Interview de champions / Clémentine Kaiser et Pascal Gagneux reviennent sur leur titre!
Le week-end dernier, deux nouveaux champions de France de bloc étaient sacrés. Deux personnes qui ont surpris beaucoup de monde en montant sur la première marche du podium. Mais c’est aussi ça la beauté de notre sport et de la compétition. Tout peut arriver. Le mental, la volonté, la rage de vaincre… C’est plein de détermination que Clémentine Kaiser et Pascal Gagneux ont abordé les finales. Est-ce ça qui a fait la différence? Retour avec les champions de France de bloc 2016 sur un week-end qu’ils ne sont pas prêt d’oublier!
Comment se sent-on quand on vient d’être sacré champion de France ?
Clémentine: Agréablement bien ! On se sent très soutenu, beaucoup de personnes sont super contentes pour moi et je les remercie toutes.
Pascal: Heureux, ému, carrément bien, hyper content….tu peux y mettre toutes les émotions qui résument le plaisir en fait.
– C’est votre premier titre chez les seniors, vous attendiez-vous à cette victoire?
C: Je savais que j’avais les capacités de décrocher le titre, mais entre la théorie et la pratique il y a parfois de petits décalages.
Arriver à faire de mon mieux, c’est ce à quoi je me suis préparée. Après, la victoire ou pas c’est plus difficile à planifier. Disons que j’ai tout mis en place pour arriver à gagner.
P: C’est mon premier titre tout court même. Sincèrement je ne m’y attendais absolument pas. En venant je visais la finale comme la saison dernière, en me disant qu’une fois en finale tout est possible pour un podium, mais vu les grimpeurs présents je n’aurais jamais misé un instant sur moi pour la victoire.
– Qu’est-ce qui a fait la différence selon vous?
C: Le mental a une influence directe sur la performance. Quand l’envie et la confiance sont là, les performances le sont aussi. Alors je pense que ce qui a fait la différence c’est le bon état d’esprit dans lequel j’étais. C’est-à-dire simplement contente d’être là et de grimper.
P: Je dirais une finale avec des blocs pas extrêmes en terme d’intensité physique, mais plutôt complexes en terme de grimpe. Ce style me convient mieux et j’ai réussi à ne pas faire d’erreur là où les autres en font quelques-unes. Finale parfaite pour moi donc.
– Etait-ce un des objectifs importants de cette saison pour vous?
C: Effectivement le championnat de France était un objectif important pour moi, mais ce n’est qu’une étape. J’espère réussir à m’exprimer à mon plus haut niveau en coupe du monde et pourquoi pas au championnat du monde en septembre.
P: Forcément oui. Les championnats de France sont un objectif en ce sens où c’est LA compétition nationale où l’on veut bien faire, mais en terme de saison internationale je visais plus comme gros objectif le sélectif équipe de France à Fontainebleau le weekend prochain. Seul le vainqueur à Toulouse prenait sa place pour les 3 premières coupe du monde, et vu les clients présents je n’aurais cru que ça serait moi.
Au moment de tenir ce bac final, toutes mes années d’escalade ont défilé devant moi…
– Comment avez-vous vécu le week-end?
C: J’ai profité de chaque moment et j’ai tout apprécié !
Depuis que j’ai déménagé sur Marseille je ne reviens pas souvent dans le sud-ouest. J’étais donc très contente de revenir là-bas pour montrer aux gens qui m’ont vu évoluer sur mes années jeunes, que même après des épreuves j’ai été capable de progresser et de revenir au niveau.
En qualif j’étais très sereine, mais dès le premier bloc j’ai compris que ce circuit était constitué de blocs plutôt faciles. Il ne fallait donc pas lâcher un run. J’ai juste pris les blocs un par un en tachant de grimper proprement.
En demi, on prend les mêmes et on recommence. Sérénité et confiance, un bloc à la fois.
La finale en revanche était plus difficile à gérer, peut-être parce que le temps entre la demi-finale et la finale a été super court. J’ai juste eu le temps de réaliser et il a immédiatement fallu se remettre en mode compète en restant concentrée.
En finale, passer dernière était à la fois une source de confiance parce que c’était la preuve que j’avais été très efficace en qualifs, mais c’est aussi une position qui implique beaucoup de pression. Lors de mon premier bloc de finale, je me suis fait un peu avoir mais j’ai bien réussi à me recentrer. Lors du bloc 4, j’étais carrément dedans. C’était maintenant LE moment de la compétition ! J’ai juste pris le temps de grimper.
Quand j’ai réalisé ce que je venais de faire, ça m’a fait l’effet d’une vague de bonheur en pleine face.
En fait, au moment de tenir ce bac final, toutes mes années d’escalade ont défilé devant moi depuis le tout premier moment où j’ai touché ma première prise d’escalade, jusqu’à cet aboutissement. Ce titre, c’est la satisfaction d’avoir surmonté des moments difficiles…, mais aussi d’avoir vécu des moments importants qui m’ont toujours rendu encore plus accro à la grimpe. C’est aussi un sentiment de reconnaissance parce que quand on serre ce dernier bac, c’est toutes les personnes qui m’ont soutenu et m’ont aidé à progresser qui serrent cette prise avec moi.
J’ai abordé chaque tour, chaque bloc avec l’envie de bien faire. Faire ce que je sais faire et profiter de l’instant présent.
P: Alors un weekend très riche en émotions. En qualification puis en demi-finale je me qualifie pour la suite, de manière limite car grimpant crispé, je fais des petites erreurs. Du coup à chaque fois j’ai dû attendre le passage des derniers grimpeurs pour savoir que j’étais qualifié pour la suite.
De longs moments de stress et de tensions donc dans ces phases de qualification.
Une fois que ma place en finale s’est confirmée cela a été la libération! Mon objectif étant atteint, j’ai savouré chaque instant, en mode que du plus! Là j’ai pris beaucoup de plaisir à grimper car j’étais plus relâché, et au fur et à mesure que les blocs sortaient, le curseur bonheur montait un peu plus.
– Une petite anecdote à nous raconter sur cette compétition?
C: Franchement non !
P: Un moment pas agréable du tout. En demi-finale en regardant les derniers concurrents passer forcément on se met à y croire et on fait des calculs sur ce qu’il faudrait pour être sûr que passe. Et là en voyant Guigui (avec qui je m’entraine) tomber j’ai conscience que ça assure ma qualification. Désagréable sensation donc d’être partagé entre la joie de se qualifier, et la déception que ça soit au détriment d’un ami.
Même si j’ai bien conscience que c’est le jeu de la compétition je n’ai vraiment pas apprécié la situation.
– Si vous ne deviez retenir qu’un seul moment de ce week-end, ce serait lequel?
C: Sans aucun doute ce dernier bloc, cette dernière prise.
P: Je n’arrive pas à choisir donc je fais le mauvais élève et t’en donne 2.
En finale quand je sors le bloc 3 à vue. Au moment où je prends le bac final j’explose de plaisir car même sans savoir que ça sera grâce à ça que je termine premier, je me dis que quoiqu’il arrive je suis heureux de ma finale. J’ai grimpé comme il fallait, j’ai tout donné et donc je n’aurais rien à regretter…
L’autre moment est lorsque je regarde les autres grimper sur le dernier bloc vu que je passais avant eux. Petit à petit je réalise que je gagne des places, pour finalement me dire « wouahhhhh…. c’est un truc de fou mais j’ai gagné!!! »
– Comment s’annonce la suite de la saison maintenant, quels sont vos projets?
C: La suite de la saison s’annonce plutôt bien. J’arrive de plus en plus à m’exprimer en compétition et effectivement, j’ai l’esprit beaucoup plus tranquille tout en m’entraînant davantage. Par conséquent, il y a toutes les raisons de penser que cette année s’annoncer bien !
P: Grâce à cette victoire je suis sélectionné en équipe de France pour participer aux 3 premières coupe du monde dans un peu plus d’un mois. Du coup je suis surmotivé pour retourner à l’entrainement car j’ai bien conscience que c’est une superbe occasion pour moi. Je ne vais pas me mettre la pression rapport à Bercy et une éventuelle qualification en cas de bons résultats sur ces compétitions, car je sais que ça ne me réussit pas. Je vais prendre les choses comme elles viennent, en profitant à fond.
– Prêts à aller défendre les couleurs de la France à l’international?
C: Carrément, je suis très fière d’avoir la chance de participer au circuit international sous les couleurs françaises. La sélection en France est particulièrement sévère, donc lorsqu’on a la chance de faire partie des quelques élus, on se doit de faire de son mieux et c’est ce que je vais faire.
P: Prêt je ne sais pas, mais il me reste un mois pour faire le maximum pour l’être. En tout cas impatient c’est sûr.
– Parlez nous de vos entraînements, comment vous entraînez-vous, où, avec qui?C: Cet été, j’ai senti qu’il fallait changer ma façon de m’entraîner pour passer un cap. Aussi, quand Nicolas Januel m’a proposé de m’entraîner j’ai saisi l’opportunité. Je vis et travaille sur Marseille, alors la gestion de mon entraînement est un peu différente des autres grimpeurs du pôle de Fontainebleau. Je rejoins les stages sur Paris à peu près une fois par mois tout en conciliant avec mon boulot. Je tiens beaucoup à ma vie et mon entourage dans le sud et pour moi c’est vraiment un élément sans lequel je ne pourrais pas être performante.
La région Marseillaise est « top » pour s’entraîner, entre les salles Grimper, la salle Climb up Aix et les falaises il y en a pour tous les goûts.
Nico me propose de suivre une planification en fonction de mes besoins et de mes contraintes professionnelles. Même si travailler et s’entraîner à fond peut être fatigant et compliqué, en ce qui me concerne, j’en tire une vraie complémentarité. Je m’éclate carrément au boulot et ceci me permet vraiment de m’épanouir dans un milieu différent du monde de la compète. Je suis aussi très chanceuse car tous mes collègues et mon chef d’établissement me soutiennent à 100%.
P: Oulà alors là c’est le moment où je me critique!!! En terme d’entrainement je suis un peu tout fou et je veux tout faire. Je grimpe et m’entraine car j’aime forcer et être à fond, mais du coup j’ai du mal à me « contraindre », notamment en terme de repos….
Depuis 2 ans je suis devenu un peu plus sérieux et j’essaye de me faire des cycles un peu construits, mais je sais que je peux encore énormément progresser sur ce point car j’ai conscience que je suis encore trop impulsif.
Après en terme de partenaire de grimpe et de lieux de pratique je suis beaucoup avec Guigui, Mélanie Sandoz et Ludo Laurence (je te cite exprès Ludo car je sais ce que tu en diras et ça me fait marrer) . Nos emplois du temps respectifs se concordant bien on essaye un maximum de se retrouver pour grimper ensemble, en variant les lieux car à Fontainebleau on a la chance de pouvoir varier.
Mais il y a aussi tous les amis grimpeurs de région parisienne, que je vais retrouver de manière prévue ou pas. En région parisienne je pense qu’on a cette chance d’être énormément de grimpeurs, et donc on trouve toujours quelqu’un avec qui faire une bonne séance. Bonne séance ne voulant pas forcément dire efficace, mais séance où l’on rigole bien (et là dédicace à Renan).
– Vous aimez aussi voyager et aller grimper en extérieur. Est-ce que cela vous aide dans votre préparation?
C: Mon emploi du temps est vraiment plein a craquer entre les entrainements, les stages et mon travail c’est compliqué de trouver du temps pour voyager et même pour aller grimper sur les falaises qui ne sont qu’à 20min de la maison.
J’ai réussi à trouver un équilibre entre tout ça, mais je ne peux pas tout faire, les journées sont trop courtes. Les voyages et la grimpe en extérieur m’attirent carrément, mais pour l’instant la compétition reste mon objectif principal. Je pense que je pourrai toujours grimper dehors et voyager plus tard, faire de la compétition c’est moins certain…
P: Euh deuxième question piège. Alors oui c’est sur que je suis bleausard dans le sens ou j’ai commencé à Fontainebleau, que j’y ai passé la majeure partie de mon temps de grimpeur et que j’y passerais encore beaucoup de temps; mais depuis 2 ans je ne dirais plus que je suis très actif dans la forêt. Je grimpe surtout en salle et même si j’ai plein d’amis qui vont s’arracher les cheveux en lisant ça, je me marre tout autant qu’en forêt car j’aime grimper tout simplement.
En terme d’escalade et de compétition c’est sûr que la forêt m’a énormément apporté techniquement et en terme de sensation, mais du coup c’est surtout physiquement que j’ai des lacunes. Pour ça la salle reste le plus efficace donc j’essaye de m’y tenir le plus possible.
La forêt est là pour longtemps et j’y retournerais à temps plein car des blocs, j’en ai encore un tas à faire.
– Le mot de la fin, c’est maintenant!
C: Encore une fois, je remercie toutes les personnes qui me soutiennent et toutes celles qui m’ont fait évoluer à différentes étapes de mon parcours. Une mention spéciale à Tito… Merci à l’établissement Sévigné Marseille pour son soutien.
P: C’est banal mais merci à tous mes proches et tous mes amis, grimpeurs ou pas, qui font que je passe de supers moments en grimpe et dans la vie en général.