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Le siège de la grande voie « Alibaba »: une aventure de la BRCT

© Emile Pino

Mais, vous allez me dire, c’est quoi la BRCT ? Hé bien c’est la Belgian Rock Climbing Team, un groupe de haut niveau consacré à l’escalade outdoor qui a vu le jour en Belgique il y a un an maintenant. Elle est supportée par le Club Alpin Belge.

Mais, au fait, c’est qui la BRCT ? Hé bien elle est composée pour le moment de 7 grimpeurs et grimpeuses de différentes disciplines, (David Leduc, Eline Lemenestrel, Florian Gourgue, Loic Debry, Pablo Raucourt, Sven Lempereur et Thomas Salakenos)  qui ont tous des qualités et des objectifs très différents. Cependant, ils ont tous pour but de mettre en commun leurs aptitudes afin de tirer le groupe vers le haut.

Et cette BRCT, elle fait quoi ? Et bien elle a commencé par faire un peu de bloc à Fontainebleau et dans le Tessin, mais elle a décidé de passer à la vitesse supérieure. Résultat, on a choisi une grande voie où tout le monde allait pouvoir s’exprimer à son niveau, voire même au-delà. Et puis pour corser le tout, on s’est dit qu’un réel défi logistique en plus ça nous plairait bien, et que si en plus on pouvait limiter l’impact environnemental un maximum, ce serait top.

Quelques (nombreuses) discussions plus tard, une voie s’impose : « Alibaba », la célèbre grande voie de la paroi dérobée à Aiglun dans les Alpes maritime. Au programme, 250 mètres de de grimpe pour 60 mètres de dévers, 8 longueurs du 7b+ au 8a+ et probablement une bonne cohésion de groupe à la clef !

Un tel projet demande un peu d’organisation © Emile Pino

Les réunions de préparation s’enchaînent pendant l’été et la fin du mois de septembre arrive bien plus rapidement que prévu. 10h de stop et 8 voitures différentes pour certains, 1200km de trains (Bruxelles-Nice) pour d’autres, la team se retrouve le samedi soir à Aiglun. La nuit est courte : il faut se lever tôt pour la journée de portage afin de monter l’ensemble du matériel, de la nourriture et de l’eau au pied du mur. Au programme, 2h de marche ponctuée de cordes statiques et de pierriers avec des sacs bien trop lourds. Le tout 2 fois pour quatre d’entre-nous. Les deux autres, David et Eline, mettent le cap sur le sommet de la paroi pour repérer et fixer les cordes statiques dans les longueurs du haut.

Le lundi matin, Pablo et Florian, tirant leur matériel et leur eau pour trois, voire quatre jours en paroi, commencent leur push ground-up. Objectif : rester sur le mur tant que toutes les longueurs n’ont pas été enchainées.La première longueur en 8a leur prend quelques essais, avant de passer à la suite.

De son côté, Thomas, bloqueur aguerri, a pour but de se familiariser avec les techniques de grande voie, d’appréhender le vide (on vous l’a dit, ça penche !) et de réussir à s’exprimer dans les longueurs qui lui plaisent. Il part donc dans la première longueur afin de prendre ses marques et repérer les méthodes pour un éventuel push.

Alors qu’Eline et David ont enfin trouvé le haut de la voie après un bivouac improvisé, le mardi, Sven, dernier à ne pas avoir touché le mur, se lance à son tour. Son but ? Faire Alibaba à la journée, point. Il raconte :

Après un réveil matinal (6h), un petit déjeuner et un échauffement à la lueur de la frontale, les premiers rayons du soleil sonnent l’heure du début de la bataille. Le stress m’envahit car je sais que tous les runs comptent, que mon énergie est limitée et qu’il n’est donc  pas question de perdre des essais inutilement. La journée précédente dédiée à l’assurage m’a beaucoup fait douter car j’ai pu voir les difficultés rencontrées par le reste du groupe. Pour être honnête, cela a bien hanté ma nuit. Malgré cela, je flashe les 3 premières longueurs (8a/8a/7b+) et j’arrive vers 10h30 au troisième relais où Flo et Pablo ont passé la nuit. La L4 fut un peu magique car personne ne l’avait essayée, il manquait des dégaines, le photographe était en place, David et Eline étaient au relais suivant pour prendre le relais de l’assurage, Thomas regardait le spectacle de 2ème relais. Après avoir englouti une barre de céréales, je me lance : le début me semble très dur sur des prises difficiles à déchiffrer. Je comprendrai plus tard que mes méthodes étaient pourries. Après ce début difficile, j’arrive dans un enchaînement de colonnettes, bien physique avec des genoux: je gère et j’enchaîne cette longueur, rejoignant le groupe du haut. Je sais que c’est maintenant que le succès se joue car plusieurs forts grimpeurs ont échoué leur push à la journée en tombant en haut de cette L5. Je m’élance donc dans ces 40 m et 80 mouvements. Malheureusement, je zippe à la fin du crux… la première cartouche s’envole et, avec elle de nombreux, kilojoules d’énergie. Ça passe au deuxième run et me voila sous la L6 vers 14h. Ensuite, une incompréhension des méthodes me fait chuter en toute fin de L6 à mon run flash. Puis, un oubli de méthode de ma part me refait chuter! Le témoin de la jauge d’énergie est allumé et le doute s’installe. Heureusement, j’ai mon Joker Eline qui me remobilise et me pousse à prendre un long repos, un bon repas (enfin, des lentilles précuites dans un sachet en plastique) et à attendre que le soleil descende pour avoir de bonnes conditions. Ce 3ème run est magique: la pression est énorme mais je rentre dans un état de flow et je marche sur la longueur. Le soucis est qu’il fait sombre à présent. Mais c’est décidé, je ne descendrai plus. Quoiqu’il arrive, je sors la voie. La nuit tombe, cela fait déjà 12h que je suis sur le mur. En allumant ma frontale, je déconnecte mon cerveau et m’enfonce dans ma bulle créée par ce faisceau de lumière. Tout devient naturel, cet environnement hostile me pousse dans une partie de moi que je connais, je sais que je vais répondre présent car cette situation m’excite et c’est avec une réelle facilité que j’enchaine ce dernier 8a (L7). Le dernier 7c, complètement à vue avec peu de dégaines, ne me pose pas trop de soucis et c’est avec une joie immense, décuplée par les cris des autres, que j’arrive en haut de ce monstre vers 21h30, soit 14h30 après le début de mon push. »

Et voilà, après seulement trois journées sur place, la BRCT compte déjà un enchaînement. Oyé!

Sven Lempereur terminera à la frontale ! © Emile Pino

Mais reprenons : pendant que Sven fait des prouesses, ça ne chaume pas du côté de Flo et Pablo : L4 et L5 passent toutes les deux après de bons combats. Ils arrivent au très étroit portaldge du R5, bien fatigués mais satisfaits de la journée. David, quant à lui, est redescendu au camp de base après avoir jeté un coup d’oeil sur les prises des longueurs du bas, pendu à sa stat’

Eline descend elle aussi en bas, bien fatiguée après ces deux longues journées sur le mur et l’assurage physique et psychologique de Sven.

Le jour se lève à nouveau, et c’est en ce mercredi matin que David et Thomas partent pour deux jours et pour tout casser. Résultats, L1, L2, L3, L4 et L5 à la frontale pour David. On dirait que l’entraînement paye !

Là-haut, Flo et Pablo ont une grosse journée s’ils veulent arriver au sommet : L6, L7, L8. La pression monte pour Pablo, mais il garde la tête froide et les avants bras solides et enchaîne le 8a+ de la 6ème longueurs après une montée de calage. Ça bloque pour Flo quelques prises sous le relais pour cause de lolotte oubliée, et, malheureusement, un essai en plus ne suffit pas. D’un commun accord, ils décident de passer à la septième longueurs. Et, encore une fois, c’est un dévers écrasant qui les attend. Décidément, la réputation d’Alibaba est fondée. Pablo joue de son expérience et sort là longueurs au premier run. Flo le suis, en profitant de ces belles colonnettes et du gros vide en dessous. Majeur!

Eline Lemenestrel avance dans les longueurs © Emile Pino

Si on compte bien, il ne reste donc plus que la dernière longueurs à Pablo pour l’enchaînement. Cette dernière longueur se redresse et les prises se font beaucoup plus petites, mais l’envie de réussite pousse à les serrer très fort : Pablo enchaîne à vue. Résultat : un second enchaînement d’Alibaba pour la BRCT. Yes !

La semaine avance et on est déjà jeudi matin. Pas le temps de se reposer, Flo et Pablo redescendent (et se perdent) en marchant car il faut ravitailler le camp de base. De leur côté, après une bonne nuit sur le portaledge de R3, Thomas et David s’activent. Ce dernier à déja bien repéré les trois longueurs qui lui manquent, et il n’en fait qu’une bouchée.

Et de 3 enchaînements d’Alibaba pour la BRCT. Oyé ! Nous ne ferons pas mieux, mais que l’aventure était belle!

Une belle brochette ! © Emile Pino

Publié le : 05 novembre 2023 par Charles Loury

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