Durant plusieurs années, Mathieu et Arthur Ternant ont vécu l’intensité du haut niveau. Membres de l’équipe de France, habitués des compétitions nationales et internationales, ils ont connu les joies des sélections, mais également plusieurs désillusions, des blessures, et au final, une perte de motivation. 2023 marquera pour eux une année charnière : chacun, à sa manière, décide d’arrêter la compétition pour se tourner vers de nouveaux projets.
Mathieu : du circuit de Coupe du Monde à l’océan Indien
En 2023, Mathieu réalise une saison satisfaisante en Coupe du Monde. L’été qui suit est consacré au rocher, puis un break bienvenu : deux mois à La Réunion, un passage à Madagascar, quelques semaines au Danemark pour ouvrir sur des compétitions avant de reprendre l’entraînement. « Le plan, c’était de faire une dernière année à 100 %, d’aller chercher ce que je n’avais pas encore réussi à accomplir, et ensuite de partir m’installer à La Réunion », explique-t-il.
Mais rapidement, le scénario déraille. Privé d’entraîneur au pôle France après le départ de Kentin Boulay, il se retrouve livré à lui-même. Trois mois plus tard : rupture partielle de poulie, chute de motivation. « Le projet Réunion/surf/kiff commençait alors à prendre beaucoup de place dans ma tête. »
Le sélectif pour l’équipe de France agit comme un électrochoc : « Je me demande ce que je fais là. Zéro plaisir. C’est la première fois de ma vie que je me pointe sur une compétition sans envie… » Même constat au Dockmaster, pourtant attendu comme un moment fun : « Encore une fois, zéro plaisir. »
Il décide alors de couper. Une semaine de surf dans les Landes, un doigt au repos. Mais dès le premier jour, il comprend : « L’idée de devoir retourner à l’entraînement ne me plaît pas du tout. J’accepte que c’est peut-être la fin. Et franchement, c’est un soulagement. »
Nouvelle vie, nouveaux projets
Direction La Réunion. Sa copine l’y attend, et avec elle, la perspective de construire une nouvelle vie. « L’idée, c’était surf, grimpe, chill. J’avais besoin de changer d’air, de rebondir, de me lancer dans de nouveaux projets. »
Rapidement, le club Austral Roc lui propose un poste d’entraîneur-ouvreur. « Passer de l’autre côté de la barrière était stressant au début, mais ultra motivant. » Il ouvre pour les athlètes locaux, des jeunes comme Iloé Chérif, mais aussi pour Max Bertone. « C’est super motivant de les accompagner. »
Un an plus tard, le bilan est positif. Même si l’absence d’un partenaire d’entraînement quotidien, comme son frère, lui manque, Mathieu a trouvé un équilibre. « J’alterne entre grimpe, surf, boulot, vie perso. »
Ses objectifs ? Débusquer une kingline en 8c+/9a, tester des blocs extrêmes comme « Shaolin » ou « Alphane », voyager dans des destinations atypiques : Nouvelle-Zélande, Madagascar, Angleterre. « Le plus dur, c’est de trouver le temps ! »
Sur le plan pro, il veut continuer à gagner en expérience dans l’entraînement, rêve d’opportunités liées au haut niveau, mais également de pouvoir ouvrir sur des compétitions internationales. « C’est ce qui me plaît vraiment. À La Réunion, les occasions sont rares, mais je garde ça en tête. »
☝️ Fiche d’identité Mathieu Ternant
« Je vis à la réunion depuis plus d’un an maintenant, j’ai fais 5 ans en équipe de France de France de bloc.
Maintenant je suis de l’autre côté de la barrière, coach ou ouvreur. Côté perso j’ouvre des blocs en ravine, j’explore et j’essaie de trouver des pépites. Je surf pas mal aussi à côté, et c’est cool de faire autres choses que de l’escalade par moment. »
Compétitions
- 1er en coupe d’Europe en 2021
- 2eme en coupe d’Europe en 2022
- 14eme en coupe du monde en 2023
- 17eme au championnat du monde en 2021
Outdoor
- « Monkey Wedding » 8C
- « Get railed » 8B+ «
Arthur : de l’équipe de France aux ateliers de shape
Pour Arthur, la bascule s’est faite un peu différemment. Sa carrière avait pourtant bien démarré : en 2019, podium au championnat de France de bloc, premières sélections internationales, résultats prometteurs. Mais derrière, les déceptions s’enchaînent. « J’ai grimpé pour ne pas perdre sur 90 % des compètes. Résultat : j’ai beaucoup perdu« , confie-t-il avec humour.
Puis viennent les blessures : coudes, poulie, sub-luxation, scaphoïde. « Tout ça très rapproché. » Malgré tout, en 2023, il se lance dans une ultime saison, avec l’envie d’aller plus loin. « J’avais un bon niveau, pour la première fois depuis longtemps j’y croyais. Mais ça ne s’est pas passé comme prévu. Ça s’est arrêté un peu brutalement… je suis passé de investis à 1000% à une réflexion: continuer ? Arrêter ? »
La transition commence alors à s’opérer. Sa copine Salomé Romain, qui avait déjà arrêté la compétition, l’entraîne vers le caillou. « Zéro pression, que du kiffe. » Avec son frère, il part également explorer le Peak District, un voyage marquant : « C’était dingue. Ça m’a fait comprendre que je sacrifiais la grimpe dehors depuis trop longtemps. »
Bien que cette transition paraisse presque naturelle, Arthur admet tout de même que « le plus dur a été « d’abandonner » avec la sensation de n’avoir rien accompli… (en objectifs), ajouté à ça la transition avec mon frère (qui a arrêté aussi la même année) et qui est parti vivre à la Réunion. On est passé de training matin midi soir ensemble à d’un coup, plus de training et plus de grimpe ensemble, changement de projet, changement de vie. C’était une période assez étrange à vivre, mais aussi très enrichissante. »
La révélation du shape
C’est aussi à ce moment que son chemin croise l’entreprise Volx Holds, qui lui offre la possibilité de devenir shaper. « C’était un rêve. Depuis un an, je bosse avec eux, et c’est un vrai plaisir. Ils me font confiance, ils ont une démarche soucieuse de l’environnement… Je leur dois beaucoup. »
En parallèle, il valide son diplôme d’ouvreur national. « Cette saison, j’ai pu ouvrir pas mal de compétitions, en France et à l’étranger. Une expérience incroyable. Aujourd’hui, je ne regrette pas d’avoir arrêté la compétition. »
De nouvelles ambitions
Côté grimpe, Arthur a envie de se lancer dans un processus différent : travailler un projet sur plusieurs séances, analyser chaque mouvement et repousser ses limites. « Je n’ai jamais investi plus de 3-4 séances dans un bloc. J’ai envie de vivre ce processus. »
À plus long terme, il rêve de trips orientés sur l’exploration et l’ouverture pour ne pas se contenter de consommer le rocher : trouver une ligne, brosser, déchiffrer, enchaîner. « C’est encore plus savoureux quand tu découvres par toi-même. »
Et comme si cela ne suffisait pas, Arthur nourrit une autre passion : la photo. « À terme, j’adorerais travailler là dedans également »
☝️ Fiche d’identité Arthur Ternant
« Grimpeur, ouvreur, shapper. J’ai grandis à Mayotte et découvert la grimpe en rentrant en métropole à l’âge de 12 ans. D’abord en falaise avec mon père, qui nous a initié avec mon frère, puis en salle et en compétition. Aujourd’hui fini la compétition et focus sur la grimpe dehors et l’ouverture. »
Compétitions
- Vice champion de France (senior) 2019
- Demi-finale en Coupe du Monde 2019
- 1er dockmaster 2023
Outdoor
- « Finnish line » 8C
- « Hazel grace » 8B+
- « Get railled » 8B+
- « Sang neuf » 9a
Deux frères, deux chemins, une passion commune
En 2023, les frères Ternant ont fait le même choix : quitter l’équipe de France. Mais chacun a trouvé son propre terrain de jeu. Mathieu à La Réunion, entre surf, entraînement et kinglines à explorer. Arthur en métropole, entre shape, ouverture et projets persos.
Deux vies différentes, mais un même moteur : l’amour de la grimpe. « L’histoire ne s’arrête pas, elle prend juste une autre forme » , résument-ils.







