Pourquoi nous n’achèterons pas le nouveau topo du Saussois
Une fois n’est pas coutume, c’est un sujet pour le moins épineux que nous allons aborder, celui des topos privés, qui concurrencent les topos fédéraux, le tout souvent sans aucun retour financier pour l’équipement ou l’entretien des falaises présentées dans le dit topo.
C’est actuellement ce qui fait polémique pour le nouveau topo du Saussois, un topo privé sorti il y a quelques semaines, alors même que le comité départemental de l’Yonne travaille également sur une nouvelle version de ce même topo, avec une sortie prévue pour l’été 2021.
Petit historique pour le Saussois…
En 1982, Thierry Fagard (qui a équipé une bonne partie des voies au Saussois) réalise un nouveau topo pour remplacer celui datant de 1971, afin d’y ajouter toutes les nouvelles voies équipées, mais également de passer le topo aux cotations « Escalade libre ».
En 1994 avec le COSIROC (association qui s’occupe de la défense des sites escalade), une nouvelle édition du topo du Saussois voit le jour.
En 2008 le comité FFME Yonne, en charge de l’entretien et du rééquipement du Saussois et des Rochers du Parc, édite un nouveau topo: toutes les recettes sont entièrement reversées à l’entretien des falaises.
En 2021 le comité prépare une nouvelle version du topo, sortie prévue été 2021, avec les nouvelles voies le bon nom des itinéraires, un travail en lien avec Thierry Fagard et les différents BE de l’Yonne qui oeuvrent depuis des années au Saussois.
Qu’en est-il du nouveau topo privé?
Ce nouveau topo privé, certes joliment réalisé, ne manque pourtant pas d’erreurs…: des oublis de voies, des erreurs de cotation, et la mise en lumière d’un autre secteur qui n’est pas entretenu et donc dangereux (le site de Voutenay).
Au delà de ces erreurs, qui peuvent également apparaître dans les topos « officiels », le problème majeur reste que les recettes de ce topo privé n’iront pas (ou peu) dans les poches du comité, quid donc des moyens pour l’entretien des sites… Alors oui, il n’est pas interdit en tant qu’acteur privé de se lancer dans l’édition de topo, mais est-ce bien moral? Chacun placera le curseur de l’éthique là où il l’entend. Pour notre part nous n’achèterons pas ce topo du Saussois privé car nous croyons fermement qu’il faut soutenir les acteurs locaux qui oeuvrent dans le développement des falaises. Alors oui, nous patienterons, et en attendant, pour les plus pressés, le topo de 2008 reste une très bonne base et est disponible au café Mailly le Château, boutique FFME ou vous pouvez également le demander au Comité Territorial FFME Yonne.
Notons également que l’histoire risque fort de se répéter en Bourgogne, avec la falaise de Saffres qui vient d’être totalement rééquipée et qui risque de s’offrir pour l’occasion… 2 topos (Un fédéral et un privé) !
Les questions à se poser…
Malgré tout, l’une des questions à se poser, c’est le pourquoi de l’émergence de ces topos privés aux 4 coins de la France… Ne nous leurrons pas, si ce genre de topo voit le jour régulièrement, c’est irrémédiablement qu’il y a une demande, demande qui n’est pas satisfaite par l’offre actuelle. En effet, il est parfois difficile, voir impossible de se procurer un topo sur certaines falaises, ou alors, quand c’est possible, les topos sont parfois complètement obsolètes.
Cette situation presque grotesque qui intervient au Saussois (et qui n’est malheureusement pas un cas isolé) met en lumière un échec généralisé de notre activité. Comment a-t-on pu en arriver là?
Les réponses sont multiples et propres à chaque territoire mais nous ne pouvons faire abstraction de la responsabilité collective qui nous incombe. Dans ce « nous » nous n’oublierons pas d’intégrer les fédérations qui aujourd’hui nous poussent à faire un bilan forcément très mitigé sur la gestion de nos falaises.
Comment est-ce possible que certaines fédérations locales aient si peu de moyen? Le comité de la Côte d’Or se bat depuis des années contre le fameux « topo des anglais ». Un topo à but lucratif donc, et financé aussi par de la pub de nos marques préférées (Mammut, Beal, Petzl, Urban Rock, La Sportiva, Deep Eyes, Boreal, Mountain Hardwear, Five Ten, …). Une liste de mécènes à faire pâlir tous les comités départementaux… Le procès de ce topo a été fait des centaines de fois sur les forums et aux pieds des voies. Mais quelle alternative existe-t-il vraiment? Le constat est que l’on doit s’offusquer de la présence de ce topo « privé » mais n’oublions surtout pas de s’offusquer des conditions qui nous ont conduit à cette situation: la fédération locale n’a visiblement pas (plus?) les moyens financiers et humains pour proposer une alternative… Et face à ce constat, il ne nous reste que deux solutions: trouver des bonnes âmes ou le privé…
Et puis, ne minimisons surtout pas notre échec dans notre pédagogie, dans nos transmissions des savoirs, des savoir-être… Nous pouvons nous plaindre du syndrome du « grimpeur-consommateur » mais qu’avons nous fait pour changer cela? Comment est-ce possible que des grimpeurs ne soient pas au courant des rouages et de tout ce qui se cache et se joue derrière une falaise « équipée »? Mais tout simplement parce que personne ne leur a jamais dit… Bien sur qu’il existera toujours des gens pour profiter des failles du système mais je peux vous assurer que beaucoup de mauvais comportements sont le fruit de la méconnaissance.
Aujourd’hui, les topos sont la cible de nombreuses dérives et malheureusement, c’est le marché et lui seul qui décidera du sort de ceux-ci. Que chacun fasse le procès de ce qu’il jugera bon ou non pour notre activité mais n’oubliez pas que nous avons le devoir d’informer plus que de critiquer. La prochaine fois que vous rencontrerez un topo « non légitime » ou une pile de feuilles imprimées d’un topo téléchargé, prenez le temps d’informer son propriétaire pour qu’il retrouve (ou trouve) l’envie de faire une bonne action.