hyper dures, encore plus pour les Français. Avec Sam, on est deux à avoir eu une place chez les gars et c’est vraiment une chance parce qu’on aurait pu ne pas y être… C’était vraiment très serré ! Donc je pense aussi que vis-à-vis des autres membres de l’équipe de France, on a un devoir de faire tout ce qu’on peut !

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Quelle est la chose la plus inattendue que tu vas mettre dans ta valise pour les JO ?

Mmmh… Je pense que ça sera des livres. Ça peut paraître banal, mais il faut savoir que je ne suis pas du tout passionné de lecture. En temps normal, je n’aime pas lire, et puis je n’ai pas vraiment le temps ni l’envie de me poser pour faire ça. Mais avant les compétitions, j’essaye de limiter les écrans, de limiter mon temps passé sur mon téléphone et comme il y a beaucoup de temps mort j’emmène des livres. Alors ça peut paraître plutôt ordinaire, mais pour moi ça ne l’est pas (rires).

La musique que tu vas écouter juste avant de passer ?

Aucune ! Je n’écoute jamais de musique avant de grimper. C’est un choix. Je trouve que la musique me sort plus de ma bulle qu’autre chose. Certain écoute de la musique pour se motiver, mais moi, je n’en ai pas besoin, surtout sur ce genre d’événement, je n’ai pas à aller chercher ma motivation, elle vient d’elle-même par l’ampleur de la compète.

Et puis je trouve qu’il y a quelque chose qu’il ne faut pas négliger non plus, c’est le bruit du public et des autres grimpeurs. Parce que forcément, quand on écoute ce qui se passe de l’autre côté du mur, on capte des infos : des petits pieds qui tapent dans le mur et qui te permettent d’en conclure : « Ah ok, c’est une coordo qui part là », ou des grimpeurs qui s’énervent dans les blocs (c’est toujours bon à entendre parce que ça présage qu’il va y avoir des mouvs durs et qu’il va falloir rester dedans jusqu’au bout). Ce sont des petites infos que j’aime bien avoir, du coup, je ne mets pas de musique pour les entendre.

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As-tu un rituel ou une superstition avant de commencer une compétition ?

Je ne suis pas très superstitieux, mais j’ai deux rituels avant les grosses compètes. Le premier, c’est qu’une semaine avant, je m’accorde toujours une journée où je vais prendre l’air, tout seul en montagne, pour marcher, courir ou faire du vélo. Ça me permet de penser à plein de trucs, de faire un point sur mon état mental et comment je suis à l’instant T avant la compète. Et puis ça me permet aussi d’être tranquille et de dérouler un peu les jambes quand je fais du vélo. C’est vraiment quelque chose qui me fait du bien.

Mon deuxième rituel, c’est juste avant la compète : j’ai un ordre bien précis dans lequel je mets mes chaussons. Je ne sais pas pourquoi, ni d’où ça vient, mais si je ne les mets pas dans le même ordre, ça me perturbe ! Je mets toujours le pied droit, puis le pied gauche, ensuite je sers le pied droit, puis je sers le pied gauche, et je resserre le pied droit, avant de resserrer le pied gauche.

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Quelle est ta recette secrète pour un petit-déjeuner parfait avant une compétition olympique ?

Alors, je vais prendre deux œufs (pour les protéines) avec du pain complet (pour que ça me tienne assez longtemps dans la journée). Je vais accompagner ça d’un bol de yaourt avec des céréales. En boisson, je boirai un verre de jus d’orange et un verre d’eau.

Si tu pouvais inviter trois personnes à assister à tes épreuves, qui inviterais-tu et pourquoi ?

Ouuuh, la question est difficile parce qu’on est cinq dans ma famille, donc déjà, ça ne marche pas (rires). Sans compter la famille pour qui j’ai déjà des places, je pense que je donnerais une place à Manu [Cornu], une place à Micka [Mawem] et une place à Mejdi [Schalck], parce que ce sont les trois gars qui étaient avec nous dans la prépa olympique. Ils ont été là sur toutes les compétitions importantes et ils ont vraiment poussé derrière. Ça fait du bien d’avoir leur soutien ! Puis je connais très bien leurs voix, alors je les reconnaîtrais facilement dans le public !

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Enfin, quelle est la première chose que tu feras à Paris après avoir terminé toutes tes compétitions ?

Un resto, direct ! Du genre pizzas, pâtes, un truc comme ça. Et croyez-moi, je vais le savourer ! Non pas que je me restreigne à côté, mais je trouve que manger à fond sans avoir à se dire « Arf, ça va avoir un impact sur les prochaines compètes », ça me ferait plaisir.

Mais attention ! Je vois déjà les jeunes crier en lisant ça et s’imaginer qu’il faut perdre du poids pour gagner des compètes… Pour vous prouver le contraire, je vais vous révéler quelque chose : je ne me suis pas pesé depuis… Janvier ! Et ça marche très bien comme ça ! La clé, c’est de rester dans un équilibre, sans se restreindre et sans faire d’excès.


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