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Interview : Paul Jenft nouveau Champion de France de bloc

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Dimanche dernier, un nouveau Français s’emparait de la couronne de Champion de France de bloc. Son nom ? Paul Jenft. Le chambérien de 18 ans a quasiment tout gagné dans les catégories jeunes. Multiple Champion d’Europe de bloc et de difficulté, il est également multi-médaillé sur le dernier Championnat du Monde jeunes qui s’est tenu l’été dernier en Russie.

Lui qui se considère d’abord comme un spécialiste de la difficulté (il disputait sa première finale en Coupe du Monde seniors l’an dernier), a toutefois réalisé la meilleure prestation sur le Championnat de France de bloc cette année.

Rencontre avec Paul, un jeune homme calme et discret, plein de projets pour l’avenir.


Salut Paul ! Tout d’abord, qu’est-ce que l’on ressent quand, à 18 ans seulement, on remporte le titre de Champion de France de bloc ?

Je pense que c’est l’un des moments les plus forts que j’ai vécu en compétition. Il y avait beaucoup de monde dans la salle pour soutenir les finalistes et j’ai vraiment eu l’impression qu’ils avaient passé un bon moment. Le fait d’avoir contribué un peu à ça m’a vraiment fait plaisir. Je remercie tous les gens qui étaient là, ou devant leur ordinateur, pour nous avoir encouragés à fond.

Comme Mejdi Schalck ou encore Oriane Bertone, tu as fait le choix de ne pas participer aux France jeunes cette année ? Etait-ce un choix tactique pour être plus en forme sur la compétition seniors ?

J’ai décidé de ne pas participer au Championnat de France jeunes parce que j’avais déjà une sélection chez les jeunes et j’ai préféré me préserver pour les épreuves seniors qui suivaient. C’est un choix qui n’a pas été facile parce que quand tu décides de ne pas aller sur la compétition la plus importante au niveau jeunes, les gens t’attendent sur celle d’après. Si tu te plantes, c’est dur de justifier le fait de prendre des sélections sans aller se confronter aux autres. Mais j’ai un calendrier de compétitions très chargé, donc forcément, il faut faire des choix et prendre des risques.

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Quel était ton objectif en te rendant à Plougoumelen ?

Je n’aime pas vraiment me fixer d’objectifs de résultat avant les compétitions. Mon but était de mettre en place tout ce que je savais faire et de tout donner sur la compet. La motivation vient en fonction de l’importance de la compétition et de l’investissement que je mets dessus. Et là j’étais sur-motivé !


Avant le dernier bloc, je savais ce qu’il fallait faire pour gagner et ça m’a ajouté une émulation incroyable. »


Dans quel état d’esprit et de forme as-tu abordé cette compétition ?

Je suis vraiment arrivé dans un bon état d’esprit, j’étais frais mentalement et physiquement et j’avais vraiment envie de voir ce que ça allait donner dans les blocs. J’ai eu la chance que mon pic de forme soit arrivé assez tardivement, ce qui a fait que je n’étais pas super en forme les semaines avant la compet. Ça m’a permis de ne pas être trop attendu et donc, j’ai moins eu à gérer le regard des autres par rapport aux favoris.

Tout au long du week-end, tu n’as cessé d’améliorer ton rang : d’abord troisième de ton groupe de qualification, tu terminais deuxième des demi-finales, pour finir par une première place en finale. Avec un peu de recul maintenant, comment analyses-tu la compétition dans sa globalité ?

Plus les tours passaient, plus j’étais fatigué. Je n’avais pas énormément de réserve sur la compet. Mais la fatigue m’a aussi permis de mieux grimper au fil des tours. Quand physiquement ça devient plus dur, c’est plus facile d’être relâché et de mieux se placer, donc ça peut avoir un impact bénéfique sur la grimpe. Je pense que le relâchement m’a bien aidé sur ces finales.

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Justement, parlons maintenant des finales. Qu’as-tu pensé des blocs à la lecture ? Savais-tu que tu avais une bonne carte à jouer ?

C’est assez dur de connaître le niveau des blocs à la lecture, donc ce n’est pas facile de se projeter sur la place qu’on peut espérer. Dès le premier bloc j’ai vu que j’étais dans le match et plus les blocs passaient plus je voyais l’opportunité se dessiner.


J’ai moins de temps que les autres pour m’entraîner, alors je fais des séances plus qualitatives et donc, je m’investis à fond dès que je grimpe. »


Tu as failli être le seul grimpeur à enchaîner tous les blocs de finale, et tu réalises d’ailleurs un très beau flash des deux derniers blocs. Qu’as-tu pensé de ces finales ?

Les finales ont vraiment tenu leurs promesses ! Il y a eu du suspense jusqu’au dernier moment. Quand tu es derrière le rideau, tu peux assez facilement calculer ta position dans le classement en fonction de ce que tu entends. Il y en a qui n’aiment pas le faire et qui mettent leur casque, mais moi ça m’a vraiment servi. Avant le dernier bloc, je savais ce qu’il fallait faire pour gagner et ça m’a ajouté une émulation incroyable.

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As-tu changé quelque chose cette année dans ta façon de t’entraîner ? Sur quoi axes-tu ton entraînement ?

Il y a eu beaucoup de changements pour moi cette année : je suis parti de chez mes parents pour aller à Grenoble pour mes études. J’ai donc dû m’organiser différemment et j’ai changé mes lieux d’entraînements. J’ai complètement bousculé la routine que j’avais mise en place depuis plusieurs années et je craignais un peu que ça se ressente sur mes performances. Mais j’ai vraiment trouvé un bon équilibre à Grenoble et je peux maintenant vraiment m’investir dans l’escalade.

Pour ce qui est de mes contenus de séance, j’ai continué sur ce que je faisais l’année dernière, en m’adaptant aux structures et aux gens dispos pour s’entraîner avec moi. J’aime bien rester assez libre dans ma planification, je travaille donc uniquement avec un préparateur physique. Je passe 80% de mon entraînement à grimper. Je vais chercher de l’émulation dès que je peux en m’entraînant avec du monde. J’ai de la chance d’avoir des colocs (Nao Monchois et Louison Burtin) qui s’entraînent avec moi et on se tire vraiment vers le haut.

Mon volume d’entraînement est vraiment dépendant de mes cours (j’aménage mes études à Polytech Grenoble). J’ai moins de temps que les autres pour m’entraîner, alors je fais des séances plus qualitatives et donc, je m’investis à fond dès que je grimpe. Peut-être qu’un jour je souhaiterais m’investir dans un plus gros objectif et donc, je devrais m’entraîner plus. Pour l’instant j’essaye de ne pas brûler les étapes, j’ai encore beaucoup de temps devant moi pour me consacrer 100% à mon sport.

Il y a une bonne émulation entre Mejdi Schalck et toi. As-tu hâte d’aller jouer à l’international avec lui ?

On se complète vraiment bien avec Mejdi parce qu’on est chacun spécialiste dans notre discipline (lui en bloc et moi en diff). On a chacun des trucs à s’apporter dans notre façon de s’entraîner. On est assez proche pour qu’on installe une sorte de compétition entre nous, sans que ce soit malsain. L’année dernière on s’est tiré vers le haut toute la saison, j’avais envie de faire en diff ce qu’il avait fait en bloc et ça a bien marché pour nous deux. Je suis donc bien motivé pour retourner avec lui surtout si je m’aligne sur les mêmes compétitions que lui.

Une petite anecdote à nous raconter sur ce Championnat de France ?

Deux semaines avant le Championnat de France, mon partenaire de chaussons (EB) m’a donné un modèle prototype pour que je l’essaye. J’ai tellement accroché que je leur en ai demandé une paire plus à ma taille pour la compet. Ils les ont produits en urgence et je les ai reçus cinq jours seulement avant la compétition. J’ai donc grimpé avec alors que je m’étais entraîné avec des chaussons différents tout l’hiver ! Les détails font la différence et je les remercie infiniment pour l’effort que toute l’équipe a fait pour me produire ces chaussons.

Quels sont tes objectifs cette année ?

L’objectif de cette année, c’est le même que celui de l’année dernière et ça sera le même l’année prochaine : je sélectionne en début d’année les compets qui me tiennent le plus à cœur et j’essaye d’arriver le plus en forme possible sur ces événements. Une fois à la compétition, il y a trop de paramètres qui rentrent en compte pour que je m’accroche à une place précise.

Cette année les compétitions que j’ai sélectionnées sont les Coupes du Monde de diff de cet été, c’est mon principal objectif. Après il y aura les Coupes du Monde de bloc et les Championnats du Monde jeunes à la fin de l’été. Tout ça avec quelques sorties en falaise dès que j’aurais un moment !