Pourquoi les femmes peuvent-elles grimper aussi fort que les hommes ?
Contrairement aux sports plus traditionnels, qui avantagent généralement les hommes, l’escalade est un sport relativement égal entre les deux genres, comme le prouvent de récentes études.
Selon une récente étude parue dans une revue américaine de physiologie, la parité hommes-femmes en escalade est stupéfiante : Sur les 100 meilleurs grimpeurs du monde, déterminés par le nombre de voies les plus dures enchaînées, cinq sont des femmes : Margo Hayes, Anak Verhoeven, Laura Rogora, Angy Eiter et Julia Charnoudie, qui ont toutes réalisé des 9a+ ou plus. Cela ne semble pas beaucoup, jusqu’à ce que l’on commence à comparer avec d’autres sports.
Dans son article intitulé « L’excellence féminine en escalade a probablement une origine évolutive », Colin Carroll, étudiant à l’université de Columbia et entraîneur, examine l’écart de performance en escalade (l’écart de performance mesure la différence entre le niveau de performance des femmes et des hommes dans un sport particulier). Pour commencer, l’américain a examiné l’écart de performance au sein de l’athlétisme, et plus particulièrement du 100 mètres sprint, où les temps des hommes et des femmes sont relativement plus proches que dans la plupart des autres épreuves d’athlétisme. Mais même dans cette épreuve, aucune femme ne figure parmi les 2000 sprinters les plus rapides de l’Histoire. Il a refait les mêmes calculs pour les marathoniens. Idem: pas une seule femme parmi les 2000 premiers. Soudain, ces cinq femmes ayant enchaîné un 9a+ commencent à représenter beaucoup.
Par rapport aux hommes, les femmes sont donc meilleures grimpeuses que joueuses de football, haltérophiles ou même coureuses. C’est parce que tous ces autres sports profitent aux hommes. Ils s’adressent aux forces dont sont spécifiquement dotés les hommes. L’escalade, en revanche, profite aux femmes de manière plus égale, peut-être parce qu’il n’y a pas de règles qui avantagent un sexe par rapport à un autre: il n’y a que la roche et ses exigences naturelles uniques.
Pourtant, physiologiquement, les femmes et les hommes sont différents. La structure osseuse, la masse osseuse et la masse musculaire sont des différences physiologiques évidentes. D’après une étude, la masse musculaire squelettique des hommes adultes pesait en moyenne 33 kg, contre 21 kg pour les femmes. La répartition entre les muscles du haut et du bas du corps entre également en jeu chez les grimpeurs, l’homme moyen ayant 42,9 % de sa masse musculaire totale dans le haut du corps et la femme 39,7 %. Précisons que pour ces études, il s’agissait de personnes « lambda » et non de grimpeurs, on peut donc supposer que dans un échantillon comparable de grimpeurs, la masse musculaire serait plus importante et la proportion dans le haut du corps plus élevée, mais les différences physiologiques entre les sexes demeurent.
Dans certains sports, ces différences physiologiques peuvent faire une énorme différence. Lorsque l’on compare avec l’haltérophilie par exemple, les records d’épaulé-jeté chez les hommes dans la division des 62 kg sont de 177 kg, tandis que ceux des femmes dans la division des 63 kg sont de 147 kg, soit une différence d’environ 17 %. Et dans les plus grandes divisions de poids ouvertes, l’écart entre les sexes atteint presque 30 %.
Alors, l’escalade représente-t-elle le Saint Graal d’un sport véritablement équitable en termes de genre, physiquement et mentalement parlant ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’écart semble relativement faible par rapport à d’autres sports.
Il y a probablement deux principales raisons qui expliquent cela. La première est le fait que nous ne soulevons que notre corps. Ainsi, contrairement aux haltérophiles, le fait d’être plus léger (même si cela signifie avoir moins de masse musculaire) peut jouer en faveur des grimpeuses, qui sont en moyenne plus légères que les hommes.
Une autre raison est le fait que la technique et la souplesse jouent un rôle important dans notre sport. L’escalade est tellement plus variée dans sa technique et sa gamme de mouvements que la course à pied ou l’haltérophilie. Les hommes peuvent choisir des voies d’escalade qui correspondent à leurs points forts, tout comme les femmes.
Enfin, il faut souligner le taux de progression des femmes, qui sont très rapidement passées du 8c+ au 9b ces dernières années. À titre de comparaison, Alex Huber a gravi pour la première fois un 9a+ en 1996 et Chris Sharma n’a coché un 9b qu’en 2008. Les femmes l’ont fait en moins d’un an.
Je ne serais pas surpris que l’écart entre les sexes se réduise encore un peu plus dans les prochaines années. Nous voyons de plus en plus de femmes repousser les limites de l’escalade, et je pense que ce n’est pas près de s’estomper. »
Colin Carroll