Paul Jenft : le compte à rebours pour les JO est lancé
Lorsque l’on tape Paul Jenft sur Google, sa taille est la première interrogation qui est suggérée. Il est vrai que du haut de son mètre 86, notre ex-champion de France de bloc ne domine pas seulement ses adversaires sur les podiums mais également par sa taille.
Si vous croisez Paul, vous le trouverez discret et plutôt timide. Fausse modestie ou réel caractère humble ? Il est légitime de se poser la question car avec son parcours de l’an passé, il n’a cessé de faire parler de lui. Vous serez tout de même surpris qu’être champion de France de bloc à seulement 18 ans ne lui suffise pas et qui réalise en parallèle un vrai cursus universitaire exigeant.
Paul commence à grimper à 7 ans sur le modèle de sa sœur et de son père. Il commence rapidement la compétition et enchaine les podiums jusqu’à sa première sélection en équipe de France en 2017.
Contre toute attente, cette année-là, je me suis sélectionné en bloc et pas en difficulté, alors que c’était ma discipline de prédilection. Je pense que c’est grâce à ça que j’ai aussi un bon niveau en bloc : ça m’a permis de progresser dans quelque chose que je faisais peu.
L’année d’après, il parviendra à se qualifier en difficulté et combinera de très bons résultats dans les deux disciplines en catégorie jeune : champion d’Europe de diff à Imst, deux victoires en coupe d’Europe de bloc, une en coupe d’Europe de diff en catégorie jeune et 4ème en bloc et diff au championnat du monde. En parallèle, il suivait un cursus scolaire traditionnel… lycéen le jour, grimpeur de haut niveau les soirs et les week-ends. Sa motivation débordante et sa passion pour ce sport l’amenait à tenir un rythme soutenu pour s’entrainer le plus possible : « Pour aller à l’entrainement, j’avais minimum 1h de trajet allé et une heure de trajet retour. Ce qui fait que le matin j’allais au lycée en vélo, ensuite j’allais en train à l’entrainement, je m’entrainais 2h et je devais rentrer. J’arrivais chez moi à 21h : c’était un peu compliqué. ». Ces efforts payent finalement lorsqu’il remporte son premier titre national en 2022 de champion de France de bloc senior devant Adrien Lemaire et Hugo Parmentier.
Cette année a été un tournant dans ma vie parce que je me suis autorisé à organiser ma vie autour de l’escalade dans ma préparation pour les JO.
Désormais, le Chambérien habite à Grenoble et s’entraine au pôle France de Voiron. Malgré ses excellents résultats, il a souhaité conserver des études qu’il réalise en demi-vitesse. « Je ne voulais pas tout arrêter pour l’escalade et risquer que dans 2 ans je ne fasse plus de résultats. Donc je me suis dit : je vais faire des études et si ça se passe bien en escalade j’allègerai : et pas dans l’autre sens ». Désormais, il passe seulement 15 heures par semaine dans sa classe préparatoire intégrée à l’école d’ingénieur Poly Tech. Il confie tout de même que ce qui devait arriver arriva… les notes pâtissent de son rythme de vie atypique. « Lorsque je reviens en cours après avoir loupé plusieurs heures, j’ai forcément plus de mal à suivre ». Un magnifique 0/20, que sa compréhensive professeure a accepté de ne pas lui comptabiliser dans son bulletin, orne d’ailleurs son frigo. L’enjeu du côté de ses études est de valider tous ses semestres : l’adaptation de ses années universitaires se traduit par une obligation minimum de résultats. Mais pour l’instant, ses préoccupations sont ailleurs.
Le compte à rebours pour les Jeux Olympiques 2024 est lancé et il compte bien tout mettre en œuvre pour y participer. « J’ai un préparateur physique (Thomas Ferry), un entraineur de diff (Romain Desgranges), de bloc (Victor Larzul) : 3 personnes m’entrainent. Ce qui change pas mal avec l’année dernière aussi c’est que je n’avais pas de coach ». Les années précédentes, Paul se contentait de grimper régulièrement avec des conseils de son préparateur physique pour progresser. Il explique qu’il n’avait pas besoin d’un investissement plus important pour performer et être satisfait de ses résultats. Il passe donc de 15h de grimpe moyenne par semaine à près de 30h. Le phénomène de « coton dans les oreilles » qu’il s’efforce, tant bien que mal, à expliquer à ses proches, doit donc être beaucoup plus récurrent désormais. « Je ne suis plus dans le même état d’esprit, aujourd’hui, quand je m’entraine, j’ai un objectif derrière, je vois mes efforts sur le long terme ». Le résultat d’un tel investissement est inévitablement l’installation d’une obsession. Il ne parle pas de stress mais de réelle contrainte mentale qui l’oblige à constamment s’interroger sur l’impact de ses décisions au quotidien sur ses entraînements. Bien qu’il ait du mal à situer son niveau par rapport à ses concurrents français, il redoute principalement Sam Avezou et Mejdi Schalk. Ce dernier lui vole d’ailleurs la première place au championnat de France de bloc en février à Valence. Le jeune grimpeur de 18 ans réitère sa performance lors d’un contest de MROC à Leannec en mars dernier.
Le diffeux pourra tenter de prendre sa revanche prochainement lors des deux coupes du monde de bloc en Asie et lors de la saison de diff qui s’ouvrira le 14 juin à la coupe du monde d’Innsbruck.
Et puis n’oublions pas non plus ses quelques sorties en falaises : le pro de la rési compte dans son carnet de croix notamment « Takamine » 9a à Bionnassay (Haute-Savoie).
Paul c’est un peu un pro en gestion des émotions. Lorsqu’il a un truc qui le tracasse, il va se poser, y réfléchir et faire abstraction assez rapidement. En escalade et surtout en compétition c’est une qualité essentielle
Nao Monchois, coéquipier de grimpe et colocataire.
La perspective des épreuves de qualification pour les JO 2024 ne constitue donc pas une source de stress importante pour Paul : « Tout va se jouer sur des jours très précis et je pense que ça joue dans mon intérêt : je gère assez bien la pression et j’ai toujours su prendre du plaisir dans ma grimpe et performer en compétition ». Nous continuerons bien entendu à suivre sa préparation pour les JO de près afin de vous tenir informé.