Maëlys Agrapart, ouvreuse: « Je préfèrerais être choisie pour mes compétences que simplement pour remplir des quotas de genre »
Voir Maëlys Agrapart à l’œuvre lors de l’ouverture des voies du master international à Arkose Pantin nous a donné envie de la mettre à l’honneur dans un portrait pour revenir sur sa carrière. Elle s’est également exprimée sur le milieu de l’ouverture et la place des femmes dans celui-ci.
Son parcours en escalade de haut niveau
Alors que rien ne la présageait à faire de l’escalade à haut niveau, Maëlys réussit à trouver sa place dans ce sport exigeant. Elle commence à grimper dès l’âge de 11 ans à Angers.
Dans ma famille, personne ne grimpait. Mon père s’y est mis avec moi mais je ne venais pas du tout de ce milieu. Personne n’a été surpris de me voir pratiquer ce sport parce que je grimpais toujours un peu partout.
Très vite victime du caractère addictif de la grimpe, elle persiste dans ce sport jusqu’à envisager la compétition. Elle déménage alors à Nantes après le lycée et commence des entraînements quotidiens avec Ludovic Lefevre. Il ne lui faut pas beaucoup de temps pour se faire repérer par Nicolas Januel et intégrer le pôle d’entrainement à Paris. S’entame alors sa carrière de sportive de haut niveau. Elle participe à de nombreuses compétitions et s’illustre notamment en Slovaquie lors des championnats du monde universitaires de 2018 en en terminant deuxième.
En 2019, elle confie commencer à réfléchir à un projet de vie différent. Elle sent que son intérêt pour la compétition n’est plus aussi important qu’auparavant et cherche une nouvelle motivation.
Une femme de plus dans le milieu de l’ouverture
Après la crise sanitaire qui l’oblige à ralentir ses entraînements, Maëlys s’oriente vers une carrière d’ouvreuse :
Cela m’a tout de suite plu et redonné goût à la grimpe. Je ne peux pas vraiment dire que je n’aimais plus grimper, mais je commençais à faire une overdose à cause de toutes ces années investies dans la compétition.
Son histoire dans l’univers de l’escalade se perpétue donc : elle réalise les formations et stages nécessaires à l’accès au métier d’ouvreur et s’engage pleinement dans cette voie.
Aujourd’hui, elle travaille chez Arkose et sur plusieurs événements sportifs en tant qu’ouvreuse.
Un milieu majoritairement masculin
Il a paru essentiel de l’interroger sur cette homogénéité dans le milieu de l’ouverture: en effet, cette profession est majoritairement masculine et ne compte qu’une dizaine de femmes ouvreuse en France. L’absence de mixité interroge et provoque la critique de beaucoup. Maëlys dresse alors un portrait beaucoup moins dépréciateur.
Je pense que l’absence de présence féminine dans le milieu n’est pas tant à cause de la discrimination. Je travaille avec des hommes en permanence et je ne me suis jamais sentie rabaissée. Je pense que c’est parce que j’arrive à avoir confiance en moi et à me sentir à ma place.
Elle explique aussi le nombre réduit de femmes dans ce métier de par les capacités physiques à avoir pour pouvoir ouvrir. Il est en effet indispensable d’avoir un très bon niveau de grimpe !
Il faut qu’un ouvreur puisse réaliser des voies et blocs de tous les niveaux, peut-être que peu de femmes ont, pour l’instant, le niveau d’ouvrir dans les couleurs les plus difficiles des salles ou les blocs durs des hommes en compétition et celles qui auraient le niveau sont souvent plus attirées par la performance en compétition ou en falaise.
Maëlys ne prône pas non plus une égalisation des quotas hommes/femmes dans l’escalade, ou du moins pas dans l’immédiat.
Je préfèrerais être choisie pour mes compétences que simplement pour remplir des quotas de genre et je trouve qu’il n’y a rien de pire que d’être embauchée sur un évènement où l’on ne se sent pas légitime. On n’arrive pas en confiance donc ça se ressent dans l’ouverture et dans l’image qu’on donne auprès des gens avec qui l’on travaille. Dans une période où les femmes doivent malheureusement encore faire leurs preuves, je pense que ce n’est pas leur rendre service que de les propulser systématiquement trop vite. Je suis encore nouvelle dans ce milieu donc cela ne m’étonne pas que des hommes qui ont 10 ans d’expérience soient plus mobilisés que moi sur certains évènements.
Pour égaliser le milieu, elle préfère une évolution progressive, avec des femmes confiantes et qui se sentent légitimes.
L’ouverture exclue-t-elle parfois les femmes ?
Maëlys s’est exprimée au sujet des nombreux mouvements contestataires qui dénoncent l’ouverture en salle qui exclurai les femmes avec des blocs non-adaptés à leur morphologie.
Lorsque l’on ouvre un bloc, nous avons la consigne de le réfléchir pour que toutes personnes comprises entre 1m60 et 1m85 puissent réaliser les mêmes mouvements pour le valider.
Le travail en amont de réflexion et ensuite de réalisation est donc déjà extrêmement complexe et contraignant pour l’ouvreur. La difficulté réside également dans le respect de la couleur choisie pour le futur bloc.
Je pense que ceux qui se plaignent des problèmes de morphologie dans les blocs ne connaissent pas toujours la réalité des contraintes. Certes je comprends que cela puisse être frustrant pour une femme de se retrouver limitée par sa taille, moi la première mesurant 1m55, mais il faur accepter que l’on ne puisse pas toujours ouvrir des blocs qui correspondent à la fois à toutes les morphologies et au niveau de difficulté choisi. Evidemment on fait tous des erreurs d’ouverture dans certain bloc et on laisse parfois des blocs qui avantagent un certain gabarit (grand ou petit). A Arkose, on fait notamment très attention à ce que les blocs soient le plus justes possible. Ajouter une prise intermédiaire ou un petit pied en plus, ce n’est pas forcément un réglage juste, c’est un réglage facile.
Si l’on veut retrouver plus de femmes dans l’ouverture, Maëlys explique qu’il faut peut-être revoir le fonctionnement du milieu. Lors d’un voyage au Canada, elle remarque notamment que les femmes y sont mieux intégrées.
L’organisation interne des salles n’est pas la même qu’en France. Pour réaliser les blocs, ils sont par groupe de 3 ou 4 : ce qui permet de laisser les plus forts ouvrir les blocs durs. En France on fonctionne souvent en duo alors forcement il faut que chacun fasse la moitié du travail pour ne pas laisser trop de charge à son binôme.
Il faut donc peut-être repenser l’organisation de l’ouverture en salle pour permettre aux grimpeuses, parfois moins fortes que les grimpeurs, d’ouvrir sans pénaliser leurs collègues par une charge de travail supplémentaire.
Maëlys évoque également que le milieu de la grimpe possède forcement des problèmes d’inclusion pour la femme, reflet de la société, mais que l’escalade reste un modèle parmi les autres sports.
Il faut rappeler que l’escalade est un sport où les performances entre les femmes et les hommes sont proches. Les femmes peuvent s’exprimer car elles ont d’autres qualités.
Il est vrai qu’il n’est pas rare de voir des groupes mixtes grimper ensemble avec comme passion commune : l’escalade.
Le mot de la fin
Maëlys se consacre aujourd’hui à sa carrière d’ouvreuse et elle ambitionne de pouvoir travailler sur des projets à l’international.